En surface, un record de médailles et de titres... mais en profondeur ?
Samedi soir, Althéa Laurin a été la dernière championne olympique française lors des JO de Paris. Son succès en taekwondo dans la catégorie des +67kg a permis de dépasser le nombre de titres obtenus à Atlanta en 1996. Une raison de célébrer la réussite tricolore qui demeure pourtant totalement incomparable avec les succès en Géorgie ainsi qu'avec le Japon quand Tokyo a accueilli les Jeux en 2021 et de la Grande-Bretagne à Londres en 2012.
Un bilan à fortement édulcorer
À Atlanta, la France avait obtenu 15 titres. À l'époque, il y avait 26 sports, 37 disciplines et 271 épreuves. À Paris, il y a eu 32 sports, 47 disciplines et 329 épreuves. Aux États-Unis, il y a eu trois titres en athlétisme, trois en judo, quatre en cyclisme sur piste, deux en escrime et un en tir et en cyclisme sur route. Il n'y en a eu que trois pour l'ensemble de ces 6 disciplines.
Par ailleurs, sur les 16 titres de 2024, 6 sont issus d'épreuves qui n'existaient pas à l'époque (BMX, taekwondo, surf, rugby à 7, triathlon, judo par équipes). Il y en a une 7e, l'omnium remporté par Benjamin Thomas, mais cette épreuve remplace la course aux points, remportée en 1996 chez les femmes par Nathalie Even-Lancien. Alors qu'à Atlanta, la natation n'avait rien ramené, la présence de Léon Marchand a changé beaucoup de choses dans le bilan total, exactement 25%. Dans les sports "traditionnels", la France n'a quasiment pas existé en 2024 et peut remercier les infrastructures US et Bob Bowman pour avoir permis au "Roi Léon" d'éclore au plus haut niveau. Et en VTT, c'est INEOS qui a offert un encadrement 5 étoiles à Pauline Ferrand-Prévot pour atteindre son Graal olympique.
Dirigée par Claude Onesta, l'Agence Nationale du Sport avait été créée pour mettre les sportifs et les fédérations dans les meilleures conditions pour performer et ramener des titres. En guise de comparaison, à Londres (26 sports, 40 disciplines et 302 épreuves), la Grande-Bretagne avait terminé troisième du classement des médailles avec 64 breloques, comme la France cette année, mais avec 29 titres et en présence de la Russie (66 médailles dont 19 titres). À Tokyo (33 sports, 50 disciplines, 339 épreuves), dans un contexte de pandémie mondiale qui a repoussé d'un an la tenue des JO, le Japon a également terminé 3e avec 58 médailles dont 27 titres et sans présence "officielle" de la Russie mais avec une délégation sous bannière neutre autorisée à concourir qui a pris 71 médailles dont 20 titres. Il n'y a pas photo.
Aucune surprise, beaucoup de fiascos
Autre point noir du bilan français : le nombre de finales remportées. L'ANS devait contribuer à aider mentalement les athlètes à performer, voire à sur-performer. En pourcentage, il s'agit du pire bilan tricolore depuis 1992 : 6 victoires sur 15. Certes, à l'impossible nul n'est tenu et battre les États-Unis en finale du basket ou la Corée du Sud en tir à l'arc aurait relevé de l'exploit monumental Pour autant, le judo féminin a clairement sous-performé, l'escrime et la boxe aussi en dépit de résultats globaux tout à fait acceptables. Il est d'ailleurs surprenant de constater que lors de la finale 100% bleu en sabre féminin c'est l'outsider Manon Apithy-Brunet (qui a quitté l'INSEP pour travailler avec son mari Boladé Apithy avec Maître Christian Bauer à Orléans) qui a battu la favorite Sara Balzer...
Si on regarde dans le détail, quel est le vrai bilan de l'ANS ? Des sports professionnels et/ou déjà bien en place et accompagnés par leur fédération (volley masculin, handball, judo, basket, basket 3x3, rugby à 7, cyclisme) n'avait pas besoin d'une contribution au développement pour marcher. Idem pour les frères Lebrun qui évoluent dans une structure familiale qui fonctionne comme une entreprise. En revanche, on serait bien curieux de savoir ce qui a pu se passer en escrime avec des tireurs qui ont quitté la structure fédérale pour rallier une privée ainsi qu'en cyclisme sur piste, en athlétisme, en aviron et en gymnastique, véritables fiascos.
En 2022, selon son site officiel, l'ANS a bénéficié d'un budget de 451,2M€ divisé en trois : 118M€ pour la haute performance (+19.8% par rapport à 2021), 321,7M€ pour le développement des pratiques (+22.8%) et 11,3M€ pour les frais de structure (+22%). L'ANS a été créée en 2019, "un temps court pour engager le sport français dans une transformation structurelle inédite" comme l'indique le site, ce qui ne peut être démenti car si les JO ont été attribués en 2017, il était acquis depuis bien longtemps que Paris aurait 2024 et Los Angeles 2028.
L'analyse à froid est cinglante : avec un budget global aux environs de 2 milliards d'euros et des titres "attendus" (ou "budgétés" pour reprendre le terme à la mode), le compte n'y est pas du tout. En l'espèce, il n'y a pas eu de "dépassement de fonction" et, c'est très cruel, le nombre de contre-performances, même avec une médaille au bout, a été conséquent. Dans les colonnes de L'Equipe, Onesta a estimé ce nombre à 14, soit quasiment l'équivalent des titres remportés. De quoi être interrogatif quant à son propre rôle, sachant qu'il y a eu de la friture sur la ligne avec les Directeurs Techniques Nationaux quant à la répartition des budgets et à la gérance de l'ancien sélectionneur de l'Equipe de France masculine de handball.
Alors que la Grande-Bretagne a terminé 2e du tableau des médailles en 2016 avec 67 médailles dont 27 titres à Rio puis 4e avec 65 médailles dont 22 en or à Tokyo et que le Japon vient d'achever les JO de Paris à la 3e position avec 45 médailles dont 20 titres, la France a 4 ans devant elle pour poursuivre ses efforts et se maintenir dans le Top 5. De quoi mettre en valeur un bilan 2024 honorable mais qui, dans le détail, reste très mitigé.