Borja Iglesias, le Panda du Celta qui n'a pas la langue dans sa poche
Borja Iglesias n'est assurément pas un joueur de football comme les autres. À une époque où toutes les paroles sont soigneusement distillées afin de ne froisser personne, surtout pas auprès de l'audience susceptible d'acheter des abonnements, des tickets et du merchandising, le Galicien, lui, n'a pas peur de prendre parti, quitte à déplaire et à se mettre une partie de l'Espagne à dos.
Dans une interview accordée la semaine dernière à El País et largement reprise derrière les Pyrénées, l'attaquant qui a inscrit 4 buts en 9 match cette saison avec le Celta estime que "ce n'est pas parce que vous êtes footballeur que vous ne pouvez pas donner votre avis. Je comprends qu'il y en ait qui ne veulent pas le faire. Mais il y a des choses qui m’influencent vraiment en tant qu’être humain et, pour moi, c’est plus important que mon métier. Face à l'injustice, je prends parti".
Avec notamment Héctor Bellerín qui fut son coéquipier au Betis, "El Panda" est connu pour se peindre les ongles, se balader avec un sac à main, s'être retiré de la Selección après l'affaire Rubiales, dire tout le mal qu'il pense des parieurs sportifs installés dans des quartiers pauvres et lutter de manière active contre l'homophobie, contribuant notamment à faire retirer des autocollants anti-LGBT aux abords du Benito-Villamarín quand il évoluait au Manquepierda. Cela lui a valu des compliments mais aussi des milliers de messages d'insultes. Il n'en a cure, conscient que son statut social peut aider : "je ne vais pas m'inquiétér de ce que des gens qui propagent la haine pensent de moi".
Lutte contre le racisme et l'homophobie
Devenu une personnalité publique reconnue, le natif de Santiago de Compostelle défend des sujets touchy. Si Vinicius Jr est particulièrement clivant par sa manière de sans cesse râler et provoquer, l'attaquant lui a apporté son soutien quant aux agressions racistes dont le Brésilien est régulièrement la cible. Mais au-delà de ce cas particulier, c'est bien de racisme ordinaire dont il est question : "il y a des comportements qui ont tendance à être racistes et de nombreuses dynamiques qui s'établissent d'une manière dont parfois nous n'avons même pas conscience. Vous savez qu’il y a certaines attitudes et pensées qui sont ainsi parce qu’elles l’ont toujours été et la vérité est qu’elles doivent être changées. Ce à quoi Vinicius fait souvent référence, c'est que des situations sont normalisées dans les stades de football, alors qu'elles ne devraient pas l'être. Il est important d’en parler et de les signaler. De cette façon, ils peuvent être détectés et modifiés". Cela pourrait passer pour un enfonçage de porte en bonne et due forme mais, souvent, les paroles les plus censées deviennent des raretés dans l'espace médiatique.
Il en va de même pour sa façon de vivre comme il l'entend, même si son style, notamment vestimentaire, peut paraître déroutant. Au contraire, sa position sociale apparaît comme un avantage pour expérimenter et donner des idées : "le football est un espace fantastique pour montrer différentes masculinités. Chaque personne doit comprendre la masculinité de son propre point de vue. Essayer de le faire et le montrer, c’est bien. Briser les stéréotypes et se déconstruire est positif avant tout pour nous-mêmes".
Surtout, il veut se servir de sa notoriété pour mettre en avant des combats qu'il mène par conviction. C'est le cas pour l'acceptation de l'homosexualité par les familles et la société en géneral : "je pense que la tendance est à l'accepter. Nous sommes en train de nous montrer de plus en plus libres, comme nous le sommes, mais il y a encore beaucoup à faire. Qu'on publie 10 ou 100 commentaires contre moi sur les réseaux sociaux ne m'importe pas, mais si quelqu'un souffre parce qu'il n'a pas d'espace, parce qu'il se sent jugé ou maltraité... Joder, là on a un sérieux problème !".
De manière générale, son discours s'articule autour du rejet de l'extrême-droite, représentée notamment par VOX qui attire de nombreux joueurs, même s'ils restent assez discrets quant à leur appartenance politique : "je veux défendre des principes tels que le respect et l'égalité pour éviter les abus de pouvoir et la haine. Je crains l’extrême droite car elle n’a pas de limites. Je n'aime pas qu'ils ne respectent pas certaines valeurs sociales ou les droits de l'homme. Je veux que ceux qui votent pensent non seulement à eux-mêmes, mais aussi à leur communauté et à ceux qui souffrent".
Avant-gardiste ou donneur de leçons ? Borja Iglesias s'en moque et le retour en pays natal après un prêt de 6 mois au Bayer n'empiète pas sur ses performances, bien au contraire : il a inscrit 4 buts en 6 titularisations et 3 entrées en jeu, soit 25% des buts du Celta. Une manière aussi de répondre à ses détracteurs qui lui réclament de se concentrer sur le terrain avant de parler. Manifestement, le Panda peut faire les deux et plutôt bien.