"Il n'y avait plus cette étincelle" loin des Bleues, raconte Amandine Henry
"Il m'a redonné confiance" quand "j'étais dans le trou", raconte l'ex-capitaine dans un entretien à l'AFP à un mois de la Coupe du monde cup (20 juillet-20 août).
Q : Quelle a été votre première réaction en entendant votre nom dans la liste pour le Mondial après deux ans et demi d'absence ?
R : "Cela a été une grande fierté. Je me suis dit ça y est, enfin ! J'étais super heureuse. Revenir ici, ça a été émouvant parce que ça fait presque trois ans... Il s'est passé beaucoup de choses."
Q : Cette longue absence, que vous a-t-elle apporté mentalement ?
R : "J'ai appris qu'on pouvait être en haut de l'affiche puis tout en bas du jour au lendemain, que rien n'est acquis, qu'il faut se remettre en question. Mais aussi qu'il ne faut jamais baisser les bras parce que tout peut arriver."
Q : Avez-vous perdu espoir ?
R : "Oui, forcément. Je m'étais résignée. Je me suis dit 'C'est comme ça, c'est la vie'. J'ai souffert. Je me posais des questions. Est-ce que je suis encore au niveau ? Est-ce que je ne ferais pas mieux d'arrêter ma carrière ? Qu'est-ce que je vais faire après ? Gagner avec les Bleues, c'était l'un de mes rêves. Il fallait trouver un autre rêve. C'était aussi une déception pour moi de me dire que j'allais peut-être terminer ma carrière comme ça."
Q : Vous avez vraiment songé à raccrocher les crampons ?
R : "Oui. L'équipe de France, c'est ce qui t'anime au quotidien. Il y a le club, le championnat, mais cela fait 16 ans que je joue en D1... À un moment donné, c'est vrai qu'il n'y avait plus cette étincelle. C'est là que tu te dis 'Est-ce qu'il n'est pas temps (d'arrêter) ?'. J'ai eu la chance d'avoir mes proches, mes amis, ma famille, mon copain qui m'ont aidée à traverser cette période. J'ai fait appel aussi à un préparateur mental car ce n'était pas facile. Et, au fur et à mesure, on reprend goût. Ce sont des petites choses du quotidien : reprendre goût à aller à l'entraînement, à gagner des matches, à te faire mal, à être en équipe."
Q : L'arrivée d'Hervé Renard vous a-t-elle aidée à retrouver cette étincelle ?
R : "C'est là que j'ai eu le déclic. Avec un nouveau sélectionneur, c'était le moment ou jamais. Si je ne revenais pas là, je ne serais jamais revenue. Je me suis dit que c'était une chance à saisir. Quand on a eu nos premiers contacts, il m'a redonné confiance. Et, quand un coach te donne sa confiance, tu as envie de mourir sur le terrain pour lui. C'est un coach qui a envie, et ça, ça change tout."
Q : Il vous avait invitée en tribunes dès son premier match en avril. Qu'est-ce que cela a éveillé en vous ?
R : "On peut croire que c'est un petit truc, assister à un match... Mais pour moi, c'était énorme parce que j'étais dans le trou. Cela a été comme une lueur d'espoir, c'était super pour moi. Même si je n'avais pas été dans la liste au final, c'était déjà une marque de confiance, un signe qu'il me donnait ma chance."
Q : Vous étiez l'une des premières à avoir évoqué publiquement les dysfonctionnements en équipe de France sous la houlette de Corinne Diacre, ce qui a pu vous coûter votre place. Mais, il aura fallu près de trois ans pour que d'autres joueuses prennent à leur tour la parole. Y a-t-il une part de regret par rapport à cette situation ?
R : "Non, il ne faut jamais regretter dans la vie. Il faut assumer. J'ai fait le choix de parler, je l'ai assumé, et ça n'a pas été facile... Mais je pense que c'était nécessaire. Il a fallu du temps, oui, mais ce sont des décisions difficiles à prendre. On a vu les dégâts que ça a pu faire quand j'ai commencé à parler (rires) ! Je comprends que ça ait pu effrayer."
Q : Vous n'avez pas joué depuis mars après un différend avec Lyon, dans l'attente de votre signature à Angel City (USA). Regrettez-vous cet épilogue ?
R : "Il faut tout assumer dans la vie. Déjà, j'ai eu une alerte au niveau du genou, ça aurait pu être pire, j'aurais pu me faire les ligaments croisés et finir ma carrière dessus. J'ai de la chance d'être sélectionnée, de pouvoir potentiellement faire une Coupe du monde. Je me dis que tout ça n'est pas arrivé par hasard."
Propos recueillis par Antoine MAIGNAN