Au haut niveau comme dans les clubs, la culture de la terre battue diminue-t-elle en France ?
Cette année, il y aura bien des têtes de série françaises à Roland-Garros dans le tableau masculin et Caroline Garcia ne se sentira pas seule au monde. En 2023, la gagnante du Masters 2022 était la seule représente tricolore dans ce secteur. Chez les juniors, seul Arthur Gea était tête de série numéro 16.
Un contingent réduit au minimum mais qui augmente cette année puisqu'Ugo Humbert, 17e mondial, et Adrian Mannarino, 22e, sont assurés d'être tête de série, et qu'Arthur Fils, vainqueur au Challenger de Bordeaux mi-mai, a passé le cut in extremis en entrant dans le Top 30 trois jours avant le tirage au sort.
Personne en 1/4 depuis 2017
Avec Garcia, cela fait 4 (soit 6,25% au total), un record depuis 2018 (6, trois dans chaque tableau) voire 3 et demi vu le peu d'appétence manifestée par Mannarino pour la surface, au point qu'il a laissé sa place pour les Jeux olympiques.
Le gaucher préfère les surfaces rapides et évoluer aux États-Unis où il a élu domicile. À son image, il n'y a pas de spécialiste de terre battue. Une vraie bizarrerie car, avec un centre national d'entraînement basée à Roland-Garros, point névralgique du tennis hexagonal, les joueurs grandissent principalement sur cette surface, dans des conditions idéales.
Or depuis 2017 chez les femmes avec Garcia et Kristina Mladenovic et 2016 chez les hommes avec Gasquet, aucun Français n'a atteint les 1/4 de finale du French. Depuis Hugo Gaston et Fiona Ferro en 2020, pas la moindre trace d'un drapeau bleu-blanc-rouge en deuxième semaine. Au point que l'apparition d'un joueur local pour son Grand Chelem national relève davantage de l'accident que la réussite construite pour durer.
Beaucoup trop léger pour un pays comme la France mais finalement devenu la norme alors que cela fait 41 ans que Yannick Noah a gagné à la Porte d'Auteuil. Les purs spécialistes de terre battue qui commençaient leur saison en avril et la terminaient début juin n'existent plus et il devient relativement abordable de faire bonne figure sur ocre. Pourtant, les Français n'y parviennent pas. Si Gaël Monfils et Gasquet ont eu de beaux highlights, c'est probablement Jo-Wilfried Tsonga, deux fois demi-finaliste, qui a le mieux performé en dépit d'un jeu fait pour tout sauf la terre battue.
Pas assez rentable pour les clubs
Actuellement, il y a environ 15% de courts en terre battue en France, soit peu ou prou 5000 terrains. Pour les clubs, outre le coût de base, l'entretien annuel revient cher. Souvent, les courts sont de qualité moindre et moins rentables. Alors que l'ocre est une surface à appréhender dès le plus jeune âge, la pratique décroît car il y a moins de courts, moins de pratiquants, la surface est salissante et il faut à la fois savoir l'arroser et...attendre que ça sèche.
De plus, les usages évoluent depuis quelques années, notamment dans le cadre des after-works. Le padel grignote des parts de marché car c'est un sport qui se pratique à 4, les terrains sont beaucoup moins chers, plus petits (facturer 8 joueurs sur la même surface est évidemment beaucoup plus intéressant que 4 tout au plus), avec un entretien minimal et, surtout, la prise en main est immédiate. En 2023, plus de 10% des licenciés FFT pratiquent le padel, soit plus de 130.000 joueurs.
Dès lors, développer des aptitudes sur ocre devient une rareté, même en France, même avec Roland-Garros à disposition. La pratique loisir a redonné des couleurs à la fédération qui a repassé la barre du million de licenciés mais cela peut se faire au détriment de la culture de la terre battue, déjà en perte de vitesse à tous les niveaux.