En fin de cycle, l'Atlético de Madrid prévoit un remaniement après l'échec européen avec sa mise en vente
"Le fait que le Club Atlético de Madrid SAD soit en vente ne doit pas être une surprise. En revanche, ce sont les premiers chiffres estimés du montant de ce rachat qui sont inquiétants, puisqu'ils contribueront à un avant et un après." Le journaliste de Marca, Raúl Valera, ne se montre pas vraiment optimiste face à la situation dans laquelle se trouve le club madrilène en ce début de mois de novembre.
Au lendemain de l'élimination de l'Atlético de toute compétition européenne (la première sous l'ère Simeone), les rumeurs et les critiques vont de bon train. Vente du club, vente des joueurs au mercato hivernal, problèmes financiers, grève des ultras, soucis tactiques, démoralisation dans le vestiaire... Rien ne va plus chez les Colchoneros.
Déjà sur une pente descendante depuis l'obtention du championnat en 2020, les Matelassiers sont à l'aube du commencement d'un nouveau cycle et d'une refonte complète du club. Un mal pour un bien, presque souhaité par une bonne partie des supporters.
Une mise en vente de l'Atlético
Principal actionnaire de l'Atlético de Madrid depuis le départ de son père (1993), Miguel Angel Gil Marín ne cache plus sa volonté de vendre le club. Interrogé la semaine dernière par Pedro Morata sur sonora.com, il a répondu "sans aucun doute", lorsqu'on lui a demandé s'il avait l'intention de vendre ses actions.
"Ce que je dois faire, c'est terminer ce projet que j'ai commencé", a-t-il ajouté plus tard, en parlant de la nouvelle Ciudad del Deporte au Metropolitano, projet de construction d'un centre d'entraînement autour du stade de l'équipe première, à la manière de l'Etihad Campus de Manchester City. Les travaux pour rendre cela possible sont prévus pour 2023.
Des spéculations ont également émergé dans les journaux espagnols après qu'Enrique Cerezo, président du club et actionnaire de celui-ci, ait été vu le 21 octobre, en compagnie de Felix Bolaños, un homme politique et socialiste espagnol.
Le journal Voz Pópuli a notamment affirmé il y a quelques semaines que "Gil Marín sonde les banques d'investissement pour vendre l'Atlético de Madrid" dans les prochains mois, et qu'il a même contacté plusieurs institutions financières. La préparation d'un départ imminent pour les deux dirigeants, vivement critiqués par les Colchoneros depuis des années.
En effet, lorsque les deux hommes ont repris le club entre 1993 et 2004, Gil Marín a été reconnu coupable de fraude fiscale contre l'Atlético mais n'a pas été condamné à la prison parce qu'il n'avait pas de casier judiciaire à l'époque et que la peine était inférieure à deux ans. Plus tard, en 2011, l'Audience provinciale de Madrid a estimé qu'il avait commis une fraude en procédant à une augmentation de capital en 2003 afin de perpétuer la participation majoritaire de sa famille et d'Enrique Cerezo, alors que celle-ci avait été révoquée par l'Audience nationale.
L'évincement de Gil Marín et Enrique Cerezo
Un tel affront n'a pas plu aux supporters qui ont vu en leurs dirigeants des opportunistes et arrivistes s'enrichissant au détriment du club. Le journal Deportes Cuatro rapporte même que Gil Marín gagnerait plus que Florentino Pérez et Gérard Piqué réunis ces dernières années, avec un capital de plus de 150 millions d'euros, tandis que le club, lui, est dans le dur depuis deux ans.
"On sait que les dirigeants ont leurs propres intérêts financiers, tout va dans leur poche. Gil Marín reste jusqu'à la fin de la construction du complexe, juste pour s'enrichir encore plus", explique Antonio Sans, le président de la peña britannique de l'Atlético.
"Vous savez, nous sommes l'un des clubs les plus opaques lorsqu'il est question d'en savoir un peu plus sur les transferts, l'argent dépensé, les termes des contrats signés..."
En l'espace des dix derniers matchs de la saison, les Colchoneros n'en ont remporté que trois. La vente du club au plus offrant ferait donc quitter le navire aux dirigeants pendant qu'il coule, et mettrait fin à un cycle, celui qui dure depuis près de 30 ans. Reste à savoir si les dirigeants préféreront prioriser l'histoire de l'Atlético et veiller à ce que le nouvel actionnaire la respecte ou, au contraire, n'y verrait là qu'un intérêt économique de plus.
"Je pense que peu importe l'identité de celui qui achètera l'Atlético, ce sera toujours mieux que ce que nous avons actuellement. Du moment qu'il veut le meilleur pour le club."
