Chapitre 1 | Exclu' - Flavien Coton : "L'objectif est d'aller chercher la médaille"
En stage intensif durant toute une semaine à Montpellier (du 22 au 27 octobre), alors que Félix Lebrun filait vers son premier titre en Champions, Flavien Coton a eu l'occasion d'être présent chaque jour dans la belle salle d'échauffement de la Sud de France Arena.
Deux chaises installées en vrac pas loin de la zone mixte, le prodige tricolore a immédiatement été à l'aise pour nous donner son sentiment sur ce qu'il était en train de vivre. Les promesses de l'avenir semblent radieuses, mais le joueur originaire de Bruille dans le nord de la France garde les pieds sur terre.
Cela ne l'empêche pas d'avoir de l'ambition et il espère décrocher une médaille à Helsingborg le 29 novembre. Malgré son jeune âge, il fait déjà partie des meilleurs au monde…
Flashscore : C’était la première fois qu’une telle compétition comme le WTT Champions de Montpellier avait lieu en France, qu’en avez-vous pensé de l’ambiance ? Était-ce vraiment dingue à vivre ?
Malheureusement, je n'ai pas pu aller aux Jeux, parce que j'étais en vacances, mais j'ai regardé. Il y avait une ambiance de fou. Et là, de le vivre en direct, même si je pense que ce n'est pas exactement la même qu'aux JO, on s'en rapproche. C'est vrai que c'est exceptionnel. Hier (après la victoire face à Truls Moregard), Alexis ne pouvait même pas faire l'interview d'après-match parce que les spectateurs n'arrêtaient pas de chanter. En début de semaine, un petit peu moins, mais hier et aujourd'hui (25 et 26 octobre), la salle est blindée. C'est vrai que ça fait plaisir de voir que toutes les personnes se déplacent pour voir du ping. Ce qui n'était pas forcément le cas avant.
Flavien Coton : Avez-vous déjà vu ça dans une salle de ping, honnêtement, avec un tel engouement ?
Non, je n'ai jamais vu ça. Après, je n'ai aussi jamais participé à une telle compétition. Mais non, je n'ai jamais vu ça. C'était aux Championnats de France, je pense, où il y avait eu le plus d'ambiance. Là, ça n'a rien à voir.
À Bruille, par exemple, là où vous évoluez à domicile, avez-vous le sentiment que ça procure quelque chose en plus, au-delà même de l'atmosphère, à l’image des frères Lebrun à Montpellier ?
Oui. À Bruille, c'est vrai qu'il y a quand même pas mal de monde, avec 300 personnes, mais ça n'a rien à voir. Pour un club de Pro B, c'est beaucoup. Mais quand tu sais que tu as le soutien de toute une salle derrière toi, ça te motive encore plus. Des fois, quand tu es dans une phase où tu perds beaucoup de points d'affilée ou tu es un peu moins bien physiquement, toute cette énergie que le public te transmet, ça te permet de remettre de l'énergie et ça te booste. C'est vraiment un avantage. Je pense que j'ai quelques matchs en tête où je me dis que si le public n'était pas là, je n'aurais sûrement pas gagné ce match-là.
Peut-être les deux matchs contre Alexis (Lebrun) ?
Oui, par exemple, sur Alexis, quand je mène 2-0 et après il revient, il mène 6-3 la belle, je pense que si c'était à l'extérieur, dans une autre salle, je n'aurais peut-être pas forcément gagné ce match-là. C'est vrai que c'est un vrai soutien pour moi et je pense que c'est un soutien pour tous les joueurs aussi.
À aucun moment, ça ne peut vous faire peur ?
Non, car j'ai toujours baigné dans cette ambiance, d'avoir beaucoup de monde autour de moi. Il y a des joueurs pour qui ça met de la pression supplémentaire. Moi, ce n'est pas du tout ça, je le prends du bon côté. Je me dis même que j'ai de la chance d'avoir toutes ces personnes qui viennent me voir jouer, voir mon équipe jouer.
Au regard de votre niveau et de votre progression, on sait que vous êtes amené à disputer ce genre de compétitions sur le circuit WTT, est-ce que ça vous motive encore plus de le vivre de l’intérieur cette semaine à Montpellier ?
Oui, quand je suis dans les gradins et quand je vois l'ambiance qu'il y a, c'est vrai que des fois, je me dis que si je pouvais être au centre de tout ça un jour, ça serait incroyable. De le voir de mes propres yeux, ça me donne vraiment envie de jouer. Parce que la télé, ce n'est vraiment pas pareil.
