Jakob Ingebrigtsen remettra-t-il l'Europe au sommet de la hiérarchie chronologique du 1500 mètres ? Depuis plus de 25 ans, les 3'26"00 d'Hicham El Guerrouj à Rome tiennent toujours le haut du tartan. Mais pour combien de temps ? Depuis que Steve Cram est devenu le premier homme sous la barrière mythique des 3'30" le 16 juillet 1985 au Nikaïa de Nice (3'29"67), le record du monde est tombé seulement 4 fois. Le Marocain Saïd Aouita n'a mis que 5 semaines pour déloger Cram, à Berlin (3'29"46).
Un temps référence qui a attendu l'avènement de l'Algérien Noureddine Morceli en 1992 à Rieti (3'28"86) puis en 1995 à Nice (3'27"37) avec 1"49 de gagné. 3 ans et 2 jours plus tard, El Guerrouj abaissait la marque d'1"37. Pour l'anecdote, son deuxième lièvre à Rome était un certain Noah Ngeny qui la battra en finale aux JO de Sydney deux ans plus tard. Deux chronos monumentaux : en 6 ans, le record du monde est abaissé de 2'86" !
Imbattable en meeting
Dans son calcul du ranking annuel, Ingebrigtsen a signé 5 chronos en moins de 3'30". Au Bislett, à Oslo, le Norvégien a profité de l'air familier pour claquer un chrono en 3'27"95. Ça c'était le 15 juin dernier. Un moins plus, le 16 juillet à Chorzow, l'athlète de 22 ans a porté son record personnel à 3'27"14. Les deux fois, le record du monde d'Europe est tombé, record qu'il détenait depuis les Jeux olympiques de Tokyo en 2021. C'était il y a deux ans et il avait couru en 3'28"32.
Sa progression est notoire et, vu sa jeunesse, il vit là ses meilleurs moments pour voir apparaître 3'25" après avoir coupé la ligne. En juillet 1998, El Guerrouj n'avait pas encore 24 ans. En 1995, Morceli avait 25 ans. Ingebrigtsen n'est pas encore arrivé à maturité. Mais s'il emmène dans son sillage ses condisciples (les meilleurs season best ont été battus à Oslo et à Chorzow), Ingebrigtsen a une marge chronométrique certaine puisqu'aucun adversaire n'est allé sous les 3'29". L'Américain Yared Nuguse, 2ᵉ athlète de la distance au ranking, a couru 3'29"02 au Bislett, soit près de 2 secondes de plus que le Norvégien. Dans une course de meeting, le Norvégien semble intouchable. Dans une course de championnat, sa médaille d'argent l'an dernier à Eugene, battu par le Britannique Jake Wightman (forfait à Budapest), a montré qu'il n'était pas infaillible malgré tout.
Objectif 3'27" pour la fin de saison ?
Aujourd'hui, le principal rival d'Ingebrigtsen est El Guerrouj et personne, depuis le Marocain en 2002, a signé trois chrono sous les 3'29" la même saison. Pour l'heure, il détient le record du monde en salle depuis 2022, 3'30"60 au meeting de Liévin. Sa panoplie est très large et cette faculté à mêler résistance et vitesse est admirable. Détenteur du record d'Europe du 3 000 m en 7'23"80 depuis le dernier meeting de Paris et du 5 000 m en 12'48"45 depuis 2021, distance dont il est champion du monde en titre, il pourrait s'approprier celui du mile qui tient depuis le 27 juillet 1985 avec les 3'46"32 de Cram, performance établie... au Bislett d'Oslo. Son record personnel est de 3'46"46, soit un souffle.
Avec les pointes dont il dispose, un modèle sur mesure développé par Nike avec les fameuses plaques carbones et les gains en élasticité, le Norvégien peut passer sous les 3'27" d'ici la fin de saison. Il restera encore un monde pour déloger El Guerrouj mais l'expérience a démontré que, lorsque les planètes sont alignées, une barrière inaccessible peut tomber d'un coup de bélier.
