S'il est une épreuve que l'on associe directement aux Jeux olympiques, c'est bien le marathon. À chaque édition, les amateurs de sport attendent avec impatience les derniers jours de l'épreuve pour savoir qui sera couronné roi des 42.195 km. Cette fois-ci, l'obsession est double puisque les deux plus grands marathoniens de tous les temps, Eliud Kipchoge (39 ans) et Kenenisa Bekele (42 ans), se retrouvent à Paris 2024 pour offrir un duel inédit et mémorable.
Tous deux, légendes vivantes de l'athlétisme, affrontent ce qui sera probablement leur dernière participation olympique en tant que protagonistes et avec l'illusion du premier jour, comme ils l'ont exprimé sur leurs réseaux sociaux : "L'atmosphère à Paris semble incroyable... J'ai hâte ! J'ai hâte !", a déclaré le Kényan six jours avant la bataille. "Que nous obtenions ou non les résultats escomptés, je suis reconnaissant pour le voyage que nous avons partagé et les liens que nous avons tissés", a déclaré l'Éthiopien.
Malheureusement, le triumvirat entre ces deux superbes coureurs a pris de l'ampleur avec la mort du détenteur du record du monde (2:00:35) Kelvin Kiptum en février dernier dans ce qui semble être un accident orchestré. Le jeune talent kenyan avait tout pour remporter l'or, mais sa mort a remis son compatriote, double champion en titre, en pole position.
Mais la rivalité entre Kenenisa et Eliud n'a pas commencé sur la route, mais sur la piste. Tout commence en 2003, alors que, curieusement, Paris accueille les Championnats du monde d'athlétisme. C'est là que Kipchoge a remporté le 5000 m, laissant son adversaire de ce samedi à la troisième place .
Bekele, roi de la piste
La défaite de Bekele en 2003 n'était pas un signe avant-coureur, car l'athlète de Bekoji (Éthiopie) a trouvé son terrain de jeu sur la piste. En effet, ce n'est pas un hasard s'il est le meilleur coureur de fond de tous les temps sur la piste.
Presque chaque fois qu'il a partagé un stade avec l'athlète de Kapsisiywa (Kenya), c'est lui qui l'a emporté. L'une de ces occasions a coïncidé avec leur dernière rencontre aux Jeux olympiques. À Pékin 2008, l'Éthiopien a triomphé dans la finale du 5000 m, dans laquelle son rival a terminé deuxième, et a également remporté l'or dans le 10000 m. Quatre ans plus tôt, à Athènes, tous deux avaient succombé à Hicham El Guerrouj (Bekele deuxième et Kipchoge troisième).
Comme si cela ne suffisait pas, il a également dominé les championnats du monde avant de passer aux courses sur route. Son palmarès à ces championnats comprend cinq médailles d'or, dont quatre sur 10 000 m (2003, 2005, 2007 et 2009) et une sur 5 000 m (2009).
L'autre point fort de Bekele, dans lequel il a été plus performant que son rival samedi, est le cross-country. Il a remporté 11 médailles d'or dans cette discipline, dont il a été le leader entre 2002 et 2008. Durant cette période, il a toujours remporté les championnats du monde de cross-country, que ce soit sur des distances longues (12 km) ou courtes (4 km).
Kipchoge, imbattable sur le marathon
C'est peut-être parce qu'il a presque toujours couru dans le sillage de Kenenisa sur le tartan que Kipchoge a décidé de franchir le pas du marathon. Certes, il se voyait bien faire carrière dans le sport, mais il était difficile de croire qu'il deviendrait la légende qu'il est aujourd'hui, 11 ans après ses débuts au marathon de Hambourg en 2013 (2:05:30).
Aujourd'hui, il est à la recherche de quelque chose qu'aucun être humain n'a jamais réalisé auparavant : trois médailles d'or, et des médailles consécutives, dans l'épreuve olympique de la distance de Philipides. S'il n'atteint pas cet Olympe, il n'aura rien à se reprocher, lui qui est monté 16 fois sur 20 - en course officielle - sur la plus haute marche du podium, avec notamment des victoires à Rio 2016 et Tokyo 2021.
