Sur le point d'écrire l'histoire de l'Euroligue, Mike James aurait-il sa place en NBA ?
"C'est difficile à faire, Spanoulis est une légende là-bas, mais Mike joue au plus haut niveau. Ils étaient dans le dernier carré la saison dernière, il mène l'équipe. C'est un scoreur acharné". Ces mots à l'attention de Mike James sont tout simplement l'oeuvre de Nikola Jokic, double MVP, champion et Finals MVP en NBA, soit l'un des trois meilleurs joueurs du monde.
Un sacré compliment pour un joueur qui devrait ce soir connaitre une soirée historique. Il ne manque que 12 points au meneur américain pour dépasser le légendaire Vassilis Spanoulis et devenir tout simplement le meilleur marqueur de l'histoire de l'Euroligue. Une sacrée performance alors que le Grec a joué jusqu'à près de 40 ans pour y parvenir, l'Américain n'en ayant lui que 33. Pas le même rôle, c'est certain, James est un meilleur scoreur, mais il a réussi dans un basket pas forcément taillé pour lui.
Car l'on se pose souvent la question - de moins en moins néanmoins - de savoir si certains profils de joueurs européens pourraient réussir Outre-Atlantique, mais l'inverse est également vraie. Ils sont nombreux, les Américains à avoir tenté le pari de venir sur le Vieux Continent, mais combien ont laissé une vraie marque ? Ils n'étaient que 4 dans la liste des 35 meilleurs joueurs de l'Euroligue - délivrée il est vrai en 2008 - et si l'on regarde le classement à l'évaluation cette saison - dominé largement par Mike James - ils ne sont que 4 Américains dans les 20 premiers !
Mike James a donc réussi un pari loin d'être évident, ce qui pousse à se poser une question simple : pourquoi ce joueur si talentueux n'a pas réussi en NBA ? Car le probable futur MVP de la saison régulière en Euroligue a déjà fréquenté la grande ligue à deux reprises. Après une formation dans l'Oregon puis le Texas, il s'en va en Europe et commence à jouer dans quelques équipes obscures, avant de rejoindre Baskonia et de se faire connaître.
Ainsi, il a une première chance aux Suns, où il sera d'abord en two-way contract lors de la saison 2017/2018 avant d'avoir un contrat d'un an, puis d'être coupé et de rentrer en Europe après un bref passage chez les Pels. Malgré un ratio tout à fait honorable dans l'Arizona (32 matchs, 20.9 minutes, 10.4 points) ses 26% à trois points semblent avoir été un obstacle dans l'ère du shoot longue distance. Le second passage, en revanche, a marqué les esprits malgré des chiffres inférieurs.
En fin de saison 2020/2021, Mike James débarque aux Brooklyn Nets pour offrir de la profondeur sur le backcourt derrière le duo Kyrie Irving - James Harden. Une belle addition qui lui vaudra de convertir son 10-day contract en contrat garanti jusqu'à la fin de la saison. Il aura même une dizaine de minutes en playoffs, dont il fera bon usage. Mais il n'ira pas plus loin que l'élimination pour cause de pointure trop grande de KD, et rejoindra Monaco pour le succès que l'on sait.
S'il est effectivement élu MVP de l'Euroligue, et s'il ramène Monaco au Final Four - envisageable - et lui fait gagner le titre - plus difficile, cela poussera-t-il une franchise NBA à lui offrir une troisième chance ? Possible, probable même, mais pas dans le rôle qu'il occupe à Monaco : celui de première option offensive, où il a tous les tickets shoot possibles, où il gère le match à sa guise, où on lui pardonne certains écarts, certains matchs ratés, et où on lui montre de l'amour qu'il n'aurait pas en NBA.
Ses limitations défensives sont bien évidemment un frein à une aventure Outre-Atlantique, tout comme sa sélection de shoot douteuse. Si sa saison actuelle est splendide, la précédente l'a vu shooter à 38% et pire, 27% à trois points, et dans la NBA moderne, c'est bien évidemment inimaginable de confier les clés du jeu à un joueur si inconstant au tir. De plus, le poste de meneur est ultra-concurrentiel dans la grande ligue, les franchises ayant compris l'intérêt d'avoir un joueur stable à ce poste.
C'est d'ailleurs sans doute ce qui l'a poussé à repartir en Europe. Après son passage aux Nets, il a été lié à plusieurs franchises, mais principalement pour occuper un rôle de meneur backup. Remplaçant en NBA ou titulaire en Euroligue ? Mike James a choisi, et c'est ce qui lui a permis de laisser sa marque dans la plus grande compétition de club européenne.
Ce n'est pas forcément une histoire d'argent, puisqu'il est l'un des joueurs les mieux payés du Vieux Continent (autour de 2.5 millions d'euros la saison). Sans doute aurait-il pu gagner plus en NBA vu l'explosion du salary cap. Mais s'il aurait pu briller et peut-être se voir confier un rôle de sixième homme, sans doute n'aurait-il pas pu devenir une star et avoir la réputation qui est la sienne en Europe. Un joueur majeur, en lice pour devenir le meilleur Américain de l'histoire de l'Euroligue : Mike James va devenir une légende ce soir. Sauf si l'on pense qu'il l'est déjà.