Le Tour de France percuté par l'actualité politique
De tout temps, la Grande Boucle, inscrite au patrimoine du pays, revêt une connotation politique, au point que, l'été venu, le directeur du Tour est quasiment élevé au rang de chef d'État, selon la formule de l'écrivain Antoine Blondin : "le général de Gaulle est le président des Français onze mois sur douze. En juillet, c'est Jacques Goddet", le patron de l'épreuve entre 1937 et 1988.
Cette dimension politique sera encore présente cette année, notamment lorsque la course arrivera le 6 juillet à Colombey-les-Deux-Églises, le village du général de Gaulle, qui était venu saluer le peloton sur le pas de sa porte en 1960.
"Un sacré symbole pour les 80 ans du Débarquement", souligne auprès de l'AFP l'actuel directeur du Tour de France, Christian Prudhomme, qui accueille chaque année des dizaines d'élus dans sa voiture pour suivre une étape, dont le président de la République.
Le ballet est rodé et atteint un pic tous les six ans l'année précédant les élections municipales lorsque les ambitieux redoublent de vigueur.
À Troyes, on s'adapte
Mais la dissolution annoncée le 9 juin par Emmanuel Macron, au soir d'une victoire historique de l'extrême droite aux Européennes, vient bousculer les habitudes et force les organisateurs à revoir une partie de leurs plans.
"Pour le premier tour des législatives, le 30 juin, on sera encore en Italie. L'impact porte surtout sur le deuxième tour le 7 juillet, où on sera à Troyes pour la fameuse étape des chemins blancs", expose Prudhomme qui a décroché son téléphone, "dès le lendemain" de l'annonce de la dissolution, pour ajuster les dispositifs avec le maire de Troyes, François Baroin, et la préfète de l'Aube, Cécile Dindar.
Car le Tour de France, avant d'être une course de vélo, est un immense barnum de 5 000 personnes accréditées qui se déplace de ville en ville en drainant des millions de spectateurs au bord des routes.
Ouvrir des bureaux de vote dans des villes cadenassées par le départ ou l'arrivée peut vite tourner au cauchemar organisationnel. "On a la chance d'avoir une expérience récente puisque le Tour de France était dans les Côtes-d'Armor pour le second tour des départementales et des régionales 2021. On a proposé le même plan qu'à l'époque", développe Prudhomme.
Ce plan consiste en "toute une série de points de cisaillement, d'endroits où les gens peuvent traverser" pour se rendre aux urnes. "D'ordinaire, tout est bloqué pendant deux heures avant le passage des coureurs. Là, ce sera dix minutes avant et dix minutes après", avec une signalétique adaptée, détaille Prudhomme.
À l'échelle de la Ville de Troyes, les bureaux de vote resteront par ailleurs ouverts exceptionnellement jusqu'à 20h00, au lieu de 18h00, indique la mairie.
"Plein de points d'interrogation"
Au-delà de la logistique, le jour du vote, c'est tout l'entre-deux tours mais aussi la semaine suivant les élections qui risquent d'être chamboulés.
"On a plein de points d'interrogation sur des élus qui devaient être là, parce que je n'ai pas une vue complète sur qui s'engage dans la campagne ou pas, explique Prudhomme. À Colombey-les deux églises, de nombreux présidents de département souhaitaient venir. Qui y aura-t-il vraiment? Je n'en sais rien."
Il était, par exemple, question que l'ex-président François Hollande s'invite sur une étape, mais c'était avant qu'il ne présente sa candidature en Corrèze. Emmanuel Macron pourrait, lui, venir lors de la troisième semaine du Tour.
Qui gouvernera alors la France ? "On verra le résultat des élections. Je ne peux rien dire d'autre", affirme Christian Prudhomme, interrogé sur ce que lui inspirait la perspective de voir l'extrême droite aux commandes.
Dans un pays fracturé, le directeur de la Grande Boucle croit cependant aux vertus de son épreuve, qui est une grande fête populaire. "Le Tour rassemble et c'est évidemment encore plus important aujourd'hui qu'hier d'avoir des gens de toutes conditions, des femmes, des hommes, des Français, des étrangers, ensemble avec le sourire", insiste-t-il.