Une demi-finale de Grand Chelem n'est jamais jouée d'avance même quand, pendant près d'une heure, un joueur est à côté de ses pompes. Mené un set et un break par Jannik Sinner, Carlos Alcaraz a renversé l'Italien au terme d'un bras de fer de plus de 4 heures souvent décousu (2-6, 6-3, 3-6, 6-4, 6-3). "L'héritier" disputera donc sa première finale à Roland-Garros tandis que, paradoxalement, c'est le numéro 1 mondial qui fait "tâche" dans le bilan italien qui sera présent dans 3 des 4 finales du weeekend (simple dames, double dames et double messieurs). 

6-2, 2-0 : Alcarez perd 4 fois son service !

Relancer en premier est devenu une arme et Sinner s'en est servi immédiatement avec un break d'entrée consécutif à deux fautes directers d'Alcaraz. La prise d'initiative était italienne en ce début de match et, avec son revers long de ligne, le nouveau nº1 mondial a débordé l'Espagnol pour breaker à nouveau. Après 17 minutes, Sinner avait remporté 18 points contre 6 à son adversaire et menait 4-0. 

Après avoir ouvert son compteur, Alcaraz s'est peu à peu décrispé, aidé par un Sinner en réaction sur sa mise qu'il a fini par concéder à son tour. Mais les approximations du Murcian sont vite revenues et, pour 3e fois sur 4, il a perdu son service, à nouveau poussé aux avantages et trahi par sa 10e faute directe. Sans dominer outrageusement son sujet mais tout de même un cran au-dessus, Sinner pouvait conclure cette première manche décevante (6-2). 

Alcaraz n'a pas retrouvé ses esprits. Dominé dans la diagonale revers et la longueur de balle de Sinner, il a cédé son service d'emblée. L'Italien a confirmé son break malgré deux double fautes.

Au tour de Sinner de flancher

Contraint une nouvelle fois de faire la course en retard, l'Espagnol a été soulagé de voir le lob de son adversité trop long pour valider le gain de son service. Sur sa lancée, il a enfin pu placer une accélération de coup droit avant que Sinner ne lui offre trois balles de débreak après une double faute. La deuxième fut la bonne, avec un coup droit croisé gagnant dans le contre-pied du Sud-Tyrolien.

Un peu plus d'un côté, un peu de l'autre : Alcaraz a de nouveau breaké Sinner pour, enfin, prendre l'avantage sur son service. Le Murcian jouait désormais dans le terrain, alignait les coups gagnants et, à rebours du premier set, c'est lui qui, de nouveau poussait Sinner à perdre son service pour la deuxième fois consécutive. Quelques minutes plus tard, sur un retour trop long de son adversaire, "Carlitos" revenait à un set partout (6-3). 

Inter

À la grande satisfaction des "Carota boys", Sinner a remporté le premier jeu du 3e set. Or en délicatesse avec sa première et friable en seconde, l'Italien a dû sauver deux balles de débreak mais, après un nouveau coup droit croisé gagnant d'Alcaraz et une faute directe sur son deuxième coup de raquette, il a offert son engagement sur un plateau. L'Espagnol lui a rendu la pareille, oscillant entre les points offerts et quelques inspirations comme cette volée déposée magistralement après une grande attaque de coup droit. 

Le coup droit a aussi permis à Sinner de sauver sa mise en jeu, au bout de 11 minutes et 4 balles de break sauvées. Après un massage du kiné au changement de côté à 3-2 en sa faveur, le numéro 1 mondial s'est procuré une balle de break, évaporée après une faute directe en revers. Néanmoins, le Transalpin retrouvait de la vigueur en retour des deux côtés. De nouveau sur la corde sensible, Alcaraz a effacé une nouvelle opportunité concédée à son adversaire en réussissant un service-volée d'école. Il a retenté le coup sur la 3e balle de break mais il a été ajusté par un revers croisée plongeant parfait de Sinner qui pouvait serrer le poing. Mené 15-30, il a remporté les trois derniers points pour confirmer. Deux jeux plus tard, il remportait le 3e set (6-3). 

