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Didier Deschamps, premier homme politique de France

Didier Deschamps en septembre dernier
Didier Deschamps en septembre dernierFranck Fife
Fin politique, Didier Deschamps a toujours brillé par sa capacité à sentir les coups pour assoir son management en Équipe de France. Après 12 ans de mandat, l'imbroglio autour de la situation de Kylian Mbappé constitue un écueil inédit, fruit à la fois d'une mauvaise orientation à la suite du Mondial 2022 et de l'usure du pouvoir.

Lors de la conférence de presse qui a suivi l'annonce de la liste de l'Equipe de France jeudi, la fédération française d'aviron aurait pu offrir une licence à Didier Deschamps pour la promotion de la discipline. Alors qu'Antoine Griezmann avait surpris tout le monde en officialisant la fin de sa carrière internationale, l'imbroglio Kylian Mbappé a surgi.

Annoncé blessé, le capitaine des Bleus avait pourtant joué 40 minutes mardi contre Lille lors de la défaite du Real Madrid dans le Nord en Ligue des Champions (1-0). Outre son rendement inexistant, il a été sifflé à chaque prise de balle, preuve d'un désamour croissant avec le public. Pourtant, le sélectionneur l'a certifié : KMB se ressent toujours de sa blessure à l'ischio contractée contre Alavés la semaine précédente (3-0) et qui avait poussé Carlo Ancelotti à le remplacer. Une affirmation démentie par le Real Madrid lui même : Mbappé a été titularisé samedi soir lors de la victoire merengue en Liga contre Villarreal (2-0) et n'a pas été flambant non plus. Il a même assisté depuis le banc au golazo de Vinicius Jr qui a clos le suspense. 

Différences de traitement

Personnage le plus politique du football français, Deschamps se retrouve plus que jamais dans une situation délicate car il s'est mis seul face à ses contradictions. Fortement remis en cause par une partie de l'opinion publique après un Euro très pauvre dans le jeu malgré une demi-finale, il a été maintenu dans ses fonctions par Philippe Diallo qui n'avait guère intérêt à se mettre à dos le personnage le plus influent du football français des 30 dernières années alors qu'approchent les élections de la FFF qu'il n'a d'ailleurs aucune chance de perdre. En septembre dernier, pour le premier rassemblement des Bleus post-Euro, Deschamps a habilement parlé de "réoxygénation", élément de langage tellement voyant qui ferait passer le jaune fluo pour une couleur sobre. Avec deux nouveaux joueurs appelés en septembre (Michael Olise et Manu Koné) et aucun en octobre, la bouffée d'air n'a pas une VMA optimale. 

Vraisemblablement lassé d'être un joueur d'ajustement qui a fait la rustine lors de l'Euro, notamment en raison du retour inattendu de N'Golo Kanté puis, humiliation suprême, contre l'Italie en septembre parce que Randal Kolo Muani a déclaré forfait au dernier moment, "Grizi" a mis Deschamps au pied du mur, alors que cela faisait 5 ans que le Mâconnais se posait régulièrement des questions quant à son avenir en sélection. DD a ironisé sur le statut de "chouchou" qu'il lui aurait attribué avec 84 matches disputés consécutivement en Bleu. Dans les faits, cela n'a plus été le cas depuis longtemps et le communiqué du sélectionneur n'a pas témoigné d'une tendresse débordante pour le Colchonero. "Il faut du courage, de la lucidité et de l’honnêteté et Antoine, dans son analyse, n’en a pas manqué" : l'hommage a comme un arrière-goût de vinaigre... 

Plus que jamais, Deschamps avait besoin de Mbappé à qui il a offert le brassard sur un plateau d'argent au lendemain de la finale de la Coupe du Monde. C'était il y a quasiment deux ans et, depuis son triplé, la cote de popularité de KMB est en chute libre, comme l'a montré un récent sondage. Son Euro désastreux et son absence de sentiment collectif devaient être rayés précisément lors de cette fenêtre internationale, "parce que la France, elle a besoin de toi"

Or en brillant par son absence, il démontre une nouvelle fois qu'il est le véritable patron du football français. N'oublions pas que c'est par un simple de ses tweets que le ministère des Sports a agi pour pousser Noël Le Graët vers la sortie. De quoi comprendre la mansuétude de Diallo, successeur de NLG à la tête de la FFF, lors du Club Info de FranceInfo dimanche : "il n'y a rien au-dessus de l'équipe de France et des sélections nationales. Didier avait échangé avec lui directement et avec le staff médical du Real Madrid et il a décidé de ne pas le sélectionner, ce qui ne remet pas en cause l'attachement de Kylian à l'Équipe de France. La question qui est posée, c'est qu'aujourd'hui, dans un calendrier démentiel, avec de multiples compétitions, les top joueurs sont sur des rythmes de 65 matches par an. On arrive à une sorte de plafond où il est nécessaire que les clubs, les sélections nationales, les instances, s'assoient autour d'une table, notamment dans un objectif de préserver les sélections nationales et de retrouver un équilibre". Manifestement, les cadences infernales, le besoin de souffler et le risque de blessure n'entrent en ligne de compte que quand il s'agit du capitaine... Les subordonnés apprécieront. 

