Adulé puis critiqué à l'Atlético, en mission pour l'Uruguay : le méconnu "Profe" Ortega
Óscar Ortega, alias "El Profe". Quand on évoque le Cholismo, le bouillant préparateur physique est indissociable de l'empreinte de Diego Simeone à l'Atlético de Madrid. Arrivé en Espagne en 1999 dans le staff de Marcos Alonso (le père de l'actuel joueur du Barça) à Séville, l'Uruguayen a vu sa trajectoire prendre son essor en 2003, lorsqu'il a intégré la garde rapprochée de Gregorio Manzano à l'Atlético de Madrid.
C'est à ce moment-là que le spécialiste de la préparation physique de haut rendement dans le football fait la rencontre de deux joueurs en fin de carrière : Diego Simeone et Germán Burgos. En 2006, alors que l'ancien numéro 14 des Rojiblancos a commencé à entraîner, le Cholo s'est rapproché du "Profe", le surnom donné en Amérique du Sud aux préparateurs physiques. Racing de Avellaneda, San Lorenzo, Estudiantes, River Plate, Catane, Atlético : le duo est inamovible, rejoint en 2011 par "El Mono" Burgos.
Si Simeone est en première ligne, Burgos et Ortega sont des personnages essentiels dans la réussite de l'Atlético sur le long terme. Le "Profe" façonne les joueurs, les pousse, les prépare à affronter les cadences infernales. C'est exigeant, c'est carré, c'est exténuant. Les images de Diego Costa, poussé dans ses derniers retranchements lors de son retour à Madrid, ont fait le tour du monde.
Le préparateur physique n'est pas un tendre et ses entraînements suivent une discipline quasi-militaire. Son travail porte même un nom : "El Método". Sous ses ordres, les Colchoneros deviennent une équipe inépuisable et, pour la première fois de son Histoire, l'Atlético réussit sur la durée, loin des changements incessants d'entraîneurs qui étaient la norme d'un club mal géré dans tous les sens du terme. "Ma méthode est une manière d'appréhender l'entraînement fondé sur l'efficacité en haute performance, en plus d'un travail exhaustif sur la planification, la périodisation, le contrôle de l'entraînement et le développement des qualités déterminantes du sport", expliquait-il en avril 2019 dans une entrevue accordée à Mundo Deportivo.
Après le titre, la décompression physique
Si Burgos est parti en 2020 et que l'Atlético a remporté le titre en 2021 avec Nélson Vivas comme premier adjoint, Ortega, lui, est resté. Et celui qui était l'un des principaux protagonistes de la réussite rojiblanca est devenu l'une des premières causes de son délitement. Si Simeone a fait évoluer sa tactique, proposant un bloc équipe plus proche de la surface de réparation adverse pour alimenter plus facilement Luis Suárez en 2020-2021 et renoncé au 4-4-2 à plat pour passer au 3-5-2 avec l'apport de joueurs offensifs, il ne bénéficie plus des ressources humaines nécessaires. Les blessés s'accumulent, les rechutes sont devenues monnaie courante.
Ortega est de plus en plus critiqué. La multiplication des efforts sur des années essore un groupe qui finit par craquer. Par exemple mi-octobre, Simeone ne disposait que de 15 joueurs disponibles. Cette saison, Jan Oblak, Josema Giménez, Stefan Savic, Geoffrey Kondogbia, Marcos Llorente, Koke Resurrección, Thomas Lemar et Álvaro Morata ont déjà été blessés. Une récurrence qui n'est pas nouvelle et qui interroge. Les supporters rojiblancos ne peuvent que constater le manque de continuité qui altère considérablement le niveau d'une équipe incapable de retrouver un style propre, perdue entre la volonté de retrouver de la solidité défensive et son désir d'évoluer avec des joueurs beaucoup plus portés vers l'avant, c'est-à-dire la mentalité qui les a guidés vers le titre en 2021. Le physique agit sur le mental et l'Atlético déjoue de plus en plus souvent, au point que cela en devient quasi-systématique, en championnat comme contre Cádiz le weekend dernier, ou en Ligue des Champions depuis de nombreuses saisons.
Parenthèse celeste
Le "Profe" Ortega a-t-il fait son temps ? A l'instar d'un Antonio Pintus, l'Uruguayen est une référence en la matière et il est difficile de se séparer d'une telle figure. Si son avenir semble toujours aussi lié à celui du Cholo, le préparateur physique a décidé de cumuler avec la Celeste.
En prévision du Mondial, il a intégré le staff du nouveau sélectionneur Diego Alonso, successeur du charismatique "Maestro" Óscar Tabárez (2006-2021) qui a guidé l'Uruguay vers le dernier carré de la Coupe du Monde 2010 et le titre en Copa América en 2011, et qui a aussi structuré l'ensemble du football charrua. "Pour moi, c'est le meilleur préparateur physique du monde et que nous ayons eu la possibilité de l'avoir parmi nous pendant les éliminatoires a été un vrai avantage, a-t-il expliqué alors qu'Ortega était arrivé en janvier dernier.
L'objectif était clair : que le "Profe" soit du voyage au Qatar. Pour rejoindre son équipe nationale, les négociations sont allées très haut, tout simplement jusqu'à Luis Lacalle Pou, le président uruguayen, une vieille connaissance puisqu'il fut son élève : "je le connais depuis que j'ai 5 ans, a expliqué l'homme politique. Je l'ai eu au téléphone parce que cela faisait longtemps que nous ne nous étions pas parlé, nous avons bu quelques matés ensemble même si, évidemment, le plus important quand il vient est qu'il se consacre au plus important. c'est-à-dire préparer la sélection. C'est un grand motivateur".
Préparation express
Finalement, l'Atlético de Madrid a accepté le laisser s'envoler après le match de Copa contre Almazán, le 12 novembre. Ce qui ne manquera pas de faire grincer des dents aux abords du Metropolitano. Pour les détracteurs d'Ortega, il ne leur a pas échappé que Ronald Araújo s'est blessé pour deux mois aux adducteurs moins de deux jours après son arrivée au rassemblement de la Celeste alors qu'il n'avait plus été blessé depuis un an avec le FC Barcelone.
Reste désormais à connaître le travail mis en place par le préparateur physique jusqu'à son incorporation dans le staff. La sélection a commencé cette semaine son travail foncier avec les joueurs évoluant en Amérique du Sud. Vainqueur du tournoi d'ouverture avec le Nacional, Luis Suárez sera l'un des premiers sur le pont pour préparer son ultime Coupe du Monde. Avec le "Profe", il s'est déjà à quoi s'en tenir après son passage de deux ans à l'Atlético.
Cette "respiration" sera-t-elle bénéfique pour Ortega et l'Atlético ou marquera-t-elle la rupture de ses préceptes rigoureux ? A l'heure où les Colchoneros ont besoin d'un second souffle, leur préparateur physique emblématique est peut-être arrivé au bout d'une époque. "La haute performance offre des moments fugaces de bonheur et de grands moments de sacrifice, expliquait-il à Mundo Deportivo en 2019. C'est un quotidien qui comporte de nombreux moments au bord de la frustration, mais il y a la force, la motivation, la passion et la croyance en ce que l'on fait pour avancer. L'essentiel pour moi est d'être toujours ouvert à l'apprentissage. Je ne me suis jamais fermé, cela m'a donné l'opportunité d'être à jour dans un monde qui change de manière impressionnante et dynamique". Longtemps en avance, le Profe Ortega doit se réinventer. Plus que jamais, sa trajectoire se confond avec celle de Diego Simeone.