Alpinisme : Benjamin Védrines vers de nouveaux sommets
À 30 ans, Védrines est l'un des nouveaux visages de l'alpinisme français, qui repousse chaque jour les limites de la performance humaine sur les faces les plus raides du monde. Pourtant, "je n'ai pas commencé à faire de la montagne pour battre des records", assure à l'AFP celui qui s'est révélé au grand public en février.
Le guide de haute montagne avait alors emmené une cordée composée des alpinistes Nicolas Jean et Julien Cruvellier de Luze au sommet de la Barre des Écrins, par sa redoutable face sud-est, ouvrant une nouvelle voie entre les stations française et suisse.
"Ouvrir une voie, c'est tracer sa ligne dans une montagne et réussir à faire quelque chose qui n'a jamais été fait. C'est l'apothéose pour nous et c'est plutôt rare en 2023. Mais notre génération fait ça avec passion, c'est un trésor, l'âme de l'alpinisme qui nous fait vibrer", raconte Védrines, ému.
Envol en parapente
Né dans la Drôme, au pied des hauts plateaux du Vercors, il a commencé l'alpinisme à 15 ans. "Le stress de l'école et de la vie d'adolescent m'amenait à grimper le Glandasse, la montagne juste au-dessus de chez moi, comme un exutoire", se rappelle-t-il.
Installé dans les Hautes-Alpes et devenu guide professionnel en 2016, il a rapidement atteint les sommets de sa discipline. En 2021, il a ouvert une nouvelle voie en duo avec le virtuose Charles Dubouloz, sur la face nord du Chamlang (7.319 mètres, Népal). Avant de pulvériser le record de vitesse d'ascension de Broad Peak (8.047 mètres, Pakistan) l'année suivante, avalé en 7 heures et 28 minutes, sans bouteille d'oxygène.
"J'ai gravi la montagne une première fois depuis le camp de base en deux jours pour voir comment mon corps réagissait. Et après avoir pris confiance, j'ai pu remonter tout en haut avant de décoller en parapente depuis le sommet, c'était une expérience magique", dit Védrines, premier homme à s'envoler depuis ce point.
Objectif découverte
"J'aime bien aller vite, mais ce n'est pas tout. C'est une mise en danger consciente que je recherche. Cela m'apporte plus que de vivre dans une bulle où rien ne se passe. Ce sont des moments où l'on ressent la vie de manière plus intense et où l'on se découvre. Pour moi, il vaut mieux vivre dans du relief que dans un calme plat."
Derrière cet attrait pour les sensations fortes se cache toutefois des "mois de préparation" à chaque expédition d'envergure. "Je compte bien vivre vieux ! Avec l'expérience et la maturité, j'ai appris à équilibrer mes jugements et à éviter de confondre vitesse et précipitation", estime-t-il, "même si en haute montagne, par essence, cela peut toujours mal se passer".
En tentant en 2022 l'ascension de l'un des sommets les plus redoutés du monde, le K2 (8.611 mètres, Pakistan), il souffre d'une "hypoxie sévère" et doit abandonner. "Je suis monté trop vite et la fatigue s'est accumulée. Je ne me souviens pas forcément de tout ce passage entre 8 000 et 8 400 mètres car j'étais dans un état de faiblesse intense. Cela a été une mauvaise expérience pour moi et j'ai mis entre parenthèses les expéditions un bon moment", relate-t-il.
Pour autant, il aimerait désormais "retourner un peu dans ses traces" au Pakistan et, surtout, rêve d'y ouvrir de nouvelles voies. "C'est le Graal. Se retrouver face à une face raide, sans avoir la moindre idée d'où passer. Un itinéraire jamais pris, ni par un humain, ni par un animal car ce n'est même pas vraiment pratique", note Védrines amusé. "Souffrir un peu, dormir dans des endroits gelés et poser sa tente comme on peut à l'abri. C'est particulier, mais c'est ce qu'on aime dans l'alpinisme."