Flashback : Ponferrada 2014, l'irrésistible Pauline Ferrand-Prévot en route vers un incroyable triplé
Tous les classements cyclisme sur Flashscore
On s'extasie souvent sur les exploits en cyclisme. Tadej Pogacar a réalisé un doublé Giro - Tour de France inédit depuis 1998 cette année, par exemple. Mais le cyclisme, ce n'est pas que la route. Les Mathieu van der Poel, Wout Van Aert ou autres Tom Pidcock l'ont prouvé en allant rafler des titres mondiaux et / ou olympiques en VTT ou en cyclo-cross, deux disciplines majeures de la planète vélo.
Mais si on veut des performances historique, il faut se tourner du côté de femmes. Car aucun homme n'a jamais accompli la trinité du cyclisme : détenir simultanément les titres mondiaux de la course en ligne sur route, du cyclo-cross et du format olympique en VTT. D'ailleurs, personne n'y est parvenu non plus chez les femmes, sauf une seule coureuse : Pauline Ferrand-Prévot.
10 ans après, la Française est toujours là, a enchaîner les performances historiques. Si elle revient sur la route pour ces Championnats du monde, c'est parce qu'elle a enfin atteint le Graal en VTT : le titre olympique, décroché cet été à domicile, sur la colline d'Élancourt. L'apothéose d'une quête vieille d'une décennie.
En écrasant la concurrence, en ne lui laissant aucune chance. C'est ce qu'elle avait fait en 2015 lorsqu'elle était allée conquérir pour la première fois le titre mondial en VTT XCO (format olympique), un titre qu'elle remportera 5 fois dans sa carrière. Une minute d'avance sur la concurrence, et donc cette triple couronne validée. Pour quelques semaines seulement, certes, puisqu'elle rendra le titre sur route aux États-Unis non sans avoir combattu.
Mais cette performance était alors gravée dans le marbre, car on se délectait du talent de la Française. Supérieure en VTT, elle avait en janvier de la même année raflé le titre mondial en cyclo-cross, pas la discipline où elle avait le plus de marge, mais le pari pris était le bon, puisqu'elle s'était permis le luxe de devancer deux énormes pointures, Sanne Cant et une certaine Marianne Vos dont nous reparlerons.
Mais revenons à 2014, car c'est bien là que tout a commencé. Les Mondiaux ont lieu en Espagne, à Ponferrada, et s'ils vont consacrer Michal Kwiatkowski chez les hommes, chez les femmes, il existe une immense favorite : Marianne Vos donc. La Néerlandaise, souvent considérée comme la Reine du cyclisme moderne, est tout simplement double championne du monde en titre, et toute la formation des Pays-Bas roulera pour elle, le parcours semblant à sa mesure.
Mais une énorme chute viendra mettre à terre plusieurs de ses coéquipières. Trois, dont Thalita de Jong ne termineront pas, peut-être un facteur déterminant dans le scénario. Car 10 ans après, on ne peut que s'incliner et reconnaître que Vos était encore la plus forte, mais cette fois, elle s'est aussi battue elle-même. La pression d'accomplir un triplé accompli seulement par Jeannie Longo (qui a carrément fait un quadruplé) ?
Car quand, à 5 kilomètres de l'arrivée, en haut de la dernière bosse, la Néerlandaise s'est isolée avec Emma Johansson, Lizzie Armitstead et Elisa Longo Borghini, elle semblait sur une voie royale. Sauf que 4 coureuses pour 3 places sur le podium, souvent, ça ne marche pas. Et alors que le quatuor avait pris plus de 10 secondes de marge, il s'est regardé à la flamme rouge, et les poursuivantes sont rentrées.
Pourtant, pas de panique chez la Néerlandaise, qui reste l'une des plus rapides au sprint. Elle surveille surtout Giorgia Bronzini, double championne du monde comme elle, mais elle ne prête guère attention au maillot bleu qui tente de se faufiler dans un style que n'aurait pas renié Djamolidine Abdoujaparov : du zig-zag oui, mais pas de mise en danger de la concurrence. Qu'importe, aujourd'hui, cela conduirait sans doute à une disqualification.
Mais en 2014, Pauline Ferrand-Prévot ne subira pas ce sort. La Néerlandaise est cramée par ses efforts, tellement cramée qu'elle lance le sprint en aveugle à 300 mètres, bien trop tôt. PFP a compris, elle saute dans sa roue, la déboîte, et produit alors son réel effort pour se placer en tête d'un sprint décousu. Lisa Brennauer n'a plus de jus, Emma Johansson a elle aussi fait trop d'efforts, tout comme Giorgia Bronzini, qui s'était dépouillée pour rentrer.
La Française n'est pas la meilleure sprinteuse du plateau, c'est une évidence. Mais dans cette course d'usure, chacune de ses décisions était la bonne. Elle avait laisser filer en haut de la dernière bosse, se rasseyant avant d'exploser, et tablant sur un échec du quatuor : bingo. Elle a lancé au moment parfait en prenant la bonne roue et en jetant le vélo de façon parfaite : super bingo !
C'est ainsi que Pauline Ferrand-Prévot est passée de grand espoir à lauréate de La Flèche Wallonne en avril à championne du monde. Le prélude donc à un incroyable triplé route - cyclo-cross - VTT, encore aujourd'hui inégalé. Une performance souvent ignorée dans un cyclisme féminin en pleine ascension, mais qui a connu l'ère Marianne Vos, puis la domination du duo Anna van der Breggen - Annemiek van Vleuten, bref la mainmise des Pays-Bas qui ont raflé 7 des 12 derniers titres mondiaux.
Mais on parle là du seul sacre français sur la course en ligne dames au XXIe siècle, alors que Jeannie Longo avait dominé les années 80 avec le renfort de Catherine Marsal. On parle surtout d'une athlète hors norme, 15 fois championne du monde toutes disciplines confondues, mais souvent mise de côté quand il s'agit de parler des Reines du vélo.
10 ans plus tard, Pauline Ferrand-Prévot revient sur route à l'occasion des Championnats du monde. Elle revient surtout pour avoir la possibilité de viser la victoire dans le Tour de France, qu'elle disputera avec l'équipe Visma - Lease a Bike, celle... de Marianne Vos. Destins liés, destins croisés, mais au moment de faire les comptes, la Française n'a rien à envier à la Néerlandaise, et Ponferrada y est pour beaucoup.