Vous avez été particulièrement assidu durant la compétition, en restant tard le soir pour regarder les matches, on sent votre passion déborder, est-ce vraiment une expérience particulière d’avoir pu assister à tout ça ?
Je pense quasiment jamais avoir eu l'occasion de voir ça en vrai. J'ai vu les championnats de France, des matchs de Bundesliga parfois. Mais je n'ai jamais vu une telle compétition en vrai. Donc là, de voir Lin Shidong (n°2 mondial), Lin Yun-Ju (n°13), même voir leur préparation de match, c'est vrai que c'est une chance que j'ai d'avoir cet accès-là et d'être vraiment bien placé. Quand je regarde le match, je suis à côté de leur staff, c'est vraiment une chance.
Et, en salle d'échauffement, c'est également impressionnant, avec Lin Shidong notamment ?
Je l'ai joué il y a un an, mais là, il a passé un cap. C'est vrai que c'est toute une autre culture. On peut voir leur culture d'entraînement, leur culture d'avant-match. Par exemple, avant de jouer, Lin Yun-Ju était assis sur une chaise et il ne disait rien. En France, on a plutôt besoin d'être dynamique, de faire des pas chassés. Les Asiatiques, ils n'ont pas du tout cette culture-là. Après, oui, Lin Shidong, son top revers, c’est de la folie (rires).
Concernant cette préparation, ressentez-vous le besoin de rester dynamique, d'essayer de bouger pour aider à la concentration ?
Oui. Je me dis que si, 10 minutes avant le match, je reste assis, quand je vais arriver à la table, je vais être un peu mou. Je suis obligé d'être en mouvement avant le match pour me mettre dans l’atmosphère.
Vous avez pu profiter d’une semaine intensive à Montpellier, avez-vous réussi à la vivre pleinement, ou parfois vous avez eu du mal à le réaliser ?
J'essaye de faire un mix des deux afin d'être concentré pour m'entraîner et puis de permettre de progresser. Mais en même temps, des fois, quand il y a Lin Shidong qui s’entraîne à côté, c'est dur de ne pas regarder. J’ai la chance d'avoir eu accès à ça. C'est une semaine que je ne revivrai peut-être plus jamais à court terme. J’en profite un maximum.
Hormis les joueurs de l’équipe de France, avec qui avez-vous pu vous entraîner durant la semaine ?
Benedikt Duda (n°18), Patrick Franziska (n°11), Oh Junsung (n°29), Alvaro Robles (n°31), Shunsuke Togami (n°23), Yukiya Uda (n°30).
Parmi eux, est-ce qu’il y en a un qui vous a particulièrement impressionné ou avec qui vous avez aimé vous entraîner ?
Oui, Franziska, j'ai vraiment bien aimé. Je trouve qu'il a une bonne dynamique, un bon état d'esprit. Il est toujours souriant, et à la table, je le trouve fort aussi.
Il y a une sorte de connexion qui s’est faite ?
Oui, c'est ça. Je ne le connaissais pas avant ça. Je ne l'avais jamais joué. Je ne lui avais jamais trop parlé. Dès qu'il m'a demandé de jouer, j'ai dit oui. Et depuis la première fois, il m'a parlé, en étant super sympa.
Les joueurs vous connaissent tous désormais ?
Je pense qu'ils commencent un peu à me connaître parce que même là, dans la salle, ils me voient jouer parce que je passe mes journées dans la salle. Après là, je ne suis pas encore trop dans le monde des seniors. Je commence seulement à arriver petit à petit.
Comment ça se passe en salle d’échauffement pour les choix des partenaires ?
On connaît le coach allemand et souvent, il envoie un message à mon coach. Togami, je le connais parce que je me suis entraîné avec lui en Allemagne, c'est lui qui m'a demandé.
Vous avez échauffé Duda avant son match (contre Liang Jingkun), avez-vous senti qu’il allait faire un grand match ? Parce qu’en ce moment, il joue particulièrement bien…
En fait, je l'ai échauffé avant le match contre Quadri Aruna, il a gagné 3-0. Du coup, il m'a dit qu'on rejoue ensemble et là, il a regagné 3-0 (rires).
Pensez-vous qu’il le sent ?
