Exclu' - Flashscore : Carlos Sastre revient sur sa victoire au Tour de France 2008
Flashscore s'est entretenu en exclusivité avec Sastre au sujet de son triomphe, des chances de Primoz Roglic pour le Tour 2024 et des raisons pour lesquelles Tadej Pogacar pourrait être encore meilleur l'année prochaine.
Carlos, vous avez remporté le Tour de France en 2008. Que faites-vous en 2023 ?
"J'essaie de profiter de la vie autant que possible. Je possède un petit magasin de vélos à Avila, à une heure de route de Madrid. J'ai vécu ici presque toute ma vie et mes parents sont originaires de la région. C'est une vie paisible ici, je profite de chaque trajet."
On dirait du vélo, des tapas et du vin…
"Exactement, il y a ce qu'on appelle le Chuleton ici, un steak de côte de bœuf, qui est très savoureux."
Au niveau mondial, vous êtes probablement le vainqueur du Tour de France dont on parle le moins. Que pensez-vous de ce rôle ?
"Je suis heureux de ce que j'ai accompli, donc je ne me préoccupe pas vraiment de savoir si les gens parlent beaucoup de moi ou non. Je suis une personne qui vit dans le présent et qui regarde vers l'avenir. Le passé est agréable, mais je ne vis pas dans le passé. J'ai gagné le Tour en 2008, et c'est toujours agréable de s'en souvenir, mais ce n'est que pour les souvenirs, et rien d'autre."
Pourquoi pensez-vous que les gens parlent moins de vous que d'autres ?
"J'ai toujours été un travailleur. Pendant une grande partie de ma carrière, j'ai soutenu d'autres coureurs, comme Tyler Hamilton ou Ivan Basso. Si vous regardez l'histoire du Tour de France, je n'étais que 20ᵉ lors de ma première participation, et 18ᵉ lors de la dernière. Si les gens peuvent vous utiliser pour gagner de l'argent, bien sûr qu'ils le feront. Mais j'ai toujours été un peu plus humble et introverti. Les gens et la famille comptent plus pour moi que la publicité.
Les médias préfèrent peut-être l'image d'une grande star, mais en dehors de mon vélo, je suis une personne tout à fait normale, et je veux être une personne normale. C'est peut-être la raison pour laquelle je n'ai pas été aussi présent dans les médias que d'autres vainqueurs du Tour."
Quels ont été les facteurs les plus importants qui vous ont permis de remporter le Tour en 2008 ?
"Quand j'ai eu l'occasion de le faire, j'étais prêt. Avant le départ du Tour, je connaissais très bien la course, je connaissais très bien mes concurrents. Et j'avais une équipe très forte qui m'a soutenu du début à la fin. Le manager Bjarne Riis savait que j'étais prêt à faire quelque chose de spécial cette année-là."
Après votre attaque à l'Alpe d'Huez, qui vous a permis de remporter l'étape et le Maillot Jaune, Franck Schleck a semblé un peu frustrer. Y a-t-il eu des tensions par la suite ?
"L'ambiance dans l'équipe était bonne. Bien sûr, Franck et Andy Schleck voulaient aussi faire du bon travail chacun de leur côté. Ce sont de très bons coureurs, mais ils n'étaient pas prêts à gagner la course à ce moment-là. Ils ont également participé à d'autres courses pendant la majeure partie de la saison, si bien qu'ils ne savaient pas à quel point j'étais bon. Je m'entraînais avec Riis, et il m'a dit dès le premier jour que Carlos Sastre était prêt pour la course. C'est pourquoi j'étais le numéro 11, le premier nom de l'équipe. Bien sûr, ils se sont sentis contrariés, car lorsque j'ai attaqué à l'Alpe d'Huez, Franck portait le maillot jaune, et beaucoup de gens ont été choqués.
Mais, Schleck a perdu plus de quatre minutes dans le dernier contre-la-montre. Donc, si je n'avais pas attaqué ce jour-là, nous aurions été deuxième et troisième au classement général. Ainsi, nous méritions de gagner la course et d'atteindre nos objectifs en tant qu'équipe. Par ailleurs, tout le monde savait que j'allais attaquer au pied de l'Alpe d'Huez, car Riis voulait gagner ce jour-là, je ne pouvais pas attendre les deux ou trois derniers kilomètres."
Si vous comparez les champions de votre époque et ceux d'aujourd'hui, quelle est la plus grande différence ?
"C'est difficile à comparer. Pogacar et Vingegaard sont de très jeunes coureurs. À mon époque, nous avons gagné les Grands Tours à 33 ans, soit une différence de près de 10 ans. Aujourd'hui, les jeunes coureurs sont vraiment forts et bien préparés pour la compétition. Mais je pense qu'ils commettent beaucoup d'erreurs pendant les courses parce qu'ils manquent d'expérience. C'est peut-être la grande différence entre nous. À l'époque, c'était un peu plus calme, nous attendions le moment idéal pour lancer une attaque. Pogacar, par exemple, est spectaculaire, mais peut-être qu'il va parfois trop loin et qu'il gaspille de l'énergie inutilement. Il veut trop gagner. Mais pour les spectateurs, c'est génial."
Si vous compariez un cycliste d'aujourd'hui à vous-même, qui serait-ce ?
"Je dirais Sepp Kuss. Si vous regardez Pogacar ou Vingegaard, ils sont capables de tout gagner. Ce n'est pas mon cas. Kuss est un bon grimpeur, il n'est pas trop mauvais dans le contre-la-montre et il se débrouille très bien dans le classement général. Maintenant qu'il a remporté la Vuelta, tout le monde dira que Roglic et Vingegaard l'ont aidé à gagner la compétition. Je dis non – c'est Kuss, qui souffrait tous les jours, qui a fait de son mieux et qui a survécu après chaque journée en montagne, qui a gagné la Vuelta. Et il a gagné la Vuelta. Bien sûr, les deux autres l'ont soutenu, mais il les a également soutenus presque à chaque fois au cours des dernières années."
Roglic roulera pour l'équipe allemande Bora-Hansgrohe. Pensez-vous qu'il pourrait prétendre à la victoire finale au Tour de France en 2024 ?
"Roglic a déjà essayé plusieurs fois de participer au Tour. Lors de la dernière Vuelta et du dernier Giro, il a prouvé qu'il avait encore beaucoup de puissance dans les jambes. Ce sera difficile, car Pogacar et Vingegaard sont deux coureurs forts, qui se préparent exceptionnellement bien pour le Tour et qui ont fait la différence récemment. Mais ce serait bien que Roglic retrouve son meilleur niveau et se batte pour la victoire."