Eliud est le plus grand marathonien de l'histoire et, depuis quelque temps, il ne fait qu'ajouter des marches vers l'éternité. Dans cette nouvelle tentative d'enrichir son héritage, c'est l'ennemi juré de ses débuts qui tentera de lui ravir le trône. Même s'il y parvient, ce qui semble très difficile, l'Éthiopien ne pourra jamais égaler le Kényan sur 42 195 mètres.
C'est un peu injuste, pour tout ce qu'il a donné à l'athlétisme, mais l'athlète de Kapsisiywa restera sans doute surtout dans les mémoires pour ses tentatives de passer sous les deux heures sur la distance. En mai 2017, sur le circuit de Monza (Italie), devant Zersenay Tadese et Lelisa Desisa, il n'a manqué que 26 secondes (2:00:25) ; et, en octobre 2019, il a tenu parole à Vienne (Autriche), arrêtant le chrono à 1:59:41 et franchissant une barrière qui transcendait l'humainement possible.
Cinquième duel
"Aucun être humain n'est limité" est le mantra avec lequel Kipchoge aborde la vie. Jusqu'à présent, il en a été de même dans ses marathons avec Bekele, qui n'a pas réussi à s'imposer dans les quatre confrontations directes qu'ils ont eues sur la route.
Ils ont toujours été mesurés à l'aune d'un Marathon Majeur. La première fois à Chicago (2014), deux fois à Londres (2016 et 2018) et une fois à Berlin (2017). Le moment le plus amer et la dernière occasion de les réunir était pour un troisième épisode sur le sol anglais, mais l'Éthiopien a déclaré forfait quelques jours avant la course et le Kényan a terminé huitième.
Le coureur de Bekoji parviendra-t-il enfin à vaincre son infranchissable adversaire sur la route ? L'occasion est imbattable : des Jeux Olympiques ; à Paris, comme lors de leur premier grand duel sur piste il y a 21 ans ; un beau circuit qui passera par les lieux les plus emblématiques de la capitale française ; et une motivation à toute épreuve.
Pour eux, c'est un nouveau défi. Du point de vue des fans, c'est une "bataille des dieux" que l'on ne reverra peut-être jamais. Une force de la nature surgissant des profondeurs de la vallée du Rift, contre l'élégance d'un athlète. Comme on dit en argot taurin : "Il n'y a pas de mauvais cinquième". Voici les quatre batailles précédentes :
2014, Chicago : Kipchoge 1er (2h04:11) / Bekele 4ème (2h05:51).
2016, Londres : Kipchoge 1er (2h03:05) / Bekele 3ème (2h06:36)
2017, Berlin : Kipchoge 1er (2h03:32) / Bekele abandonne
2018, Londres : Kipchoge 1er (2h04:17) / Bekele 6ème (2h08:53)
Deux palmarès enviables
Le palmarès d'Eliud Kipchoge :
- 2 médailles d'or olympiques sur marathon (2016, 2020).
- 1 médaille d'argent olympique sur 5000m (2008)
- 1 médaille de bronze olympique sur 5000m (2004)
- 1 médaille d'or mondiale sur 5000m (2003)
- 1 médaille d'argent mondiale sur 5 000 m (2007)
- 11 Majeurs (Chicago 2014, Berlin 2015, Londres 2015, Londres 2016, Berlin 2017, Londres 2018, Berlin 2018, Londres 2019, Tokyo 2021, Berlin 2022, Berlin 2023) 2
- 2 records du monde de marathon (2:01:39, Berlin 2018) et (2:01:09, Berlin 2022)
Le palmarès de Kenenisa Bekele :
- 2 médailles d'or olympiques sur 10 000 mètres (2004, 2008).
- 1 médaille d'or olympique sur 5 000 mètres (2008)
- 1 médaille d'argent olympique sur 5000 mètres (2004)
- 4 médailles d'or mondiales sur 10 000 mètres (2003, 2005, 2007, 2009)
- 1 médaille d'or mondiale sur 5000m (2009)
- 1 médaille d'or mondiale sur 3000m en salle (2006)
- 1 médaille de bronze mondiale sur 5 000 mètres (2003)
- 11 championnats du monde de cross-country (cinq sur courte distance, six sur longue distance)
- 2 majeurs (Berlin 2016, Berlin 2019)