Je crois qu'il est un petit peu superstitieux, donc si ça marche avec lui, je continue avec lui (rires). Il ne s'échauffe pas beaucoup, mais tout ce qu'il fait, il le fait à fond. Je sentais qu'il était dans son match. Après, forcément, sur Liang Jingkun, c'était compliqué de dire qu'il allait gagner 3-0. Après, selon moi, il joue toujours bien (rires).
À l’échauffement, avez-vous des consignes ou vous êtes un peu en autonomie ?
Souvent, on fait un exercice chacun. Je suis à leur disposition, mais en même temps, ils me permettent de m'entraîner aussi. Je ne fais pas que bloquer ou remettre le service pendant une heure. Eux aussi, ils bloquent pour moi. Je peux m'entraîner et faire une vraie session d'entraînement.
À l’image de Simon Gauzy, est-ce qu’il y a un exercice que vous appréciez tout particulièrement, ou vous vous adaptez en fonction du joueur en face ?
Quand je joue sur un gaucher, ce qui est rare, j'essaie de travailler davantage ma remise de service. Hormis ça, j'essaye de jouer sur les points forts des joueurs.
Vous vous mettez en difficulté du coup un petit peu ?
Oui, un petit peu. Par exemple, Félix, il va super vite, donc j'essaie de le faire bloquer avec son revers.
Face à lui, justement, avez-vous l’impression de pouvoir rivaliser, malgré votre jeune âge ?
Oui, j’essaye de ne pas être ridicule et aussi pour que lui se prépare au mieux. Après, il est beaucoup plus fort, mais je sens qu'en rythme, j'arrive à le tenir. En service-remise, c'est un peu différent parce que c’est son point fort, mais il faut être lucide, il y a toujours un monde d'écart entre nous deux (rires).
On dit souvent que votre point fort, c'est justement le jeu en rythme, à l’image de ce que Félix est capable de faire en revers à la table ?
Oui, j'aime bien jouer en vitesse, surtout avec mon revers, en prenant la balle le plus tôt possible, tout en essayant de ne pas trop reculer. Le coup droit, c'est un peu différent, mais oui, je pense que c'est ma caractéristique.
À court et moyen terme, quelle est votre marge de progression la plus importante, que vous manque-t-il pour passer un palier ?
Je pense qu'après, ils sont forcément tous plus âgés que moi, mais physiquement, je suis un cran en dessous parce que leur corps est déjà développé, moi, je suis seulement en construction. Leur balle est plus lourde, elle a plus de qualité. Après, c'est le service remise qui est le plus important, c'est ça qui lance l'échange, donc t'as beau être bon en rythme, si tu n'es pas bon en service remise, tu ne peux pas y arriver.
Cette faculté d’être aussi bon dans le jeu en vitesse, on a l’impression que c’est générationnel dans le ping français…
Pour Félix, au regard de son classement, il se doit d’être bon partout pour battre les Chinois. Mais, selon moi, en ce moment, il y a quand même pas mal de jeunes Français qui arrivent, je pense aussi que l'effet Lebrun donne une nouvelle dynamique à l'équipe de France, qui nous pousse vers le haut. Typiquement, Thibaut (Poret, 71ᵉ mondial) et moi avons la chance de s'entraîner avec eux toute la semaine. Ça ne peut que nous faire progresser.
Concernant l’équipe de France, on a l’impression que votre intégration se déroule à merveille, le ressentez-vous ainsi ?
Tout le monde est cool. Il y a une bonne ambiance et je suis en train d'essayer de faire ma place petit à petit. C'est vrai qu'on se connaît un peu tous. Entre les compétitions et les stages, on est souvent tous ensemble. J'essaie de faire ma place, pour l'instant, c'est super. Si je peux m’intégrer de plus en plus, ça serait encore mieux.
Avec Bruille, vous en êtes à votre troisième saison en Pro B, l’objectif est de monter ? Est-ce quelque chose qui vous motive au quotidien ?
Notre objectif, c'est de monter en Pro A. Cette année, on a complètement changé d'équipe. Il n'y a que moi qui suis resté. On a recruté quatre nouveaux joueurs. On a Thibaut, on a un Roumain, on a un Espagnol et un Chinois. On a une super équipe, assez jeune. On a tous envie de progresser, on a tous envie de monter. C'est important d'avoir le même objectif et le même état d'esprit. Je pense que cette année, on s'entend vraiment tous super bien. Ça ne va pas être facile parce qu'il n'y a qu'une seule montée sur douze équipes. Il y a deux ou trois équipes à avoir le même niveau et à se battre pour la montée. On verra bien, mais c'est vrai que ça va être une super année. Si on peut monter, ça serait vraiment incroyable. Bruille, c'est mon club formateur, mon club de cœur. Toute ma famille vient là-bas. Ça serait quelque chose de spécial pour moi.
