Le 7 juillet 2000, Christophe Agnolutto devenait le nouveau héros du cyclisme français
Le Tour de France 1998 est tristement célèbre, pour un tas de raisons très connues. Mais pour le cyclisme tricolore, l'édition 1999 était à ranger aux oubliettes. Pour la deuxième fois de l'histoire, après 1926 (!), aucune trace d'une victoire d'étape pour les Français. Dramatique.
Et honnêtement, on craignait que l'édition 2000 soit du même acabit. Pas de top sprinteur, peu de coureurs capables de s'imposer en montagne, la peur était réelle. Dans ce genre de situation, il faut un héros, un sauveur, et c'est souvent quelqu'un d'inattendu. Ce 7 juillet 2000, c'est arrivé, par un inconnu : Christophe Agnolutto.
Deux fois un héros
Enfin inconnu... du grand public. Car dans le milieu du vélo, il avait déjà signé un extraordinaire coup d'éclat pourtant bien trop méconnu. Agnolutto, qui se qualifiait lui-même de coureur moyen, aura eu deux grandes opportunités dans sa carrière et aura saisi les deux.
En 1997, il débarque sur l'une des plus grandes épreuves d'une semaine du calendrier, le Tour de Suisse. Alors qu'il ne devait pas courir, le champion olympique en titre Pascal Richard déclare forfait et le Francilien intègre le roster de la formation Casino, sans être promis à un rôle important.
Mais parfois, il suffit d'une chance. Lors de la troisième étape, il se glisse dans une échappée, attaque sans relâche toute la journée, largue tout le monde et, en état de grâce, remporte ce qui est alors le plus grand succès de sa carrière. Le tout en collant plus de... 11 minutes au peloton !
Il prend le maillot jaune, mais personne ne l'imagine aller au bout. Car en face, il y a du beau monde : Jan Ullrich, qui écrasera le Tour de France le mois suivant, Oscar Camenzind, futur champion du monde, Stefano Garzelli, futur vainqueur du Giro, sans oublier le grand Tony Rominger. Impossible qu'il tienne le choc. Pourtant, il va gérer sa course de main de maître et conserver plus de deux minutes d'avance sur Camenzind. Toujours la dernière victoire française en date sur le Tour de Suisse.
Néanmoins, il semble que cet exploit reste sans lendemain. Lors des deux saisons suivantes, il glane tout juste une victoire d'étape sur le Tour de Romandie. Au moins, Agnolutto aura eu son jour - et même sa semaine - de gloire, pense-t-on. Jusqu'à ce 7 juillet 2000.
Casino est devenu AG2R, formation dévouée à son sprinteur maison, l'Estonien Jan Kirsipuu. Comment briller dans ces conditions pour Agnolutto ? En attaquant pardi ! Une première attaque, le peloton qui fait l'effort pour jouer le sprint intermédiaire, puis une deuxième, puis une troisième, et c'est parti pour le show. 128 kilomètres en tête-à-tête avec lui-même, une avance qui frôle les 8 minutes et un peloton qui enclenche en croyant pouvoir rattraper le fuyard et jouer l'arrivée entre grosses cuisses. Trop tard.
À l'époque, les oreillettes existaient mais il n'en voulait pas. Comme il l'a déclaré plus tard au journal Le Populaire du Centre, tout était calculé : "je n'avais pas d'oreillette, je n'aimais pas trop ça. J'avais dit à mon directeur sportif de m'avertir quand le peloton allait mettre en route derrière. A soixante kilomètres de l'arrivée, les équipes de sprinteurs se sont mises à rouler. Et là j'ai fait dix kilomètres à bloc comme si c'était les dix derniers avant l'arrivée. Ils ne m'ont repris qu'une dizaine de secondes en dix kilomètres. Ils ont pris un coup au moral".
Pas besoin de bidule dans l'oerille pour bien courir, pas besoin de surveiller les watts comme tous les coureurs de la génération actuelle. Juste de l'intelligence de course et de bonnes jambes. Un succès "à l'ancienne" qui renvoie à une certaine conception du cyclisme. Baroudeur dans l'âme, Christophe Agnolutto aura été récompensé de son talent. Deux fois. Si l'on pouvait revoir cela demain à Limoges...