Quatre centimètres, cela semble si peu au moment d'entrer au panthéon du sport. C'est pourtant ce qui a empêché Miltiádis Tentoglou de devenir champion du monde et de remporter le dernier concours qui manque à son palmarès. Avec un bond à 8,36m, le Chinois Wang Jianan a surpris le Grec. Cette fois-ci, le sauteur de Grevená n'a pas eu la réussite avec lui comme lors des Jeux olympiques de Tokyo. À égalité avec le Cubain Juan Miguel Etchevarría avec 8,41m, il s'est paré d'or grâce à un meilleur deuxième bond (8,15m contre 8,09m).
L'heure de la revanche a sonné pour l'homme de 25 ans, dominateur dans sa discipline depuis trois saisons et entraîné par Georgi Pomashki, qui a notamment eu sous ses ordres la championne olympique du 100m haies aux JO 1992, Voula Patoulidou, la championne du monde du triple saut en 1999 Voula Tsiamita et la médaillée de bronze aux derniers Mondiaux d'Eugene en 2022 Tori Franklin.
Un homme de paradoxe
Miltiádis Tentoglou est le sauteur le plus régulier depuis 2021. Sa deuxième place à Eugene a été son seul revers dans une compétition majeure. Pas le seul paradoxe de l'athlète. Malgré un palmarès XXL, il ne détient pas son propre record national. Avec un marque de 8,60m établi à Kallithéa le 26 mai 2021, le sauteur détient la troisième marque européenne derrière l'Arménien Robert Emmiyan (8,86m en 1987 avec 1,9m/s de vent favorable) et son compatriote Louis Tsatoumas (8,66m en 2007) également détenteur du record de Grèce en salle avec 8,23m en 2014. Pourtant, son aîné n'a jamais remporté le moindre titre majeur et ne compte qu'une médaille d'argent aux Europe en 2014.
Sorti de la finale des Mondiaux de Doha après seulement trois essais et une marque de 7,79m, Tentoglou a progressé et n'a ensuite jamais terminé un concours d'un championnat sous les 8,30m. En 2022, il est parvenu à sortir des sauts au-delà des 8,50m : 8,55m et record personnel en salle aux Mondiaux à Belgrade et 8,52m aux Europe à Munich un mois après sa désillusion d'Eugene. De quoi évidemment en faire le favori numéro 1 pour le concours de ce jeudi mais la marge est ténue.
Moins de densité, vraiment ?
En apparence, le saut en longueur est une discipline moins médiatique car moins relevée que par le passé. Sans convoquer le concours des Mondiaux de Tokyo en 1991 avec un duel fabuleux entre Mike Powell et Carl Lewis ou la figure tutélaire d'Iván Pedroso, la densité paraît moindre depuis les retraites de Dwight Philipps, Irving Saladino voire Greg Rutherford.
Pour viser la plus marche du podium, assurément. Pour autant, les 8.36m de Jianan à Eugene auraient valu une médaille de bronze à Doha en 2019 (victoire du Jamaïcain Tajay Gayle avec 8.69m) et à Londres en 2017 (victoire du Sud-Africain Luvo Manyonga avec 8.48m) et un podium (argent ou bronze et même l'or en 2003) sur tous les concours depuis 1983 sauf lors du mythique concours de 1991 à Tokyo.
Les qualifications de mercredi ont d'ailleurs montré que cette impression était trompeuse. Le Jamaïcain Wayne Pinnock a claqué la meilleure performance mondiale de l'année dès son premier essai avec 8,54m, tandis que Jianan est retombé à 8.34m. Tentoglou, quant à lui, est le troisième qualifié directement avec 8.25m. Un bond a recontextualisé puisqu'il a été le seul des trois à sauter face au vent (-1,2m/s) quand ses rivaux ont eu respectivement 1,2m/s et 1,1m/s de vent favorable. Le Grec devra donc batailler pour conquérir le dernier titre qui lui manque, ce qui pourrait l'amener à enfin dépasser la marque de Tsatoumas. S'il y parvient, il sautera sur l'Olympe de sa discipline à pieds joints.
