16 juin 1984 : France-Belgique, le cauchemar de Jean-Marie Pfaff
Si on vous dit "gardien de football belge", le premier nom qui sortira de votre bouche sera Thibaut Courtois. Mais il n'est que le dernier descendant d'une longue lignée, tant le Plat Pays a produit des portiers d'exception. Michel Preud'homme, Gilbert Bodart, Filip De Wilde, Geert De Vlieger, c'est une spécialité avec autant de grands noms. Mais dans les années 80, il n'y en avait qu'un seul devant tous les autres : Jean-Marie Pfaff.
Car on parle d'un temps que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître : la période avant l'arrêt Bosman, rendu en 1995. Ainsi, les clubs ne pouvaient posséder dans leur effectif que 3 joueurs étrangers au maximum. Ce qui signifie que quand une équipe mise sur un joueur d'une autre nationalité, mieux vaut ne pas se tromper. Ce qui n'empêchera pas le portier de signer en 1982 chez un des clubs les plus puissants du continent européen : le Bayern Munich.
Il faut dire que Pfaff sort d'une Coupe du monde durant laquelle il n'a encaissé qu'un but en trois matchs, avant d'être mis de côté pour une histoire de soirée trop arrosée pour laquelle il a été le seul à payer les pots cassés, et de voir la Belgique prendre 4 buts en deux rencontres et dire adieu à ses rêves de dernier carré. Le Bayern le signera en toute connaissance de cause, trop désireux de mettre fin à trois ans de disette d'un portier de gros calibre après la retraite du légendaire Sepp Maier. Il devient tout simplement le premier portier étranger de l'histoire du club.
Et c'est en temps que portier du Bayern qu'il attaque l'Euro 1984, au sein d'une équipe de Belgique ambitieuse vu l'effectif, et qui terminera 4e de la Coupe du monde deux ans plus tard (battue dans le match pour la 3e place par... la France). Premier match de qualité, clean sheet et victoire sur la Yougoslavie, ça part bien pour les Diables Rouges. Mais ça, c'était avant de croiser la route des Bleus.
4 minutes pour prendre un premier but de Michel Platini sans rien pouvoir faire, étant au sol après avoir plongé en vain sur un coup franc sur la barre de Battiston, sa défense regardant Platoche sans intervenir. Voilà qui donnera le ton d'une partie durant laquelle il sera abandonné par les siens. Un une-deux confondant de simplicité voit Alain Giresse l'aligner, avant une faute de marquage qui voit Luis Fernandez inscrire le but le plus facile de sa carrière de la tête.
3-0 à la pause, le match est déjà plié. Vraiment ? Non, les Bleus ne sont pas de ceux qui gèrent, et continuent d'acculer la Belgique. Pfaff, lui, fait office de phare; repoussant toutes les offensives, jusqu'à craquer et concéder un pénalty que Platini se fait une joie de convertir, avant de saler la note une dernière fois sur une énième erreur de marquage : comment peut-on laisser le Ballon d'Or seul à l'entrée de la surface de réparation sur coup de pied arrêté ?
Un cauchemar, pour la Belgique bien sûr, dont les faillites défensives ont été exposées en mondovision, ce qui leur vaudra de se faire perforer trois fois par le Danemark au dernier match de poule et de rater les demies, alors que les Diables Rouges étaient tout simplement finalistes en titre : quatre ans en arrière, les demi-finales n'étaient pas instaurées, mais ils étaient sortis indemnes d'un groupe avec l'Angleterre, l'Italie et l'Espagne, une performance monstrueuse, avec un Pfaff dans les buts déjà au sommet de son art.
Depuis, ils n'ont plus jamais atteint le dernier carré d'un Euro. Et si le portier belge, premier a remporter le titre de "Meilleur gardien de l'année" de l'International Federation of Football History & Statistics en 1987, a grandement contribué à la 4e place de la Belgique en 1986, cet Euro raté reste une tâche indélébile. D'ailleurs, lors de cette Coupe du monde mexicaine, la France collera un 4-2 aux Belges dans le match pour la troisième place. Ainsi, en 64 sélections avec l'équipe nationale, il n'aura encaissé que deux fois plus de trois buts... deux fois contre les Bleus de Platini. Cauchemar.