Aurélien Tchouaméni, travailleur de l'ombre en pleine lumière
Contre l'Angleterre samedi (2-1) en quarts de finale, ce travailleur de l'ombre "monumental", selon son ami Youssouf Fofana, a pris la lumière pour le meilleur, d'abord, en ouvrant le score sur un coup de canon libérateur (17e, 1-0), et pour le pire, ensuite, en offrant aux Anglais un des deux penalties tirés par Harry Kane (53e, 1-1).
"On doit mieux faire sur les deux situations, moi le premier où j'essaye d'anticiper un peu trop", a assumé le joueur du Real Madrid devant les journalistes, samedi dans les couloirs du stade al-Bayt. Cet impair ne remet cependant pas en cause la confiance que lui voue Didier Deschamps depuis ses débuts en septembre 2021 : Tchouaméni a joué 19 matches sur 20 possibles, dont 14 comme titulaire.
Au Mondial, il a été propulsé dans le "onze" de départ à chaque match, une singularité qui doit autant à son talent qu'au manque de profondeur sur le banc.
Comme une éponge
Comme un taulier, c'est lui que le sélectionneur a envoyé en conférence de presse la veille de Tunisie - France à la place de l'habituel capitaine Hugo Lloris ou de son lieutenant Raphaël Varane, 234 sélections à eux deux. Il n'a pas pour autant désiré endosser le costume de "leader de la nouvelle génération" qu'un journaliste lui prêtait : "Qu'est-ce que ça veut dire, au final ? J'ai 16 sélections, j'essaie d'emmagasiner un maximum d'expérience", a répondu le Madrilène, recruté l'été dernier contre 80 à 100 millions d'euros pour remplacer Casemiro.
Depuis le début du Mondial, ce passionné de NBA joue son rôle de sentinelle devant la défense avec "sobriété", pour reprendre un mot qu'il a lui-même employé, respectant à la lettre les consignes de Deschamps. C'est d'ailleurs le compliment qui revenait souvent dans la bouche de ses derniers entraîneurs à Monaco, Niko Kovac et Philippe Clement. "Il est comme une éponge", il absorbe les conseils et les intègre vite.
"Dans les matches, à certains moments, j'ai envie d'y aller, mais je me dis 'non' parce que je sais que je dois être en place s'il y a une contre-attaque", expliquait-il durant le premier tour, comme pour se justifier de ne pas briller autant offensivement que ses partenaires du milieu de terrain. "On joue dans un football de 'spectacle', du coup quand un joueur n'en fait pas, pour certains, il est juste là parce qu'on doit être à 11, alors qu'il fait un travail de l'ombre monumental. Il court vraiment beaucoup, ça permet aux deux autres milieux de se projeter sans se poser de questions", a résumé Fofana, son ancien binôme à Monaco.
"Assurer la couverture"
Les Bleus version 2022 présentent en effet un visage ultra-offensif au Qatar avec le quatuor Griezmann-Dembélé-Giroud-Mbappé, le défenseur Théo Hernandez et même Adrien Rabiot à la projection. "Lui est là, derrière nous, pour assurer la couverture", a résumé Rabiot, interrogé sur la fonction d'équilibre assuré par son acolyte. "Il a aussi ce rôle de joueur qui compense, qui colmate les brèches, récupère les ballons."
Contre l'Angleterre, Tchouaméni a pris un bain de lumière en ouvrant le score sur un de ses rares dépassements de fonction. "La maquina" (la machine), son surnom en Espagne, a contrôlé tranquillement une passe d'Antoine Griezmann et, avec un équilibre parfait, déclenché une lourde frappe à 26 mètres du but anglais, un missile à la "Pogboom". Sa célébration au poteau de corner, un doigt sur la tempe et le visage sérieux, a poussé la comparaison avec Pogba encore plus loin.
Il lui reste deux matches pour marcher sur les traces de son aîné, pilier du titre de 2018 contraint au forfait cette année. En attendant, le joueur formé à Bordeaux savoure son parcours en Coupe du monde et les douces sensations que les Bleus procurent à leurs fans. "On a aussi été de l'autre côté, on faisait partie de ces supporters en 2018", a-t-il affirmé sur TF1. "Être protagoniste sur le terrain cette année, ça nous rappelle des beaux souvenirs."