Emmenée par Aitana Bonmatí, l'Espagne étrille la Suisse et se qualifie pour les 1/4 du Mondial
Elle s'appelle Aitana Bonmatí et si elle n'est pas Ballon d'Or dans quelques semaines, ce serait une injustice. Meilleure joueuse de la dernière Ligue des Champions, la Catalane a réalisé un match exceptionnel, ponctué de deux buts du gauche, elle qui est droitière. Une habitude qui survole les débats par sa vision du jeu et sa technique. Son retour in extremis pour le Mondial a rappelé à quel point elle était essentielle à l'Espagne et que, plutôt que d'ignorer, voire de mépriser, les demandes légitimes pour davantage de professionnalisme, la Fédération ferait mieux d'écouter et d'apprendre. La Roja est en 1/4 de finale du Mondial pour la première fois de son histoire, ce n'est pas un exploit, c'est le minimum requis pour une telle nation dominante et cette victoire contre la Suisse est normale.
Un XI de départ espagnol totalement inattendu
Il a fallu relire plusieurs fois la composition de départ, de crainte que l'horaire matinal ne trahisse la vue du XI espagnol.
Soutenu par la Fédération et par la presse madrilène depuis que 15 joueuses, dont une majorité du FC Barcelone, a réclamé davantage de professionnalisme au sein de la Roja au point de boycotter la sélection, Jorge Vilda a fait un volte-face des plus inattendus.
La gardienne Misa Rodríguez, la défenseure centrale Rocio Gálvez, la latérale gauche Olga Carmona, trois joueuses du Real Madrid, ont été priées de s'installer sur le banc après la déroute contre le Japon (4-0) et seule Teresa Abelleira a conservé sa place au milieu. Un sacré camouflet car Ona Battle, d'ordinaire latérale droite est passée à gauche, provoquant la titularisation d'Oihane Hernández qui évolue à l'Athletic. Dans le même temps, les Barcelonaises Alexia Putellas, en difficulté physique alors qu'elle revient d'une rupture des ligaments croisés, et Mariona Caldentey ont aussi fait les frais de cette rotation. Au coup d'envoi, Jenni Hermoso, d'habitude en pointe, a reculé au milieu tandis qu'Esther González, en fin de contrat au Real Madrid, a retrouvé sa place de 9 et Alba Redondo a été placée à droite, ce qui a déplacé Salma Paraluello, à droite contre la Japon, sur le flanc gauche de l'attaque. De quoi mettre en perspective son protagonisme au sein de son groupe et de son staff...
Une bourde au milieu d'un festival offensif
Face à la Suisse qui n'avait encaissé aucun but lors de la phase de groupe, c'était du quitte ou double pour le sélectionneur alors que l'Espagne n'avait jamais remporté de match à élimination directe dans une grande compétition internationale, une incongruité vu le niveau de ses clubs, à commencer par le FC Barcelone, champion d'Europe en titre.
Le verrou a sauté au bout de 5 minutes, grâce à un but de Bonmatí, qui s'est mise sur pied gauche après avoir passé le ballon derrière sa jambe d'appui pour ajuster Gaëlle Thalmann qui évolue au Betis. Pour la Nati, ça ne pouvait pas plus mal commencer mais le destin a donné un coup de pouce aux Suissesses. La portière Cata Coll, attendue comme la référence au poste mais victime d'une grave blessure au genou en décembre 2020 qui a ralenti sa progression, a vécu sa première sélection avec les A alors qu'elle est remplaçante au Barça. Sa coéquipière Laia Codina, tout aussi remplaçante en Catalogne qu'inexpérimentée à ce niveau de la compétition, a commis une bourde énorme sur une passe en retrait qui a fini au fond des filets, à l'image de Pedri et Unai Simón contre la Croatie lors de l'Euro en 2021 (11e).
Sans conséquence pour l'Espagne. À la 17e minute, Battle est rentrée sur son pied pour chercher la tête de Bonmatí. Si "Queen B" n'a pu rabattre le ballon, Redondo, seule au second poteau, a bien suivi pour smasher sa tête avec un rebond pour placer la balle hors d'atteinte (17e).
Totalement submergée, à l'image d'Ana Maria Crnogorcevic, qui sortira à la pause sans pouvoir prendre en défaut ses coéquipières du Barça, la Suisse n'a jamais inquiété Coll pendant plus de 50 minutes, jusqu'à ce que la Dijonnaise Meriame Terchoun, au terme d'une séquence en une touche spectaculaire, ne trouve les gants de la Majorquine.
À cet instant, la Roja menait déjà 4-1. Bonmatí, qui avait déjà frôlé le doublé, a signé l'un des buts de cette Coupe du monde à la 36e minutes : grâce à un crochet ravageur, elle a mis toute la défense suisse dans le vent avant de conclure une nouvelle fois du gauche. Une droitière qui se procure 4 occasions de but du gauche et en met deux au fond, cela donne une bonne idée de son niveau technique.
Malheureuse, forcément hésitante, Codina s'est vengée d'elle-même en étant à la réception d'un corner d'Abelleira, dont la qualité sur les coups de pied arrêtés n'a pas été démentie lors de ce 1/8 de finale.
Des changements qui interrogent sur Vilda
Vu le contexte, l'information n'est pas anodine. À la 64e minute, il n'y avait plus de joueuses du Real Madrid sur la pelouse et ce n'est pas anecdotique au regard de la dernière année écoulée. Abelleira et González sont sorties, remplacées par Eva Navarro de l'Atlético de Madrid et María Pérez, une cadre du Barça... B.
Autrice du 5e but, un bel enroulé du gauche (70e), Hermoso est sortie en compagnie de Bonmatí, remplacées par Irene Guerrero (Atlético) et Putellas. Il a fallu attendre la 84e minute pour voir une Madridista entrer, en l'occurrence Athenea del Castillo à la place de Paralluelo.
Cela ne relève pas de l'anecdote car, après cette qualification nette, Vilda pourra-t-il faire machine arrière pour le 1/4 de finale ? L'opposition sera tout autre puisque les Pays-Bas ou l'Afrique du Sud seront au programme. Le sélectionneur a perdu des appuis malgré une "goleada" historique.