Pas d'état d'âme

Qu'en sera-t-il de Deschamps ? Le sélectionneur n'a guère dû apprécier la blague car, alors que tout indiquait que Griezmann avait gagné le droit de porter le brassard après une Coupe du monde où il a fait merveille au milieu, il a fait le choix de Mbappé qui, d'une certaine manière, le trahit. Ce forfait intervient en plus après un match catastrophique contre l'Italie et une victoire a minima contre une Belgique en déliquessence où il est rentré pour les 25 dernières minutes. 

Tout au long de sa carrière, Deschamps a toujours su se sortir des mauvais pas. En club, il a connu de sevères tempêtes quand il était capitaine de l'OM lors de l'affaire VA-OM et de la Juventus lors du procès pour dopage en 2004. Depuis son arrivée à la tête des Bleus en 2012, cornaqué par le puissant agent Jean-Pierre Bernès revenu aux affaires par la grande porte après avoir été condamné lors du procès de... l'affaire VA-OM quand il était le directeur sportif de Bernard Tapie, DD a toujours su parfaitement avancer ses pions car il a la qualité de comprendre le sens du vent.

À ce titre, Griezmann a été l'image de marque des "Bleus du renouveau" en 2014, quelques années après le scandale de Knysna qui a fait perdre des milliers de licenciés à la FFF. Quand la vox populi a poussé pour un retour de Karim Benzema, Deschamps n'a pas hésité à bousculer sa hiérarchie en attaque pour lui faire une place, quitte à froisser Griezmann et Mbappé. Outre la qualité de celui qui n'était pas encore Ballon d'Or, il ne voulait pas que cela soit mis à son débit en cas de mauvaise performance. Cela a abouti à un Euro loupé de KMB, achevé sur un tir au but manqué contre la Suisse en 1/8 de finale. DD a ensuite eu un double coup de chance avant le Mondial alors que les doutes demeuraient importants quant au jeu déployé : être contraint de reculer Griezmann d'un cran et la blessure providentielle de Benzema alors que Mbappé prenait ombrage de la présence du Merengue. Le moment était propice pour le sélectionneur : il a fait exfiltrer KBNueve en catimini, par l'issue de secours. L'Equipe de France n'a pas mieux joué mais la qualification en finale a suffi à jeter le voile sur une séquence équivoque, voire brutale. 

En fonction des événements, Deschamps a soit laissé sur le bord de la route (Mathieu Valbuena alors mêlé à son grand désarroi à un chantage à la sextape qui n'aura, lui, aucune chance de retour en Bleu), soit rappelé (Adrien Rabiot qui avait pourtant refusé un statut de réserviste avant le Mondial 2018). De ce fait, son attitude conciliante à l'égard de Paul Pogba depuis l'annonce de son contrôle positif n'est guère étonnante car la "Pioche" a été un leader et qu'il en manque cruellement aujourd'hui en Équipe de France. Bien vu : avec la réduction de la sanction du Bianconero à 18 mois, il ne serait guère étonnant de revoir le milieu de terrain à Clairefontaine d'ici quelques mois. 

Coincé

Le triplé improbable de Mbappé en finale après 80 minutes d'errance avec deux buts coup sur coup, puis une nouvelle absence d'une demi-heure avant le deuxième penalty en prolongation a totalement fait oublier son 1/4 et sa 1/2 où il n'a guère été influent, à la fois offensivement mais aussi collectivement.

Joueur d'équipe par excellence, Deschamps a pourtant choisi un soliste pour capitaine. Soliste qui, après quelques déclarations d'intention, a rapidement fait comprendre qu'il ne ferait pas grand chose pour participer aux Jeux olympiques. Et durant la compétition, alors que Griezmann était sur place pour mettre en valeur les performances tricolores, Mbappé, lui, a disparu des radars. Réputé excellent communicant, Mbappé est en réalité très mauvais en la matière avec des polémiques quasiment systématiques à chaque sortie médiatique, en atteste sa dernière conférence de presse avant France-Italie en septembre. 

Pour Deschamps, après un Euro où il a beaucoup été question du nez (et du masque) de Cléopâtre, il n'est plus possible de revenir sur son erreur de casting. Or il a souvent su utiliser les circonstances pour s'en sortir et se maintenir en poste. Mais peut-il le faire avec Mbappé ? Pour la première fois en 12 ans, sa situation est inextricable. Si Mbappé s'en sort sans dommage, alors son statut de sélectionneur est bafoué. Et si Mbappé est sanctionné, par la perte du capitanat voire davantage, alors il perdra le joueur français le plus connu à l'heure actuelle.

Manifestement, il a choisi la réponse B. "Pour moi, l'important, c'est l'intérêt du joueur", a-t-il expliqué dans une vidéo institutionnelle de la FFF dans le chapitre consacré à Mbappé. Cette observation vaut-elle pour tous ou seulement pour un, surtout quand le joueur n'est pas blessé ? Les choix de Deschamps se retournent contre lui et la question est désormais de savoir comment réagira son groupe face aux passe-droits accordés à un capitaine aussi peu impliqué. 

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