Un Atlético à bout de souffle financièrement...
"Nos problèmes économiques sont nos problèmes et nous n'avons pas besoin que les journalistes sportifs s'en occupent", s'est plaint Enrique Cerezo, interviewé par Marca avant la rencontre face à Porto mardi dernier.
De ce fait, en refusant de parler ouvertement de la crise que traverse l'Atlético, le dirigeant s'est tiré une balle dans le pied. Les difficultés financières du club sont un secret de polichinelle. Et plus l'écart se creuse en Liga, comme sur la scène européenne avec les autres clubs et plus l'aspect financier des Madrilènes est questionné.
Déjà endetté depuis des années par la construction du Wanda -nouvellement Civitas- Metropolitano, l'Atlético a enchaîné les pertes pendant la pandémie du Covid-19, et n'a pas fini de rembourser non plus, certains transferts de ses joueurs. Résultat, plus de la moitié de la vente du club (environ 700 millions d'euros), servira surtont à éponger ces dettes.
N'ayant pas obtenu le bonus nécessaire en se faisant éjecter de la Ligue des champions, et de l'Europa, l'Atlético devra forcément vendre en janvier. Aucun joueur n'est à l'abri et on commence déjà à parler du départ de Joao Félix, ou même celui de Yannick Carrasco pour enfoncer le clou. Et quand la situation économique d'un club est catastrophique... Le sportif s'en ressent forcément.
.... et sportivement
"Nous traversons une période difficile. Le groupe est foutu, l'équipe est foutue. Je ne trouve pas d'explication à ce qui s'est passé, à ce qui nous est arrivé lors des derniers matchs." Mardi dernier, après la rencontre perdue 2-1 à Porto, José Maria Gimenez n'a pas su cacher son désespoir. Et pour cause, l'Atlético de Diego Simeone n'a jamais démontré autant de faiblesses dans son jeu, et aussi peu d'envie sur un terrain de football.
En 6 matchs de Ligue de champions, l'Atlético n'est parvenu à n'en gagner qu'un et à marquer 3 buts. Troisièmes en Liga, les Colchoneros limitent la casse mais se voilent la face. Aucune profondeur de jeu n'est à dénoter, les joueurs ne s'impliquent plus comme avant dans les rencontres, et les erreurs défensives à répétition ouvrent le chemin à toutes les attaques du championnat vers le but de Jan Oblak.
Les défenseurs sont moins à l'aise qu'avant et leurs erreurs sont directement utilisées par les adversaires, quitte à les rendre ridicules. Axel Witsel, recruté cet été pour jouer au milieu de terrain a même été contraint de passer défenseur central à cause du manque d'efficacité de la charnière, ou bien du manque de joueurs tout court à ce poste. Un thème récurrent à l'Atlético puisque le club ne dispose pas de doublure ni à droite ni à gauche et force des ailiers à devenir latéraux, à l'image de Yannick Carrasco ou Marcos Llorente.
"Pour moi, c'est aussi un problème en interne. Les joueurs, le staff... tout le monde doit se rassembler et vider son sac. Quand on voit Antoine Griezmann, sa forme depuis qu'il est revenu, son implication dans le jeu... On a vraiment envie que cela s'applique à tous les joueurs, même si la Coupe du monde arrive et qu'il y a un risque de blessure."
Simeone in ou out ?
La question se pose à chaque méforme de l'Atlético mais récemment, elle a été sur toutes les bouches. Le tacticien argentin est en poste depuis 12 ans. Une longévité rare dans le football d'aujourd'hui et qui connaît ses premiers réels essoufflements. D'après les récentes déclarations d'Enrique Cerezo, Diego Simeone devrait rester au club. Ce qui partage les supporters.
"Quand je parle avec les autres fans clubs, certains sont vraiment pro-Simeone, mais certains aussi, pensent comme moi. Il ne trouve plus la solution. Il ne résout plus rien, n'a pas d'idées transcendantes. Et même maintenant, dans ce cas de figure, il a des différends avec Joao Félix... Ca affecte le vestiaire, et après ils échouent sur la scène européenne parce que leur meilleur joueur est sur le banc", explique Antonio Sans.
Le mécontentement est perceptible jusque chez les Ultras où la "Frente Atleti" demande une prise de conscience. Ce dimanche, lors du match contre l'Espanyol (1-1), ils ont fait "grève", en ne rentrant pas dans le stade avant la seconde période et n'ont absolument pas chanté durant la deuxième. Une action pas si habituelle que cela à l'Atlético.... Mais qui n'a pas eu l'effet escompté.
Diego Simeone a désormais un peu plus d'un mois de pause pour relancer son équipe en deuxième partie de saison. La tâche promet d'être difficile.