D'un obstacle à l'autre, le pentathlon moderne en proie à une scission
Depuis le vote sur la suppression de l'équitation (saut d'obstacles) il y a un an, un conflit secoue le monde d'ordinaire feutré du pentathlon. Une dispute rejouant une classique opposition entre Anciens et Modernes, romantiques et prétendus pragmatiques, promettant un congrès explosif.
Une motion de défiance envers Klaus Schormann, président de l'UIPM depuis 29 ans, doit être soumise au vote comme une autre demandant la réintroduction d'une épreuve réformée d'équitation. Sauf que la réunion des 12 et 13 novembre doit se tenir en distanciel.
"Une assemblée en ligne est plus facile à contrôler alors qu'en personne, c'est beaucoup plus ouvert et transparent", juge le champion olympique et du monde en titre, le Britannique Joe Choong, opposant à la réforme, interrogé par l'AFP.
Cette révolution est une répercussion de l'affaire Saint Boy, du nom du cheval frappé par l'entraîneur d'une cavalière allemande aux JO de Tokyo.
Débats en ligne
"L'histoire avec Annika Schleu n'a été qu'un catalyseur et un prétexte pour opérer ce changement. lls l'ont seulement fait quatre ans plus tôt", estime Joe Choong en rappelant les liens existants entre l'UIPM et la Fédération internationale de sports d'obstacles dès 2016.
En attendant, le bébé du Baron Pierre de Coubertin, inventeur du pentathlon moderne, a son destin olympique en sursis après Paris 2024. Au programme des Jeux depuis 1912, la création du fondateur des JO de l'ère moderne ne figure pas dans la liste des 28 sports olympiques en 2028 à Los Angeles qui doit être complétée lors de la prochaine session du CIO en 2023.
Pour l'UIPM, qui revendique 98.000 licenciés, le salut passe par le spectacle. "Le nombre de personnes suivant 'Ninja Warrior' est incroyable. Y être apparenté nous renforcera, car c'est l'un des shows télé les plus connus aux États-Unis", a expliqué le président de la commission des athlètes, l'Égyptien Yasser Hefni, mardi. "Lors des championnats du monde d'athlétisme cet été, c'est Ninja Warrior qui était retransmis par le diffuseur NBC sur sa chaîne la plus exposée."
Cela s'inscrit aussi dans le rajeunissement du programme olympique orchestré par le CIO avec l'ajout du basket 3x3, du surf, du BMX ou du skateboard, des sports présentés comme des aimants à nouvelles audiences.
"On me vole mon avenir"
"L'histoire et la tradition ne peuvent être des critères exclusifs de maintien d'une discipline aux Jeux", a encore asséné le président du CIO Thomas Bach au quotidien italien le Corriere della Sera fin septembre. "Le pentathlon a peu de pratiquants et peu de fédérations nationales (...). Son avenir dépendra aussi de la manière dont la fédération remplacera l'épreuve équestre."
Dérivé du pentathlon l'antique (course, saut en longueur, lancers du disque, et du javelot, lutte), le sport a déjà beaucoup évolué en une décennie. Depuis les JO 2012, tirs et course à pied sont entremêlés dans une épreuve dite de laser run. Et lors des JO 2024, la compétition sera condensée dans un nouveau format de 90 minutes en un lieu unique. La disparition de l'équitation doit rendre le sport plus accessible selon les réformateurs.
"La course d'obstacles est plus abordable que l'équitation dont les dépenses sont trop élevées pour les pays africains", a défendu le vice-champion olympique égyptien Ahmed Elgendy mardi. "C'est tout ce sport qui est vraiment cher", corrige le Tchèque Filip Houska (21 ans) champion du monde juniors de relais en octobre.
"Même sans équitation, il faut du matériel d'escrime, des entraîneurs d'escrime, des sparring-partners, des pistolets laser, des piscines", énumère-t-il à l'AFP. "Et le parcours pour la course d'obstacles a aussi un coût alors que les infrastructures d'équitation existent déjà. J'ai l'impression qu'on me vole mon avenir et mon sport parce que je ne peux pas imaginer à quoi ressemblera le pentathlon sans équitation. Les Jeux olympiques de 2028 auraient dû être mon apogée."