Non, le triplé de la Jumbo-Visma n'est pas la pire chose qui puisse arriver au cyclisme

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Non, le triplé de la Jumbo-Visma n'est pas la pire chose qui puisse arriver au cyclisme

Réjouissons-nous du sacre de Sepp Kuss.
Réjouissons-nous du sacre de Sepp Kuss. AFP
C'est fait, les Jumbo-Visma ont signé un triplé sur le Tour d'Espagne, ainsi que sur les Grands Tours cette saison. Mais plutôt que de maudire cette archi domination, pourquoi ne pas se réjouir de la victoire d'un équipier modèle et espérer que la concurrence hausse le ton à l'avenir ?

Sepp Kuss, le coureur de Grand Tour, l'équipier parfait, toujours prêt à donner un coup de pédale en plus pour son leader. Après quatre ans à protéger les Primoz Roglic et Jonas Vingegaard, leur ayant permis de garnir copieusement leur palmarès, voilà que ces derniers lui renvoient l'ascenseur en favorisant son accès au Graal, une victoire sur le Tour d'Espagne

Un grand moment qui n'a pourtant pas le retentissement que l'Américain aurait mérité. Ce qui est tellement regrettable. En cause, le comportement de son équipe, la Jumbo-Visma, qui a osé aligner tous ses meilleurs éléments sur le dernier Grand Tour de l'année, avec pour objectif de remporter la course. Une ignominie, si l'on en croit les suiveurs. 

Et puisque la formation néerlandaise a écrasé la course, elle a choisi le vainqueur. Une image qui ne plait pas, parce qu'elle renvoie à des heures sombres du cyclisme. La démonstration de la Gewiss sur La Flèche Wallonne 1994. Et surtout l'inoubliable triplé de la Mapei sur Paris-Roubaix 1996, quand le président de l'équipe avait choisi le vainqueur depuis son bureau. Ce qui fait penser tout de suite à la période du dopage dans le cyclisme.

Dopage. Le mot interdit et tellement prononcé. Un sujet remis sur la table en grandes pompes lors du dernier Tour de France. Un sujet qui n'a de toute façon jamais quitté le cyclisme. Une théorie à laquelle on est libres de croire, certes. Mais autant ne pas regarder de cyclisme dans ce cas, car à chaque belle performance, le sujet reviendra.

Sauf que : c'est "à la gueule du client". Ou plutôt de la course. Parce que si l'épreuve est emballante, offre du spectacle, pas de problème. Prenons Wout Van Aert (un Jumbo-Visma, quelle ironie) et Mathieu van der Poel. Le visage du cyclisme que l'on aime, des coureurs spectaculaires, qui attaquent à tout-va, qui font la course, et qui en plus gagnent. Des ambassadeurs parfaits pour le vélo.

Des ambassadeurs qui ont ferraillé en cyclo-cross tout l'hiver, remporté des grandes classiques au printemps, et couru le Tour de France en été. Trois modes de course différents, trois préparations différentes, mais une constante : ils ont toujours été performants. Et quand est-ce que les suspicions sont apparues à leur sujet ? À aucun moment.

Autre exemple : Tadej Pogacar. Voilà deux ans, le Slovène remportait son deuxième Tour de France, et tout le monde le voyait en gagner 6 ou 7. Un climat de suspicion s'installait alors, parce qu'il avait écrasé la course, et personne n'aime quand une course n'a pas de suspense. Deux ans après, le voilà perdant magnifique, et tout le monde le plaint d'avoir en face de lui une équipe implacable. 

Encore un exemple ? Geraint Thomas. Même s'il était de la même équipe que Chris Froome, tout le monde lui était reconnaissant d'avoir mis fin au règne du Britannique sur la Grande Boucle en 2018. 5 ans plus tard, à 37 ans, il est passé tout proche de vaincre Roglic sur le Giro 2023. Suspicion sur le vainqueur, pas sur le deuxième. 

"À la gueule du client" comme on disait. La Jumbo-Visma a dominé l'épreuve, et tout de suite, les médias, la sphère vélo renvoie à la formation Sky, ou pire encore, à l'US Postal de Lance Armstrong. Une comparaison clairement inopportune, d'autant qu'on accuse la Jumbo d'avoir rendu l'épreuve ennuyeuse.

Clairement, la culture de l'instant a encore frappé. On parle de Lance Armstrong, le plus grand tricheur reconnu du cyclisme. Celui qui, dès la première ascension de la première étape de montagne de la Grande Boucle, assassinait tout le monde et tuait la course en une montée, rendant les deux semaines restantes inutiles. Sept ans de Tour de France rayés de la carte, est-ce qu'on peut vraiment comparer la Jumbo-Visma à cette gigantesque farce qui a terni pour toujours l'histoire du cyclisme ?

Si l'on a trouvé la Vuelta 2023 ennuyeuse – ce qui n'est pas nécessairement faux –, il faut plutôt chercher les causes ailleurs. L'organisation défaillante d'abord, entre les arrivées bizarres, les horaires inadaptés, les terrains non préparés – ce qui a valu une chute à Remco Evenepoel après l'arrivée de la 3ᵉ étape, allez savoir si cela n'a pas eu d'incidence sur la suite de la course –, les chronométrages farfelus, ce n'était pas au niveau d'un Grand Tour

La concurrence surtout. Le dit Evenepoel n'avait pas une équipe de niveau Grand Tour autour de lui, et en a payé les conséquences lors de sa journée noire. Juan Ayuso, le meilleur des autres, a tenu son rang, comme à un degré moindre Enric Mas, mais jamais ceux-là n'ont été en position de mettre en danger le trio de tête. Les autres, on ne les a pas vus. Suivre, ce n'est pas une tactique, c'est un manque d'ambition. Sauf si on n'a pas les jambes, dans ce cas, c'est de la survie. 

Mais clairement, sur le papier, la Jumbo avait la meilleure équipe, et le fait de la voir contrôler la course n'a rien d'anormal, pas plus que de choisir le vainqueur. Parce que quand vous avez éliminé la concurrence, il n'y a plus que cela à faire. À moins que s'attaquer entre coéquipiers soit quelque chose qu'attende la foule, mais ce serait pire que tout. 

Tout ce débat au lieu de se réjouir de la victoire de Sepp Kuss. Pourtant, n'est-ce pas là une histoire dont on raffole ? Un équipier, dévoué, qui jamais ne demande de reconnaissance, ou ne se plaint de son sort, et qui saisit une opportunité, puis prouve à son équipe que malgré la présence de deux vainqueurs de Grand Tour à ses côtés, qu'elle peut parier sur lui et ensuite qu'elle a raison de le faire. 

Jusqu'à être adoubé par Roglic et Vingegaard qui, au lieu de s'entretuer, ont fait bloc et accepté de récompenser un fidèle soldat, qui vit son jour de gloire malgré ces effusions non nécessaires. On ne sait pas, bien sûr, l'essence des discussions dans l'équipe pour justifier du résultat final. Mais, n'est-il pas sain que cela se termine de la sorte ? La soif de spectacle ne fait pas tout, le vélo, c'est d'abord des hommes qui se dépouillent toute l'année et qui méritent un peu de reconnaissance. Surtout quand ils gagnent.

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