À l'aube de ses adieux, comment ne pas revenir sur Il Lombardia 2018 de Thibaut Pinot ?
"Shalalalalalala, Tibopino, Shalalalalalala, Tibopino... SHALALALALALALA? TIIIIIBOPIIINO ! " C'est la dernière pour le fan-club de Thibaut Pinot, qui va tirer sa révérence aujourd'hui, sur le Tour de Lombardie. Une dernière fois, un dernier Monument, puis un dernier au-revoir.
On pourrait refaire le fil de sa carrière indéfiniment, reparler du Tourmalet 2019 (ici), pleurer son abandon la même année, revenir sur ses illustres succès dans la grande boucle, son podium en 2014, mais il est clair qu'on ne l'a jamais vraiment espéré au niveau sur des courses d'un jour, à fortiori des Monuments du cyclisme.
D'ailleurs, le Tour de Lombardie est le seul des Monuments où il pouvait briller sur le papier. Il n'a d'ailleurs jamais pris le départ des 4 autres, n'étant clairement pas taillé pour les Flandriennes par exemple. Mais Lombardia, cela lui plaisait. 3e en 2015, 5e en 2017, un parcours pentu fait pour ses qualités. De là à imaginer une victoire ? Il y avait un obstacle majeur.
Un obstacle nommé Vincenzo Nibali. Le Requin de Messine avait remporté les deux éditions sus-citées, et était donc tenant du titre. C'est lui qui avait gagné la Grande Boucle quand Pinot avait fait podium, c'est lui qui avait gagné les trois Grands Tours, c'est lui qui avait triomphé sur Milan - San Remo en mars, bref, c'était lui l'archi favori.
Sauf que sur sa route, il trouvait un coureur transfiguré depuis un coup du sort plus tôt dans la saison, prélude à la désillusion de 2019. Il est troisième et dans le coup à l'avant-veille de l'arrivée, il attrape une pneumopathie et perd toutes ses illusions de podium, en plus de faire une croix sur le Tour de France. Ça sent la saison vierge.
Mais il revient en force au Tour d'Espagne, où il livre une belle perf d'ensemble et rafle deux étapes. Vient alors l'épisode douloureux des Mondiaux, où, sur un parcours ultra montagneux, il joue un rôle d'équipier pour Julian Alaphilippe, leader désigné, mais qui explosera alors que Pinot avait fait un boulot d'enfer et fait craquer la quasi totalité des favoris, une situation qui profitera à Romain Bardet, finalement vice-champion du monde. Mais avec Pinot dans le final, qui sait ?
Pas le moment d'avoir des regrets, il faut profiter de cette forme qui semble exceptionnelle. Une seule solution, les courses italiennes de fin de saison. Il passe près sur les Trois Vallées Varésines, où il est battu au sprint par Tom Skuijns. Avant la consécration. Il remporte sa première course d'un jour, à 28 ans, en s'imposant sur la principale épreuve de préparation à Il Lombardia, j'ai nommé Milan-Turin (depuis déplacé en mars sans qu'on sache pourquoi).
De quoi venir avec la pancarte en Lombardie ? Non, le favori, comme dit précédemment, c'est Vincenzo Nibali. La Groupama-FDJ a envoyé la garde rapprochée du Français, dont Jérémy Roy - qui met un terme à sa carrière à l'occasion, tout un symbole - pour l'encadrer. Mais la majeure partie du travail, c'est bien lui qui va la faire. C'est lui qui va suivre le mouvement quand Primoz Roglic va tenter de dynamiter la course à 50 km de l'arrivée dans le Colma di Sormano - une vaine tentative du Slovène qui implosera plus tard.
Mais dans la terrible montée du Civiglio, on aura bien droit au duel attendu. Il n'y a plus de concurrence, Nibali et Pinot sont devant, et l'un d'eux gagnera Lombardia. Le Français le sait, et sait aussi que l'Italien est un descendeur émérite. Il faut faire l'écart, et le Tricolore s'y emploie. Une fois, deux fois, cinq fois, il hausse le rythme, mais le Sicilien tient le choc, jusqu'à 500 mètres du sommet.
Pinot se retourne, voit le trouble chez son rival, et décide d'en remettre une. Cette fois, elle est payante, et très vite, Nibali encaisse l'uppercut. En 500 mètres, il prend 30 secondes et devant sa télé, tout le monde est ébahi. Il va gagner ? Il va gagner, plus les kilomètres s'égrenent, plus ce sentiment grandit en chacun. Et oui, il va gagner, la joie remplit tout le monde.
Cette victoire est bien plus émouvante que celle d'Arnaud Démare à Milan - San Remo - sans doute parce qu'il n'y a pas d'histoire de bidon collé dans l'histoire - et consacre un grand champion. Malchanceux, certes, mais un grand champion. Qui va dire au revoir, sans doute dans l'allégresse, parce que ce n'est que cela qu'on veut retenir de la carrière de Thibaut Pinot.