De Pristina à Lille, Edon Zhegrova s'impose comme un ailier électrisant
Edon Zhegrova est ce que l'on appelle un gaucher caviar. Du genre électrique, à mettre des coups de jus dans les cuisses des défenseurs et à bondir les spectateurs dans les gradins. Contre Monaco, l'international kosovar né en Allemagne a offert deux buts à ses coéquipiers lors de la victoire de Lille (2-0). Avec davantage de réussite, il aurait même pu ajouter un but pour compléter sa ligne de stats.
Revenu à Pristina avec ses parents quand il avait deux ans, Zhegrova a appris le football dans la rue, ce qui se retrouve dans son jeu fait de changements de rythme, de feintes, de prises de risques bonifiées par son coup d'oeil. Assidu sur le bitume, le jeune Edon se démarque et gagne une petite réputation, au point que son père, juriste, est poussé à lui payer une licence. "Un jour, des gens l’ont interpelé et lui ont dit que j’étais talentueux et qu’il devrait non seulement m’inscrire dans un club, mais aussi prendre soin de moi en tant que footballeur, a-t-il expliqué sur le site officiel du LOSC. J’ai rejoint le club de Flamurtari, puis de Priština et j’ai continué à grandir normalement. Je marquais 5 ou 6 buts par match. Lorsque je n’atteignais pas ce score, je n’étais pas content de moi".
Le talent du gamin grandit, au point qu'en 2012, il remporte un test organisé par l'AC Milan au Kosovo. Et dire qu'il a failli ne pas y participer ! "Pendant plus d’une semaine, 200 jeunes joueurs étaient invités à faire des tests. Je n’ai appris l’existence de ce stage qu’au dernier moment. Mon entraîneur m’y a alors conduit un peu dans l’urgence. Je suis arrivé vraiment sur le fil, j’ai dû m’habiller en vitesse alors que les enfants étaient déjà sur le terrain. C’est assez rigolo car j’ai été enregistré en tout dernier sur la liste, mais j’ai au final, j’ai terminé premier parmi tous les participants". S'il aura droit à une visite de San Siro et qu'il pourra assister à un match, il ne rallie par la Lombardie.
Situation ubuesque en Belgique
À 15 ans, rencardé par un agent, il débarque au Standard de Liège. Mais l'aventure belge sera bien plus tortueuse qu'il ne l'avait imaginé. "Je pense avoir été l’un des premiers joueurs kosovars à quitter le pays aussi jeune. J’y suis d’abord allé avec mon père, puis au bout d’un an, toute ma famille est venue nous rejoindre en Belgique. Mais dans le même temps, le président du club, Roland Duchâtelet, qui m’avait fait venir, a vendu le Standard. Il avait un autre club, Saint-Trond. Alors je l’ai suivi là-bas". Outre-Quiévrain, Zhegrova découvre que son passeport pose problème : le Kosovo n'est pas reconnu par la FIFA et il ne peut disputer aucun match officiel jusqu'à sa majorité. "C’était d’autant plus frustrant que j’avais le niveau pour évoluer dans les équipes jeunes, narrait-il sur le site officiel du LOSC. J’ai d’ailleurs été repéré par un scout de Genk, uniquement via ces matchs amicaux et entraînements. On a commencé à discuter et j’y ai signé un contrat pro à mes 18 ans".
S'il est resté sûr quant à ses capacités techniques, le fossé tactique est béant et il s'accompagne d'un besoin de s'étoffer musculairement : "quand tu ne joues pas de matchs officiels, tu ne progresses pas dans ce domaine. J’avais également des difficultés sur le plan physique, évidemment". Alors Zhegrova cravache sous les ordres de Philippe Clément mais quitte la Belgique en fin de saison pour rejoindre le FC Bâle, "un très bon club pour continuer de progresser, pour accumuler du temps de jeu et pour se montrer sous son meilleur jour".
En Suisse, l'ailier droit monte en puissance. En 2020-2021, il réalise sa première saison complète : 30 matches de championnat, 5 buts et 6 passes décisives. Il dispute la moitié de la saison suivante mais est gêné par une blessure au ménisque. Pour autant, ses statistiques démontrent son niveau acquis : 8 matches de Super League, 2 buts et 6 passes décisives. Au mercato d'hiver, il remet le cap au nord et arrive à Lille. "J’ai vraiment vu cette opportunité comme le meilleur moyen de progresser dans une belle équipe d’un grand championnat, expliquait-il. J’aime beaucoup le coach, sa philosophie. Et puis ici, je suis aussi proche de ma famille, qui est basée à Hasselt, en Belgique, à une heure de route. Pour plein de raison, le LOSC est le bon club pour moi". Et tant pis pour l'OM qui était très intéressé par sa venue.
Sans être un titulaire indiscutable dans l'esprit de Fonseca, capable de fulgurance, Zhegrova évolue et 2023-2024 semble être la saison où le Kosovar va s'installer de manière pérenne dans le XI des Dogues : "en quoi j’ai progressé depuis que je suis ici ? Physiquement, tactiquement, mais aussi dans le fait de jouer plus simple. Ce n’est pas que je veux changer mon jeu, ma capacité à faire des différences en un contre un. Si je tente un dribble, par exemple, c’est que je sais que je peux le tenter. Mais ce que le coach m’a appris, c’est-à-dire jouer plus simple, surtout dans des zones risquées en cas de perte du ballon". Avec un but et 3 passes décisives lors des 4 dernières journées de championnat, le gaucher est sur une pente ascendante. Le choc face à l'OM doit lui permettre de démontrer qu'il peut enchaîner les prestations de haut niveau.