Pas de projections sur votre avenir pour le moment ?
Pour l'instant, je ne me pose pas de questions. Après, on verra bien comment ça se passe (rires).
Les Championnats du monde jeunes arrivent (du 22 au 29 novembre), quelle est votre ambition ?
C’est une des compétitions les plus importantes, la dernière de l'année internationale. C'est important pour tous et pour la plupart, c'est peut-être leur dernière année en junior. Il y a le par équipe, les double, le double mix et les simples. C'est une compétition assez longue, entre une semaine et dix jours. Je m’y prépare, ça arrive à grands pas. Je suis impatient d'y être. Je suis dans le top 4 en simple et le but serait un minimum la médaille. Ça ne va pas être facile parce qu'il y a des joueurs super forts comme Oh Junsung, Milosz Redzimski et les Chinois. C'est une ambition assez élevée, mais je pense que je suis capable d'aller performer là-bas.
Vous faites partie des plus jeunes, non ?
Oui, mes concurrents sont nés en 2005 ou 2006.
Est-ce une pression supplémentaire, car vous avez déjà un certain statut ?
L'année dernière, j’avais joué en U19 et non en U15 afin de me préparer pour les années futures et déjà me confronter aux meilleurs. C'est vrai que là, je suis l'un des plus jeunes. Mais dans ma tête, je ne me dis pas que je suis le plus jeune. Je suis là, j'y vais pour gagner. Je sais qu'il y a encore plusieurs années derrière. Mais si je peux gagner cette année, je veux gagner cette année.
Voyez-vous ça comme un avantage ?
Oui, ça veut dire que ma marge progression est plus importante. J'ai plus d'années qu'eux. Après, en junior, tous le monde se connaît à peu près et le niveau des uns et des autres.
Avec vos récents résultats, avez-vous l’impression d’avoir passé un cap ?
En septembre, j'ai vraiment bien performé. J'ai fait deuxième à un New Star Contender. J'ai fait demi-finale à un Feeder. J'ai battu trois bons joueurs. Après, en Suède, j’ai perdu à la belle sur Mathias Falck. Là, je viens de gagner le top 10 européen. Donc là, le début de saison, il est plutôt pas mal. Je sens que j'ai passé un cap. Je suis passé de la 150ᵉ à la 110ᵉ place mondiale. J'espère continuer sur cette lancée.
Contre Falck, c’était la première fois que vous affrontiez un adversaire avec d’aussi belles références (vice-champion du monde en 2019), l’avez-vous bien vécu ?
Oui, c'était l'une des premières fois qu'en WTT, je jouais sur un mec aussi fort. Il a quand même été vice-champion du monde en 2019. Je mène 2-1, 6-5. Je n'étais vraiment pas loin. À la belle, lui a su élever son niveau de jeu et il m'a dominé. Sur le coup, j'étais un peu frustré parce que ça aurait pu être vraiment une très grosse performance. Mais après coup, j'ai un peu relativisé en me disant que mon niveau de jeu avait été plus que bon. J'ai fait jeu égal avec lui. Il était tout de même 25ᵉ mondial il y a 6 mois.
Comment imaginez-vous 2025 ?
L’objectif, c’est la Pro A avec le club. Et après au niveau international, c'est de monter petit à petit au classement mondial. D'abord, entrer dans le top 100. Et après monter 70 et pourquoi pas le top 50 mondial au plus vite. Et sinon, intégrer l'équipe de France senior à court terme.
Est-ce que l'on va vous voir de plus en plus sur le circuit WTT ? Sur des Feeder, par exemple ?
Oui, je vais essayer d’en faire pas mal pour me permettre de me confronter aux meilleurs joueurs mondiaux chez les seniors et de me situer par rapport à eux.
Est-ce que vous sentez que les attentes médiatiques grimpent, est-ce difficile à gérer ?
Je le prends positivement. Je me dis que s'il y a ça, c'est que je joue bien. Pour l'instant, je n'ai pas encore énormément de demandes et énormément de très grosses perfs. Mais j'espère que ça va venir. Petit à petit, ça serait bon signe.
Bonne chance pour la suite !