Alcaraz tient et fait la différence 

Petit événement en ce début de 4e set : Sinner a inscrit le premier jeu blanc du match pour revenir à 1-1. Progressivement, l'Italien donnait l'impression de mieux tenir son service, tandis qu'Alcaraz était chahuté. Il a été proche du précipice quand, mené 0-15, l'accélération de coup droit croisé de son adversaire a rebondi quelques millimètres à côté de la ligne. Et il a amèrement regretté d'avoir saccagé un smash à 15-A sur le service adverse. 

Le match gagnait en tension, même s'il n'atteignait pas de sommets techniques. Capable d'aligner Sinner d'un passing de revers croisé, d'ajuster une amortie parfaite puis de manquer une volée à sa portée, le Murcian s'est peut-être enfin libéré sur un passing de coup droit en bout de course complètement dément pour mener 40-15, aavant que le Transalpin ne décoche un coup droit directement dans les bâches. 

Pour autant, le Sud-Tyrolien était en contrôle sur son service et, à 4-4, toute la pression était sur Alcaraz. Même une interruption faisant suite à un malaise dans le public n'a pas déconcentré l'Espagnol qui virait en tête. 30-0 : le numéro 1 mondial était proche de prolonger le set. Il ne marquera plus un seul point. À 30-15, Sinner a expédié un smash dans le couloir et Alcaraz, le plus démonstratif et le plus déterminé, n'a pas manqué l'occasion d´égaliser à deux sets partout. 

Prime au risque

Cela faisait une éternité, le début du premier set, qu'aucun échange n'avait duré pendant 20 coups de raquette. Même s'il a dominé, Sinner a commis une grosse faute directe en revers. Le point suivant, il a abrégé et remporté un service-volée. À l'image de la 3e manche, l'Italien était en difficulté sur son service et il lui a fallu un sacré cran pour écarter une balle de break d'une amortie gagnante à 30-40. Malgré son engagement après avoir tourné autour de son revers pour abréger le point, il a été cueilli par un passing de revers croisé gagnant d'un Alcaraz qui, pour sa deuxième opportunité, a décoché un coup droit sur la ligne qui a totalement débordé Sinner avant de conclure et de se retourner vers son clan le poing serré. 

Même en danger à 30-A, le Murcian a distribué : 26e coup droit gagnant du match (deux fois plus que son adversaire à ce moment-là) suivi d'une amortie létale pour confirmer et mener 3-0. Alors qu'il avait été mis KO par son physique en demi-finale l'année dernière contre Novak Djokovic, Alcaraz prenait une revanche sur lui-même tandis que Sinner attendait la fin de la tempête avec deux coups gagnants consécutifs de chaque côté pour se sortir d'une situation délicate à 30-A sur son service. Capable de trouver un angle impossibe en revers pour inaugurer la mise en jeu de l'Espagne, le Sud-Tyrolien montrait qu'il en avait encore dans les chaussettes. Mais même après un coup droit dans le filet, Alcaraz n'a pas tremblé pour revenir à hauteur. Même à 40-A, il a joué l'amortie, effleurée par la bande du filet au grand désarroi de Sinner. Même si tout n'était pas parfait, les prises de risque de l'Espagnol étaient globalement récompensées et, à 4-1, la marge de manoeuvre son rival se réduisait. 

Une nouvelle fois accroché 40-A, Alcaraz a serré le jeu avec deux excellentes premières pour retourner sur son banc à 5-2, toujours fort de son break d'avance. L'ombre occupait désormais la moitié du central quand l'Espagnol s'est retrouvé à 5-3 service à suivre. Surpris par la longueur sur le premier point, Sinner a répliqué en accrochant la ligne. Puis Alcaraz a signé son premier ace du set. L'Italien a utilisé son revers long de ligne fétiche pour revenir à 30-A. Avec un service gagnant, l'Espagnol a bénéficié d'une balle de match et Sinner a mis tout ce qui lui restait pour l'écarter avec des parpaings de coup droit. Mais friable sur le service extérieur d'Alcaraz côté coup droit, il a une nouvelle fois été à un point de la défaite. Cette fois, le Murcien a expédié une frappe nettement dehors... avant de refaire la différence au service côté égalité. La troisième fut la bonne pour Alcaraz, vainqueur en 5 sets (2-6, 6-3, 3-6, 6-4, 6-3 en 4h09). 

Alors que le crépuscule de Rafael Nadal est amorcé, l'Espagne a peut-être déjà trouvé son héritier. Réponse dimanche.