De l'espoir à un contrôle positif sur le Tour : Quintana et Arkea-Samsic, histoire biaisée
Un transfert clinquant agrémenté de l'arrivée de trois gregarii (son frère Dayer, Winner Anacona et Diego Rosa) pour l'épauler sur les Grands Tours : le 2 septembre 2019, Nairo Quintana quitte la Movistar, son équipe depuis 8 saisons et ses débuts professionnels, pour rallier la Bretagne. Arkea-Samsic a convaincu le Colombien, 29 ans à l'époque, de signer 3 ans pour un salaire d'1,9M€ annuels. Un choix surprenant, car même si "El Condor" est encore dans la fleur de l'âge, ses meilleurs années paraissent derrière lui. Néanmois, sa saison 2019 a démontré qu'il en avait encore dans les socquettes : une 2e place finale sur Paris-Nice, une étape et la 8e place sur le Tour, une autre et une 4e place sur la Vuelta.
"Je cherchais une équipe dans laquelle j'allais être heureux. Je crois que c'est la clé pour s'épanouir pleinement professionnellement", expliquait-il au moment de sa signature. Pour Emmanuel Hubert, c'est un coup dispendieux mais calculé : avec Quintana en tête d'affiche, les invitations sur les épreuves les plus huppées sont davantage accessibles, une condition sine qua non pour grimper dans la hiérarchie mondiale.
Des débuts en fanfare avant les tuiles
Les premiers mois de la saison 2020 laissent augurer un regain de forme chez le Colombien. Après une fin de parcours sous tension à la Movistar, le changement d'air semble avoir du bon pour Nairo Quintana. En février, il gagne au Chalet-Reynard au Mont-Ventoux et s'adjuge le Tour de la Provence. Dans la foulée, il s'impose au col d'Eze pour remporter le Tour des Alpes-Maritimes et du Var. Arrivé dans la peau de favori sur Paris-Nice, il chute dès la 2e étape, abandonne tout espoir de gagner la course au soleil mais gagne la dernière étape.
Après l'arrêt des compétitions en raison de la pandémie de Covid-19, Quintana est renversé par une voiture en juillet. Le début des tuiles. Sur le Tour de France, il tombe 3 fois et termine à plus d'une heure de Tadej Pogacar, à une anonyme 17e place.
Le spectre du dopage, déjà
Le lendemain de l'arrivée sur les Champs-Élysées, le parquet de Marseille annonce l'ouverture d'une enquête concernant des soupçons de dopage au sein de l'équipe Arkéa-Samsic. C'est la cellule colombienne qui est visée : la fratrie Quintana, Anacona, un médecin et un kiné du Condor. Le 16 septembre, lors d'une perquisition diligentée par l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP), des médicaments sont trouvés dans les affaires des coureurs "mais également et surtout une méthode pouvant être qualifiée de dopante" pour reprendre les termes du parquet.
Les dirigeants de la formation bretonne se défendent tant bien que mal. "L’équipe, son manager général ainsi que son staff, actuellement cités dans les médias ne sont absolument pas mis en cause et en conséquence ne sont tenus informés d’aucun élément de près ou de loin, relatif au déroulement de l’enquête, qui je le rappelle ne vise ni l’équipe, ni son staff directement", explique Emmanuel Hubert dans un communiqué.
Le détail est d'importance : le médecin et le kiné incriminés ne sont pas salariés d'Arkea-Samsic mais font partie des proches de Quintana. Une communication d'urgence claire et sans équivoque car, même s'il apporte son soutien aux coureurs ciblés, il ajoute que "s’il s’avérait qu’à l’issue de l’enquête en cours des éléments venaient confirmer la véracité de pratiques de dopages, l’équipe se désolidariserait immédiatement de tels actes et prendrait sans attendre les mesures qui s’imposent pour mettre fin aux liens pouvant les unir avec des méthodes inacceptables et toujours combattues".
A son tour, Quintana publie sa ligne de défense sur les réseaux sociaux après avoir été entendu par la justice. "Je veux dire qu'aucune substance dopante n'a jamais été retrouvée. Je n'ai rien à cacher et n'ai jamais rien eu à cacher. J'ai été pendant toute ma vie sportive un coureur propre". Le jour de la perquisition, "les autorités sont entrées dans ma chambre et ont trouvé des suppléments vitaminiques tout à fait légaux, bien qu’il ne soient peut-être pas connus des autorités françaises. C’est pourquoi, il faut bien prendre le temps d’expliquer tout ce qu’il s’est passé. Je n’ai jamais, tout au long de ma carrière, junior, moins de 23 ans et professionnelle, utilisé des substances illégales qui amélioreraient mon rendement sportif et trahiraient les principes du sport".
Dernier baroud d'honneur... avant le couperet
Opéré des deux genoux pendant l'automne 2020, Nairo Quintana retrouve le succès lors du Tour des Asturies en mai. Sur le Tour, s'il parvient à porter quelques jours le maillot de meilleur grimpeur, il achève la Grande Boucle au 28e rang, à 1h33 de Pogacar.
Un an plus tard, on croit retrouver le meilleur Quintana, pas encore celui qui s'est adjugé le Giro 2014 et la Vuelta 2016, mais celui sur le bon chemin pour jouer les podiums. Deuxième au col du Granon, il finit 6e du général... avant d'être déclassé en août à la suite de l'officialisation de deux contrôles positifs au tramadol sur l'étape de la Super Planche des belles filles et celle du Granon. Une annonce faite quelques jours seulement après l'annonce de sa prolongation chez Arkéa-Samsic jusqu'en 2025.
L'utilisation du tramadol, décelable dans des échantillons de sang séché, est assez opaque quant aux conséquences de son utilisation dans le peloton. Cet antidouleur est interdit en course par l'UCI depuis mars 2019 afin de "préserver la santé et la sécurité des coureurs compte tenu des effets secondaires de cette substance". Mais il y a une subtilité : si son utilisation est une infraction, elle ne constitue pas une violation des règles anti-dopage (ce sera le cas à partir de 2024). Traduction : un coureur peut se voir prescrire du tramadol mais hors compétition.
Disqualifié du Tour, Quintana s'est défendu médiatiquement : "Je ne suis pas au courant de l'usage de cette substance et je nie totalement l'avoir utilisée pendant ma carrière. Avec mon équipe d'avocats, on commence à exploiter toutes les voies possibles pour assurer ma défense". Dans la foulée, il fait appel auprès du Tribunal Arbitral du Sport qui l'a rejeté ce jeudi. Toujours libre de courir, Quintana n'a plus porté un maillot professionnel depuis. Prévu sur la Vuelta, il a finalement dû renoncer. Depuis le 1er octobre, le Colombien est sans contrat et alors que le mercato bat son plein, lui n'a toujours pas retrouvé d'équipe. En l'état actuel, à bientôt 33 ans, le retrouver sur le World Tour avec un rôle important est de plus en plus hypothétique.