Le patron de Décathlon-AG2R veut "gagner Paris-Roubaix et le Tour de France d'ici 2028"
Avec 26 victoires en 2024, la formation française est actuellement la troisième force du peloton, mais le directeur général de France Cyclisme, la structure qui chapeaute l'équipe, ne s'en satisfait pas. "Je suis un gagneur", insiste l'ancien patron de la Paris Défense Arena et de l'écurie Mitsubishi avec laquelle il a gagné sept Paris-Dakar.
QUESTION : Seulement onze mois après votre arrivée, votre équipe paraît transformée. Vous êtes magicien ?
RÉPONSE : "Non, non (rires). Mais j'ai 46 ans de métier et j'ai couru pendant 22 ans. J'ai été patron d'écurie pour Mitsubishi pendant neuf ans. On a gagné sept années consécutives le Dakar. Tous ces éléments font que moi aussi, je suis un gagneur. À la maison, ils savent quand je n'ai pas gagné parce que je leur fais une vie d'enfer. Mon parcours fait que je connais les ingrédients."
Q : Quelle est la recette alors ?
R : "Un, il faut structurer de façon appropriée les différents pôles avec des gens de compétence. Deux, j'ai appris par une personne qui a bien réussi dans le sport automobile, Jean Todt, qu'il faut toujours recruter meilleur que soi. Donc, il faut prendre un très bon directeur administratif financier, etc. Et après, il faut créer une vraie organisation. Avoir des outils de gestion pour les collaborateurs, gérer 285 jours de course, le stock des pièces – plus de 300 vélos et 800 roues. Ça a été un tsunami, un combat. Onze mois de travail acharné depuis que je suis arrivé."
Q : Comment les équipes en place ont accueilli ce discours ?
R : "Une des premières choses que j'ai demandé a été: pourquoi on participe aux courses ? J'ai senti que la question était gênante. Certains me disaient que c'était obligatoire sur le calendrier de la Ligue, pour marquer des points à l'UCI. J'ai dit : non, vous avez tout faux. Si on participe à des courses, c'est pour gagner. Sinon, je n'y vais pas. J'ai dit aux coureurs : maintenant, le soir, quand vous vous couchez, vous pensez à gagner. Le matin, quand vous prenez vos cornflakes ou vos sucres lents, vous pensez à gagner. On a tout posé à plat, changé les habitudes. Vincent (Lavenu, manager historique) et ses équipes ont été à l'écoute, respectueux. Si les coureurs n'avaient pas adhéré, on n'aurait pas les résultats."
Q : Êtes-vous surpris que les résultats soient venus aussi vite ?
R : "Non parce qu'on a mis la barre haut. On a tout renforcé. J'ai bien regardé ce que faisaient nos concurrents comme UAE ou Visma. Ce n'est pas compliqué : ils courent moins que nous, mais ils préparent beaucoup mieux les courses. Alors on a renforcé les stages en altitude. Surtout, on a mis en place un plan stratégique avec des objectifs ambitieux comme gagner un grand Tour. 2025 sera encore une année de transition. En 2026, 2027, 2028, il faudra performer."
Q : Mais vous performez déjà ?
R : "Pas sur les grands Monuments. On a un objectif devant notre nez, qui est Paris-Roubaix, avec une entreprise (Décathlon) qui est du nord de la France, avec un vélo qui s'appelle Van Rysel – je viens de Lille. Donc, on va lancer un programme de travail sur Roubaix et sur les classiques flandriennes et ardennaises pour aller chercher là-aussi des résultats, comme sur les grands Tours."
Q : De préférence, le Tour de France ?
R : "Cette année, ça fait 39 ans qu'un Français n'a pas gagné le Tour de France. Donc on va travailler là-dessus. On a certains jeunes coureurs qui vont monter en World Tour et qui en ont la capacité. On a renforcé toute la partie du passeport biologique, des tests médicaux, de la santé du coureur. La formation aussi, avec des coaches en descente. Ce sont de petits détails qui ne se voient presque pas, mais qui font qu'aujourd'hui, on ne néglige rien."
Q : Votre budget va-t-il augmenter ?
R : "On commence à rentrer dans la grille du top 10. On va grandir sur les prochaines années pour s'approcher sans doute de 35 ou 40 millions d'euros. Certes, on n'a pas le budget de UAE, qui sans doute n'a pas de budget. Mais il ne faut pas qu'on se cache derrière cette excuse. Il faut que d'abord, on soit bien organisé, bien structuré, qu'on ait une vraie visibilité de ce qu'on veut faire en termes de recrutement, où on veut aller. Et je pense que ça va marcher."
Propos recueillis par Jacques KLOPP