L'escrime française en plein "scénario de film catastrophe" à quelques mois des JO
La crise pointe à tous les étages : sur la piste que Thibus, championne du monde de fleuret (2022), aura du mal à fouler ; dans l'encadrement, avec le départ de Hugues Obry, troisième entraîneur à prendre la porte en moins d'un an ; à son sommet où l'ancien président, Bruno Gares, fait l'objet d'un signalement au procureur de la République pour soupçon de malversation.
Suspendue depuis le 8 février après un contrôle positif à l'ostarine – classée parmi les agents anabolisants – Thibus (32 ans) espère prouver une contamination, ce qui pourrait sauver sa présence lors des Jeux à Paris (26 juillet - 11 août).
Ce dossier est néanmoins un coup de massue pour l'escrime française, déjà exposée à des mois de fronde de ses têtes d'affiche, le champion olympique Romain Cannone en tête, qui ont conduit à la démission d'Obry à la tête de l'épée masculine. Son adjoint Gauthier Grumier le remplace, a indiqué vendredi à l'AFP la Fédération.
Avec le départ d'Obry, la FFE renonce à son entraîneur emblématique, qu'elle avait rapatrié à grands frais de Chine grâce aux crédits de l'Agence nationale du sport pour briller sous le dôme du Grand palais.
L'épisode intervient seulement cinq mois après la décision de maintenir Obry, à l'issue du débriefing houleux des Mondiaux de Milan, où le bilan a été en deçà des espérances (6 médailles) l'été dernier. Une "vraie cassure", selon un proche des acteurs.
"Crise fédérale inédite"
Des mois d'atermoiements liés à "une crise fédérale inédite et quasiment un scénario de film catastrophe", selon un membre du comité directeur proche de l'opposition, qui fait référence notamment à la démission inattendue, à la tête de la fédération, de Bruno Gares.
L'ancien président assure avoir quitté l'instance pour des "raisons personnelles". Brigitte Saint-Bonnet, nommée après son départ, pointe elle "des éléments apportés par le trésorier (de la fédération) sur un fonctionnement de dépenses" le concernant, selon des propos rapportés par 20minutes.
Brigitte Saint-Bonnet estime à "environ 10 000 euros" les "frais ne correspondant pas à la mission" de Bruno Gares dans un projet de procès-verbal du comité directeur du 2 décembre, cité par le quotidien et consulté par l'AFP.
"Des erreurs administratives ont été commises involontairement", se justifie Bruno Gares, auprès de l'AFP, jugeant cette somme "totalement fantasque". Les 10 000 euros évoqués représentent "la totalité de mes frais", ajoute-t-il, en précisant que "les sommes dues ont été remboursées" à la FFE.
À la suite d'un signalement, la Fédération faisait l'objet depuis plusieurs mois d'une mission de contrôle de l'inspection générale (IGESR) du ministère des Sports. Celle-ci s'en est remise au procureur de la République pour des faits concernant l'ex-président au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, a indiqué à l'AFP une source proche de la Fédération.
Six armes, trois départs
Comme si cela ne suffisait pas, du côté de l'encadrement, le départ d'Obry est loin d'être le seul : des six armes, la moitié ont changé de patron en un an. Le manager général des sabreurs, Vincent Anstett, a été évincé en mai avant d'être embauché par l'Égypte. À la rentrée, les deux meilleurs sabreurs tricolores, Maxime Pianfetti et Sébastien Patrice, ont cependant choisi de continuer à s'entraîner avec lui.
Cinq mois plus tard, la Fédération refuse toujours que Vincent Anstett les coache en compétition. "Ça ne bougera pas d'ici les Jeux", prévient le vice-président Grégory Lafon, interrogé par l'AFP. "On ne peut pas être entraîneur national de l'Egypte et coacher par ailleurs des tireurs français."
Autre départ entretemps, le patron du fleuret féminin Lionel Plumenail, en argent à Milan. Dans le millefeuille du haut niveau, en plus du directeur des équipes de France, existe un poste de directeur de la haute performance, occupé par Frantz Philippe, en arrêt de travail depuis qu'en septembre une rupture conventionnelle lui a été proposée.
À l'épée, après le départ d'Obry, les tensions peuvent-elles s'apaiser ? Romain Cannone et Alexandre Bardenet, qui s'entrainent principalement dans leur club depuis la rentrée, doivent, par exemple, partir à leurs frais pour le Grand Prix de Budapest le week-end prochain.
"Ce n'est pas une sanction du tout de la part de la Fédération", assure Grégory Lafon. "Entre deux et quatre tireurs sont pris en charge à chaque compétition et ça tourne."