Romain Bardet, l'ivresse au crépuscule
Dauphin de Chris Froome au Tour de France 2016, troisième l'année suivante, le grimpeur auvergnat brille depuis une décennie par sa régularité sur les courses par étapes. Sur quinze participations à un grand Tour, il a fini sept fois dans le Top 10 - six fois sur le Tour de France et une fois au Giro (7e en 2021).
Mais ces dernières années, il aspire à vivre plus intensément et à connaître à nouveau ce frisson que procure une belle victoire ou le fait d'être dans le match pour la gagne sur un très grand rendez-vous.
C'est arrivé le 21 avril, à Liège-Bastogne-Liège, où il n'a certes jamais été question de rivaliser avec Pogacar, mais où le Français s'est sublimé pour accrocher une magnifique deuxième place, son meilleur résultat dans un Monument, à 33 ans.
Ses larmes à l'arrivée ont témoigné de sa joie, mais aussi des sacrifices qu'il continue à consentir. L'Auvergnat, qui arrive en fin de contrat avec l'équipe DSM à la fin de la saison et réfléchit à s'arrêter là, avoue éprouver de plus en plus de mal à quitter sa femme et leur fils pour de longs stages d'entraînement sur les pentes arides du volcan Teide à Tenerife.
"Chaque étape comme une classique"
Samedi, il attaque son troisième Giro avec les mêmes intentions. "Je veux me battre d'abord pour une victoire dans les étapes de montagne. Le classement général est secondaire à ce stade. C'est vrai que la lutte pour le podium derrière Pogacar paraît ouverte, mais il faut voir comment la course se décante d'abord. Je vais y aller au jour le jour, aborder chaque étape comme une classique."
La relation de Bardet avec le Tour d'Italie est encore jeune. Septième en 2021, il a abandonné l'année suivante, malade, alors qu'il était dans le coup pour la victoire finale.
Sur le papier, avec ses orgies de montagne, le Giro est peut-être la course qui lui convient le mieux. Mais l'obligation de participer année après année au Tour de France, lorsqu'il évoluait sous les couleurs d'AG2R, l'ont empêché de le découvrir avant 30 ans.
"Ça ne servira à rien de réécrire l'histoire", dit-il alors qu'il aurait sans doute pu postuler à devenir sur le premier Français à gagner un grand Tour depuis Laurent Jalabaert en 1995 sur la Vuelta.
Pogacar "dans une autre division"
Cette année, la priorité reste donc une victoire d'étape, notamment en troisième semaine où la course se dénoue généralement dans le nord de l'Italie. "Ce sera difficile pour moi de tirer des conclusions avant", souligne-t-il, alors que les deux contre-la-montre au programme ne plaident pas forcément en sa faveur.
Reste que Tadej Pogacar, le grandissime favori, a placé le Français parmi ses principaux concurrents. "Bardet a montré qu'il était en grande condition dernièrement", a dit le Slovène jeudi.
"Je ne veux pas m'étalonner par rapport à lui. Sur le papier, on sait très bien qu'il n'aura pas de rival, il joue dans une autre division", répond Bardet.
Comme Pogacar, le grimpeur français va ensuite se tourner vers le Tour de France, mais pas du tout avec le même objectif. Fini le classement général : Bardet a envie d'en "profiter" et d'être "offensif" après l'avoir "couru avec des œillères" toutes ces années.
"J'ai fait trois fois sixième sur le Tour et tout le monde s'en fout, moi le premier maintenant", disait-il à l'AFP en janvier.
On saura sans doute alors si ce sera son dernier Tour de France puisqu'il doit décider à la fin du printemps s'il prolonge ou non l'aventure en fin de saison.