Dans les pas d'Antoine Rigaudeau, Isaïa Cordinier, l'épanouissement à la Virtus Bologne
Jadis, dans les années 90, le Kinder Bologne était un cador incontournable du basket européen, emmené par un Maestro français : Antoine Rigaudeau. Le Roi est resté 6 saisons en Émilie-Romagne, de quoi sacrément étoffer son palmarès avec un triplé exceptionnel coupe-championnat-Euroligue en 2001, trois ans après avoir déjà remporté l'Euroligue et le trophée de champion national.
Être arrière et Français dans le club rebaptisé Virtus Bologne au gré d'un changement de sponsor-titre, cela implique une obligation de résultat, en rapport avec la lignée initiée. Isaia Cordinier, 27 ans fin novembre, a déjà soulevé l'Eurocoupe en 2021, un an après avoir été dans le meilleur 5 de la compétition avec Nanterre (15.8 points, 5.2 rebonds, 3.2 passes décisives et1.7 interception). En Italie, le fils de handballeur international, qui habite dans le même immeuble que Rigaudeau, s'est bâti une réputation et s'est fait une place en Équipe de France après avoir été du voyage à Tokyo mais pas dans le groupe avant de participer à l'Euro 2022 et à la Coupe du monde 2023.
Les vertus de la Virtus
Son arrivée à Bologne n'était peut-être pas son idée initiale. Drafté par au second tour par les Hawks en 2016, ses droits ont été récupérés par les Nets avant que la franchise de Brooklyn ne le coupe en septembre 2021. "Mes droits NBA ne m'appartenaient pas, je n’avais donc pas forcément la main sur le dossier, expliquait-il dans une interview accordée à la fédération française. J’ai travaillé, j’étais concentré sur ce que je pouvais contrôler. Je sais que j’ai bossé, que j’ai fait le job. Le reste, je ne le contrôlais pas. Tout s’est accéléré lorsque j'ai récupéré mes droits, ça a été l’élément déclencheur. J’ai dit que j’attendais une semaine pour voir ce qui allait se passer et les offres des équipes européennes ont commencé à tomber. La saison avait déjà commencé en Europe, le training camp NBA commençait une semaine après donc j’étais obligé de regarder toutes les options".
Grand club européen, la Virtus n'est pas une solution au rabais pour le meneur de jeu, surtout qu'à l'époque, l'entraîneur s'appelle Sergio Scariolo, l'homme qui a guidé la génération dorée espagnole. "C’est un coach qui a des principes forts, carrés, estimait-il dans une interview à Bebasket en janvier 2022 avec Mouhammadou Jaiteh, à l'époque son coéquipier en Italie. Son système est bien développé, il l’a prouvé depuis plusieurs années. Il faut juste l’intégrer du mieux possible et pouvoir performer dedans".
Un nouvel élan
Après la victoire en Eurocoupe, la Virtus est revenue dans le giron de l'Euroligue. Au sein du gotha continental, il signe une saison consistante (6.6 pts 2,2 rbds 1,6p) et achève la saison domestique régulière avec une moyenne de 10,7 3.5 1.7 (0, 4.5, 2-9 en playoffs). "Depuis mon arrivée je travaille surtout pour m’intégrer au groupe et connaître tous les systèmes, expliquait-il à Bebasket. Il y a un vrai bon groupe de gars, je n’ai pas de pression. J’étais excité de rejoindre une équipe de ce standing pour gagner tous les matchs. Je pense que la Virtus est une des meilleures organisations en Europe. Ce que le club propose, c’est du top niveau entre le staff et les infrastructures. Ça se rapproche vraiment de ce qui se fait en NBA. Coach Scariolo a passé plusieurs années en NBA et il a voulu apporter cette culture au club. Ils te mettent dans de très bonnes dispositions, tu as juste à te concentrer sur le basket et à performer. Ça fait plaisir de pouvoir être dans une situation pareille".
Le temps d'adaptation a finalement été rapide pour un joueur qui n'avait jusqu'alors connu que les parquets français en compétition officielle. "Je trouve que c’est vachement différent, à commencer par le rythme, analysait-il dans Bebasket. Ce n’est pas le même basket. C’est un peu plus basé sur deux ou trois joueurs, étrangers la plupart du temps, et ils essayent de dérouler des systèmes un peu plus longs, ça joue plus demi-terrain".
Revenu d'une opération aux genoux alors qu'il n'avait que 21 ans, Cordinier a fait preuve d'un mental énorme pour revenir au plus haut niveau. Une attitude qui n'a pas surpris Pascal Donadieu qui l'a eu sous ses ordres à Nanterre et en Équipe de France au côté de Vincent Collet, comme il l'a expliqué dans BeBasket : "Isaia a des qualités hors-normes, tant athlétiquement que baskettement parlant. De plus, il a une éthique de travail et une mentalité irréprochables. J’en ai fait mon capitaine sur ma deuxième saison alors qu’il était très jeune. Pour moi, c’est un garçon qui remplit toutes les cases".
L'arrivée du meneur à la Virtus n'est pas le fruit du hasard. C'est même une suite logique d'après Donadieu : "on n’est pas recruté à Bologne par hasard. La Virtus ne signe pas des joueurs sans potentiel ou qui ne sont pas capables d’évoluer à très-haut niveau. Il est déjà un joueur de haut niveau et il est appelé à être encore plus dominant dans les années à venir, tant sa marge de progression est importante, que ce soit en Europe, en Équipe de France, ou en NBA, si on lui donne sa chance, puisque je sais que c’est son objectif".
Un leadership à assoir
Le retour en Euroligue n'a pas été couronné de succès avec un modeste 14e place en saison régulière et un bilan de 14 victoires pour 20 défaites. En Serie A, le titre échappe à la Virtus depuis deux saisons et la défaite au Game 7 contre l'Olimpia Milan dirigé par Ettore Messina, l'entraîneur qui avait conquis les deux titres en 1998 et 2001.
La saison 2023-2024 a commencé par le départ de Scariolo, très critique publiquement à l'égard de ses dirigeants. Il a été remplacé par Luca Bianchi qui est loin d'être un inconnu en France puisqu'il dirigeait Strasbourg la saison dernière et qu'il était le sélectionneur de la Lettonie, tombeuse des Bleus au premier tour de la Coupe du monde.
Le premier match de la saison continentale s'est conclu par une défaite à domicile contre Kaunas (82-79). Malgré ce revers, Cordinier a terminé la rencontre avec la meilleure évaluation du match (22) avec une feuille de stats solide : 12 points à 80% à 2 points et 1/2 à 3 points, 4 rebonds, 9 passes et une seule balle perdue en près de 29 minutes.
À Monaco, les Vu Nere n'auront rien à perdre contre une équipe qui rêve de sacre. Pour le Cristollien, qui a prolongé jusqu'en 2025, ce sera l'opportunité de montrer l'étendue de ses progrès dans le jeu et le leadership.