Les Championnats du monde d'athlétisme, c'est un fournisseur officiel d'émotions. Celles du 8 août 2017 sont particulièrement marquantes. Ce jour-là, bien qu'outsider déclaré et candidat au podium, Pierre-Ambroise Bosse a surpris la "planète athlé" en allant rafler le titre mondial sur le 800 mètres.
Une surprise monstrueuse, puisque seul Marcel Hansenne aux Jeux Olympiques 1948 avait réalisé un podium intercontinental sur la distance. Cette discipline n'est pas ce que l'on peut appeler une tradition française. Il n'y a même jamais eu un champion d'Europe sur la distance côté français.
Mais la France pensait tenir là un athlète capable de mettre fin à la disette. Bien sûr, dans l'Hexagone, dès qu'un sportif est prometteur, on l'imagine n°1 de la discipline qu'il pratique. Et plusieurs éléments penchent en faveur de cette hypothèse.
D'abord, le roi de la discipline, David Rudisha, est absent sur blessure. Un monstre qui domine partout où il passe et qui lui aussi est en plein chant du cygne. Double champion du monde et olympique, le Kenyan était intouchable à son prime, et son absence était une bonne nouvelle.
Et Bosse, lui, était lancé dans une progression linéaire. 7ᵉ des Mondiaux 2013, 5ᵉ des Mondiaux 2015, 4ᵉ des JO 2016. Incontestablement, il fonçait droit vers une médaille mondiale. Mais entre une médaille et un titre, il y a une sacrée marge. Et surtout une sacrée concurrence.
Et quand la finale s'élance, une action attire l'attention. Kipyegon Bett, champion du monde junior, écarte le Français du bras au moment où les athlètes se rabattent. Une manière de dire "tu n'es pas invité". Mais sans doute un fait de course important dans la perception du Tricolore.
À la cloche, il est dans le paquet, et on sait qu'il va devoir placer une sacrée accélération à un moment donné pour garder ses chances de podium. Mais le voir déposer tout le monde et couper la route à Bett pour prendre les commandes de la course. Il reste 200 mètres. Il est en tête et il n'a plus le choix : à fond jusqu'au bout.
Seulement, ce n'est pas le meilleur finisseur du plateau. Un rôle dévolu à Adam Kszczot, favori logique, qui lance son sprint à l'entrée de la dernière ligne droite. La pensée "l'argent sera déjà une belle médaille" traverse nos pensées une fraction de seconde. Mais Pierre-Ambroise Bosse rallume les gaz, tient tête à tout le monde et coupe la ligne. La stupéfaction est totale, même pour le principal intéressé.
Un titre qui fait tout à fait logiquement de lui, une nouvelle star. Il a 25 ans, est champion du monde, en pleine force de l'âge, est un bon client pour les interviews : enfin, la France tient une figure de proue en athlétisme pour faire la paire avec Kevin Mayer par exemple. Mais cela ne durera que quelques jours.
Le 1ᵉʳ septembre, il est fait état d'une bagarre dans laquelle le nouveau champion du monde est impliqué. Il annonce avoir été passé à tabac au sortir d'un casino. L'enquête révèlera que ce n'était qu'une partie de l'histoire, car Bosse semblait être l'instigateur de la bataille, en plus d'avoir été généreux avec les coups.
Un état de grâce qui aura duré un mois à peine. Et depuis, une médaille de bronze aux Championnats d'Europe 2018, des prises de bec avec la Fédération et des blessures. Entre-temps, la concurrence interne lui est passée devant, et il paraît compliqué d'imaginer le voir à Paris l'an prochain. Reste le souvenir d'un titre unique en son genre, le dernier d'un Français dans une épreuve de course. Peut-être pour un moment.
