Erik Zabel, le maître de l'ère moderne de Milan - San Remo
Voilà sept ans que Milan - San Remo ne s'est plus conclu sur un sprint massif. La dernière fois, c'était en 2016 et la victoire d'un certain Arnaud Démare. Mais pendant une vingtaine d'années auparavant, les grosses cuisses dominaient le seul Monument du cyclisme que peut ambitionner de remporter un sprinter. Et seuls deux d'entre eux ont levé les bras plus d'une fois. Seulement, si Oscar Freire a mis 7 éditions pour amasser trois succès, Erik Zabel a lui raflé quatre fois la mise en cinq ans.
La renommée française
Quand on pense Erik Zabel, on pense Tour de France. Et on a raison. Car l'Allemand est une des figures marquantes de l'ère moderne. Pendant six éditions, de 1996 à 2001, l'Allemand va rallier Paris avec le maillot vert sur les épaules. Une performance jamais réalisée. Certes, Peter Sagan a depuis battu son record en remportant le classement par points à sept reprises, mais six fois d'affilée, c'est une performance qu'on n'est pas près de revoir.
Longtemps, il a été vanté que l'Allemand ramenait le maillot vert parce que contrairement à son grand rival de l'époque, Mario Cipollini, il était en mesure de sortir indemne des étapes montagneuses. Comme si c'était sa faute si le Transalpin abandonnait dès que la route s'élevait... Zabel a prouvé sa valeur en remportant autant d'étapes sur la Grande Boucle (12) que l'Italien ou encore Robbie McEwen. Dans l'ère moderne, seul Marcel Kittel et bien évidemment Mark Cavendish ont fait mieux.
Mais Erik Zabel, c'était aussi un collectionneur de classiques, n'en déplaise à ceux qui voulaient le ranger dans la case "sprinter exclusif". S'il a raflé l'Amstel Gold Race, et trois fois Paris-Tours, on oublie souvent qu'il est monté sur la troisième marche du podium à Paris-Roubaix. Sans oublier trois médailles aux Championnats du monde. Pas mal pour un coureur qui ne fait que les 200 derniers mètres.
La valeur étalon de la Primavera
Mais hormis le Tour de France, l'autre grand rendez-vous de la saison d'Erik Zabel, c'était Milan - San Remo. La Primavera. Après plusieurs années de domination des punchers, c'est lui qui, en 1997, va ramener la course dans l'escarcelles des grosses cuisses. Pourquoi ? Parce que lui était capable de tenir le choc dans la Cipressa et le Poggio, là où nombre d'attaques décisives ont été lancées depuis la création de ce Monument du cyclisme.
Ainsi, lors de ses deux premiers succès, en 1997 et 1998, il sera le seul sprinter à franchir les bosses. Il arrivera accompagné de grands puncheurs (Michele Bartoli, Rolf Sorensen, Peter Van Petegem, Frédéric Moncassin), mais sur une arrivée plate, aucune chance pour eux de faire quoi que ce soit.
Une caractéristique qui forcera ses rivaux sprinters à s'adapter et à travailler pour passer en tête les bosses. Être un sprinter exclusif, c'est bien sur les grands tours mais, pour les classiques, c'est un peu court. Ainsi, lors des succès en 2000 et 2001, la crème du sprint se mesurera à l'Allemand sur la Via Roma. Fabio Baldato, Oscar Freire, Roman Vainsteins et bien entendu Cipollini : tous vont passer à la moulinette de Zabel.
Si Eddy Merckx est le recordman de victoires avec 7 succès, Erik Zabel est passé à deux mètres d'un exploit monumental. Car comme précisé auparavant, il a raflé quatre triomphes en cinq ans. Et le cinquième lui a échappé de justesse. Et lui échappera encore.
1999 et 2004, les félûres
Intouchable, Erik Zabel remportera même le sprint sur Milan-San Remo en 1999. Problème, il y avait quelqu'un devant. Un certain Andreï Tchmil, qui, alors que tous les attaquants du Poggio et de la descente avaient été repris, a tenté le rêve de tout finisseur : le coup du kilomètre. Sauf que lui l'a réussi.
Ainsi, le rêve de triplé d'Erik Zabel a pris fin d'extrême justesse. Ce qui aurait été un immense exploit. En effet, personne, pas même le grand Eddy Merckx, n'a remporté trois fois d'affilée la Primavera. La trace de Zabel dans l'histoire aurait donc pu être infiniment plus grande sans ces quelques mètres.
2002 et 2003 seront des années en dedans. Mais en 2004, Zabel est de retour et son équipe aussi. La course est contrôlée, les attaquants du Poggio repris, tout allait pour le mieux. Lancé impeccablement par son équipe, l'Allemand déboule sur la Via Roma et lève les bras.
Problème, il les a levés trop tôt. Et Oscar Freire triomphe enfin sur Milan San Remo, récompensé pour avoir jeté véritablement son vélo sur la ligne. Une des principales tâches dans la carrière de Zabel. Indélébile.
Mais quoi qu'il en soit, Erik Zabel a montré le chemin. Après des années de domination des punchers, il a remis les sprinters sur le devant de la scène sur les monuments. Et plus les grands noms viennent sur ce genre de courses, plus la concurrence est féroce. Aujourd'hui, Milan - San Remo est redevenu l'apanage de coureurs complets, explosifs et rapides au sprint. Mais aucun ne semble en mesure de rééditer une telle domination.