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2007 ou l'impossibilité de gérer la pression quand les attentes sont trop pesantes

Bernard Laporte avant la demi-finale contre l'Angleterre en 2007.
Bernard Laporte avant la demi-finale contre l'Angleterre en 2007.Profimedia
En 2007, la France est la principale organisatrice de la Coupe du monde de rugby. Son plus grand exploit, elle le réalisera à Cardiff, contre des All Blacks qui jouent en gris. Pour le reste, les rêves de titre se sont envolés notamment en raison d'une pression populaire immense rehaussée par un tandem Nicolas Sarkozy-Bernard Laporte complètement hors-sol.

Sport et politique font rarement bon ménage. Élu depuis le mois de mai 2007, Nicolas Sarkozy a choisi son ministre des Sports et il espère bien attendre le 21 octobre, lendemain de la finale de la Coupe du monde de rugby pour l'accueillir dans l'équipe gouvernementale. Car il s'agit tout simplement de Bernard Laporte, sélectionneur du XV de Fance

Pression populaire absurde et lettre de Guy Môquet

La compétition est essentiellement à domicile, alors il faut y briller. Le ballon ovale tricolore rêve du même triomphe que les pousse citrouille du football en 1998. Jadis sport de bourrins, le rugby est devenu hype, dans la lignée de la politique entreprise depuis près d'une décennie par Max Guazzini au Stade Français. Le rugbyman n'est plus ce gars bourru aux oreilles en chou-fleur. À présent, il est glamour, il est tendance. Sport principalement régional en France, le rugby a gagné ses lettre de noblesse et il est désormais de bon ton d'aimer l'Ovalie. Ne pas en comprendre les règles revient à voir une pièce de théâtre dans une langue étrangère non sous-titrée mais qu'importe ! 

L'équipe nationale est sous pression. Demi-finaliste en 2003, battue notamment parce qu'une averse inattendue a délité le plan de jeu de "Bernie le dingue" contre l'Angleterre, elle fait partie des outsiders sérieux au titre. Pour débuter la compétition, le 7 septembre, les Bleus ont rendez-vous avec l'Argentine. Les Pumas adorent jouer et faire déjouer les Français. Avec sa bajadita, technique d'entrée en mêlée spécifique, ses joueurs passés et présents qui connaissent si bien le Top 14, les Argentins constituent une force de frappe énorme et ils intègreront deux ans plus tard le Four Nations avec les nations de l'hémisphère sud. 

Mais si les joueurs français savent pertinemment que ce match est un vrai cadeau empoisonné, une très large partie du pays ainsi que les diffuseurs ne voient pas la menace. La France gagnera sí o sí. Le contexte n'est déjà pas simple mais le duo Sarkozy-Laporte décide de rajouter un peu de pression. Et là, attention les yeux, est carrément convoquée Guy Môquet, Résistant de 17 ans fusillé par les Allemands en 1941. L'analogie est absurde mais Sarkozy a été élu en partie sur un programme mettant un exergue les "valeurs de la France". Et quoi de mieux que les "valeurs du rugby" pour les exalter ?

Devant les caméras de TF1, les joueurs sont en cercle et écoute un discours de Laporte qui évoque les parallèles entre la lettre et la préparation de son équipe, répétant deux fois la notion de lucidité. Clément Poitrenaud lit, il peine à parler tant sa gorge est nouée. La suite est évidemment prévisible : les joueurs se déballonnent complètement et sombrent devant 80000 personnes au Stade de France (17-12). 

L'exil pour renverser les All Blacks

Le deuxième match de poule disputé à Bordeaux contre la Namibie fait du bien aux Bleus qui sortent de Marcoussis et son atmosphère pesante. 87-10 : 13 essais dont deux de Sébastien Chabal reconverti deuxième ligne et surtout rare joueur identifiable pour le grand public. Le XV de France se remet à l'endroit et torpille l'Irlande au Stade de France (25-3), au bon souvenir du 1/4 de finale remporté 4 ans plus tôt (25-3). 

La victoire au Vélodrome contre la Géorgie (64-7) entérine ce que tout le monde sait depuis le 7 septembre : il y aura un 1/4 de finale contre la Nouvelle-Zélande au Millenium Cardiff. Loin des turpitudes hexagonales, les Bleus s'exilent au Pays-de-Galles. Sans pression, ils rêvent d'un remake de 1999. Ils l'obtiendront, dans un style moins flamboyant (à l'impossible nul n'est tenu), face à des All Blacks vêtus de gris. Rapidement menés 13-0, les Français ne rentrent pas fanny au vestiaire grâce à une pénalité de Lionel Beauxis dans les arrêts de jeu. L'indiscipline des Néo-Zélandais coûte un carton jaune à Luke McAllister qui avait inscrit le seul essai de la rencontre jusque-là. Juste avant son retour sur le terrain, Thierry Dusautoir surgit. Avec la pénalité de Beauxis consécutive à la sortie temporaire de McAllister et la transformation de l'ouvreur, les deux équipes sont à égalité (13-13). Les All Blacks calment les supporters tricolores avec un essai en force de Rodney So'oialo mais non transformé par Dan Carter (18-13).

Il reste un quart d'heure, l'exploit est encore possible. Les Bleus ne mettent pas 5 minutes pour répliquer : percée de Yannick Jauzion qui trouve Frédéric Michalak entré en jeu. Le Toulousain va à dame et Jean-Baptiste Elissalde transforme. 20-18 à 12 minutes de la fin. Les All Blacks partent à l'assaut de l'en-but français mais bute sur une défense anti-nucléaire dirigée par Dusautoir, auteur de 38 plaquages ce soir-là ! Dans les arrêts de jeu, Jean-Baptiste Elissalde récupère un ultime ballon tombé et s'en va à l'autre bout du terrain pour l'expédier dans les tribunes et valider le succès inespéré. 

Dur retour à la réalité à Saint-Denis

Quatre ans plus tard, la France retrouve des Anglais désormais champion du monde en titre. 79 secondes de jeu : erreur de Damien Traille, essai Josh Lewsey. Malgré tout, par la botte de Beauxis, les Bleus mènent à la pause (6-5) et prennent 4 points d'avance après une pénalité. Le XV de la Rose court après le score mais les Français grincent. Jonny Wilkinson claque deux pénalités et un drop (14-9). Les Bleus restent à quai. 

Il reste un match à disputer, pour la 3ᵉ place. Pour boucler la boucle, c'est contre l'Argentine, battue par l'Afrique du Sud qui triomphera le lendemain. C'est le dernier match international de Raphaël Ibañez et Fabien Pelous notamment. Ce match est une punition. Les Pumas ont déjà gagné à la mi-temps (17-3), les esprits sont bouillants. Cinq essais encaissés et une déroute (34-10) pour conclure une compétition chaotique.

Pour Laporte, un mandat s'arrête, un autre s'ouvre. Ministre des Sports, il ne laissera aucune trace marquante, si loin de son empreinte sur le rugby français. Devenu président de la FFR en 2016, il sera au cœur de nombreuses affaires peu glorieuses qui l'empêcheront d'être présent pour ce nouveau Mondial à domicile qui s'ouvre vendredi soir. Seize ans plus tard, les Bleus sont mieux armés que jamais pour enfin mettre les mains sur la coupe Webb-Ellis. Surtout, malgré les attentes, la pression de jouer à domicile n'a rien à voir avec la chape de plomb qui avait pesé sur les épaules du XV de France. La différence se fera peut-être là : gagner ne sera pas un devoir ou une obligation, juste un aboutissement et c'est déjà bien suffisant. 

France gouvernement

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