À 40 minutes d'un exploit, Villeneuve d'Ascq va devoir renverser la montagne Fenerbahçe
20 ans que le basket féminin français de club attendait ça. Alors que l'équipe nationale multiplie les perfs énormes sur tous les fronts, l'EuroLigue n'avait pas eu de finaliste tricolore depuis Valenciennes, dernier vainqueur bleu-blanc-rouge en 2004. C'est un exploit que les Guerrières de l'ESB Villeneuve d'Ascq ont accompli ce vendredi en sortant Prague pour accéder à la finale.
Car la formation tchèque n'est pas n'importe quelle équipe. Une habituée des joutes européennes avec un effectif fourni, des internationales en pagaille - dont une certaine Valériane Ayayi, qui aurait pu être le bourreau des intentions nordistes - et qui a causé des maux de tête à Rachid Méziane. Mais voilà, le coach, et surtout ses joueuses, avaient réponse à tout.
Car en terme d'effectif, Villeneuve n'est pas en reste. Preuve en a été faite avec pas moins de 4 joueuses à plus de 10 points sur cette demi-finale. Mais surtout, une belle discipline - seulement dix balles perdues - et une défense de fer, surtout dans les moments importants. L'adresse longue distance, atout majeur des Guerrières, a parfois été défaillante, mais les tirs qui comptaient ont fait ficelle. Du travail de pro.
Mais il faudra sans doute en faire plus pour ramener la Coupe à la maison. Car ce n'est pas n'importe quel adversaire en face. C'est tout simplement la formation tenante du titre, Fenerbahçe, qui sera l'adversaire de Villeneuve d'Ascq. Un bulldozer qui a remporté le derby 100% turc sur le parquet de son ennemi juré, Mersin, qui lui assure sans nul doute le soutien du public ce dimanche.
Mais surtout, la saison du Fener est comme la précédente : exceptionnelle. Tout simplement deux défaites toutes compétitions confondues, les deux en EuroLigue, les deux sans aucune conséquence sur la première place de la poule tant les joueuses d'une certaine Valérie Garnier - tiens tiens - sont au dessus du lot. À un tel point qu'il serait cataclysmique de les voir s'incliner ce dimanche.
Toutefois, sur ces deux défaites, une interpelle fortement : celle concédée sur le parquet de l'ASVEL qui avait mis fin à leur invincibilité de la saison. Un match curieux, que les Lyonnaises voulaient mettre un point d'honneur à remporter après avoir pris une raclée de 57 points (!) en début de saison lors de la SuperCoupe, et durant lequel les Turques avaient totalement disparu en fin de match, n'inscrivant pas le moindre point durant les dernières deux minutes 30 !
Néanmoins, il faut considérer cela comme un accident de parcours. Car le Fener a bien assez d'armes pour corriger si nécessaire. Le duo Emma Meesseman - Kayla McBride est la principale. La deuxième a encore fait un carton en demi-finale (25 points) et appartient à la franchise WNBA des Minnesota Lynx, qui la récupèrera sans doute prochainement. Une shooteuse de talent (5/6 à trois points vendredi) difficilement arrêtable quand elle est en feu.
Mais c'est surtout la première qui sera l'objet du délit. Considérée par beaucoup comme la meilleure joueuse du continent européen, la Belge a été tout simplement élue MVP du dernier Euro, remportée par la Belgique de... Rachid Méziane. Beaucoup de connexions dans cette finale, mais une chose est sûre, Emma Meesseman est une joueuse incroyable, le danger n°1 du Fener.
Une force de frappe incroyable, une joueuse inarrêtable près du cercle, un jeu en post-up à en faire pâlir n'importe quel pivot NBA, mais aussi une vision du jeu assez incroyable. Deuxième marqueuse de la saison régulière (17.7 points), huitième passeuse (4.7 assists), cinquième contreuse (1 block), 5e intercepteuse (1.8 steals) et on pourrait continuer comme cela longtemps, la Belge est la définition d'une joueuse all-around, et vient tout simplement de conserver son titre de MVP de l'EuroLigue.
Alors, que faire ? La partie n'est pas perdue avant d'avoir été jouée. Les Nordistes ont des arguments à faire valoir, à commencer par le principal, Kennedy Burke, qui doit une revanche. Passée à côté de sa demi-finale (6 points à 1/7 au tir et 4/8 aux lancers), la désormais double MVP de la Ligue Féminine de Basket pourrait bien être le facteur X de la rencontre. Puisque les Guerrières ont réussi à s'imposer sans leur meilleure joueuse à son maximum, l'espoir est bienvenu.
Mais celle qui pourrait bien exploser ce soir, c'est Janelle Salaün. Voilà des semaines, des mois voire des années que la côte de la Parisienne de naissance ne cesse de monter. Élément moteur des équipes de jeunes tricolores, championne d'Europe U16, vice-championne du monde U17, elle prend de plus en plus de poids dans une équipe qui lui a donné carte blanche.
En quarts de finale, elle a été incroyable, au point d'être nommée joueuse des matchs 2 et 3 ! Il faut dire que le deuxième rendez-vous au Palacium, dans lequel elle a envoyé 24 points à 8/12 au tir, est resté dans les mémoires. Vendredi, avec 15 points et 16 d'évaluation, elle a encore pesé dans la balance, principalement en se démarquant impeccablement, en briscarde, pour rentrer un panier nécessaire quand les Tchèques se sont rapprochées à deux points dans la dernière minute, un panier en or qui a éteint les espoirs adverses.
On pourrait énumérer toutes les joueuses de l'ESB, notamment Kamiah Smalls, meilleure marqueuse des siennes vendredi, ou Shavonte Zellous, qui a placé quelques cross ravageures, voire encore Kariata Diaby, dont le rôle sera prépondérant dans la raquette ce dimanche, mais le fait est qu'une finale, ce n'est pas un match comme les autres. Et Villeneuve a un certain manque d'expérience dans ce domaine.
Parfois, souvent, sur ses derniers matchs européens, l'ESB a connu des trous d'air. Pas durant tout un quart temps, juste trois ou quatre minutes, mais face à une équipe telle que le Fenerbahçe, ce sera totalement interdit, tant il pourrait se créer durant ces temps faibles un écart irrémédiable, et s'il est quelque chose dont les Guerrières n'auront pas besoin, c'est de courir après le score.
Bien sûr, la campagne européenne de Villeneuve sera une réussite quoi qu'il arrive. Et bien sûr, l'ESB a posé les jalons d'une période faste pour le club. Mais avec un titre que la France attend depuis 20 ans, le retour en sommet serait validé pour de bon, et permettrait de péréniser définitivement un club qui n'a pas beaucoup de moyens, mais de la vaillance, du talent et des idées à revendre. Une finale, ça se gagne parait-il. Un adage simpliste mais qui pourrait se révéler cruel, ou magique si les Guerrières ont la Coupe entre les mains à 20h00. On ne demande que ça.