Exclu' - Capdevila : "En 2008, nous étions critiqués et 20 jours plus tard, nous avons fait la fête"
Question : Bonjour Joan, après une carrière aussi remplie, que faites-vous aujourd'hui ?
Réponse : Pour situer le contexte, cela fait quelques années que je m'occupe des relations sportives institutionnelles de l'Espanyol. En réalité, je suis très heureux de l'opportunité que le club m'a donnée de continuer à être lié au monde du football. J'aime beaucoup apporter ma contribution à ce club et j'essaye d'atteindre l'objectif qui a été fixé cette année, qui est pour nous de revenir en Liga.
Q : Comment analysez-vous le match contre Oviedo après avoir remporté la demi-finale (playoffs de deuxième division espagnole) contre le Sporting ?
R : Difficile… Aujourd'hui dans le football tout est difficile. Comme nous ne pouvons pas accéder directement aux deux premières places, nous avons été obligés de passer par le chemin le plus long, à savoir les éliminatoires. Nous avons surmonté un match très difficile, très compliqué, contre une grande équipe comme le Sporting Gijon. Contre Oviedo, ce sera tout aussi compliqué, tout aussi difficile et nous sommes plus proches de notre objectif. Nous ne sommes plus qu'à un pas de l'objectif et nous voulons l'atteindre, bien sûr.
Q : En ce qui concerne les sélections, l'Euro commence ce soir (l'interview a été faite ce vendredi 14 juin). Quels souvenirs gardez-vous de cette année 2008 où l'Espagne a connu la gloire ?
R : On peut aussi dire que c'était il y a longtemps, c'est assez lointain maintenant. En tout cas, je me sens privilégié d'avoir été dans ce groupe, dans ce vestiaire. J'aimerais surtout me souvenir de ce que nous avons vécu là-bas, de ce que nous avons apprécié pendant cette vingtaine de jours. C'était un tournoi que personne ne s'attendait à ce que nous gagnions, c'était inattendu. C'est un tournoi que j'ai beaucoup apprécié, tant sur le terrain qu'en dehors.
Q : Quelle a été l'importance du quart de finale contre l'Italie, compte tenu de la taille de l'adversaire, du fait que l'Espagne a surmonté la barrière psychologique des quarts de finale ? Quelle influence a-t-elle eue sur la victoire final au Championnat d'Europe et sur les succès qui ont suivi, comme la Coupe du monde en Afrique du Sud et l'Euro 2012 ?
R : Eh bien, cela a été essentiel, c'était fondamental. Je pense que Luis Aragones nous préparait pour ce moment, pour avoir la capacité de surmonter cette barrière psychologique et il l'a fait. Il nous a convaincus dès le premier instant que nous pouvions gagner ce Championnat d'Europe, et lorsque tout s'est joué sur la séance de tirs au but face à l'Italie, nous étions très bien préparés mentalement à franchir cette étape importante.
Je dis toujours que le fait d'avoir franchi l'obstacle des quarts de finale contre l'Italie a donné à l'équipe le sentiment de passer à l'âge adulte, que nous pouvons rivaliser face aux meilleurs. Cela s'est vu, car la demi-finale contre la Russie a été, je pense, l'un des meilleurs matches de football que j'ai jamais vus sur un terrain de football.
Q : Quels souvenirs gardez-vous de la finale contre l'Allemagne ?
R : Brutale ! C'est vrai que c'était une nouveauté pour nous de jouer une finale de Championnat d'Europe, aucun d'entre nous n'avait jamais joué un tel match dans un tournoi aussi important. Je me souviens qu'au début, nous étions un peu craintifs… De là à avoir peur ? Je ne sais pas, mais l'Allemagne a eu deux occasions franches… Petit à petit, nous nous sommes installés dans le match et à la 33ᵉ minute, lorsque Fernando (Torres) a marqué le 1-0, nous avons compris que nous avions une réelle chance de gagner. Et, heureusement, nous l'avons fait.
Q : Et puis il y a eu la Coupe du monde en Afrique du Sud, 14 ans plus tard, êtes-vous toujours conscient d'être entré dans l'histoire ou est-ce encore difficile à assimiler ?
R : Non, en fait, on nous le rappelle encore parce que pour l'instant, nous n'avons qu'une seule Coupe du monde. J'espère qu'il y en aura une autre à l'avenir, mais pour l'instant, nous n'en avons qu'une et elle est encore dans les mémoires. Le temps passe, évidemment, on ne peut pas vivre dans le passé et encore moins dans le football, mais bien sûr, nous l'avons en mémoire.
Q : L'Euro commence maintenant en Allemagne. L'Espagne a un groupe compliqué avec l'Italie, la Croatie et l'Albanie...
R : L'Espagne a montré de l'enthousiasme, ce qui est essentiel, et nous attendons avec impatience ce premier match contre la Croatie, qui va plus ou moins déterminer les ressentis que nous pouvons avoir jusqu'ici. Je pense que le premier match, en théorie, doit être déterminant. Lors du premier match de l'Euro 2008, nous avons battu la Russie 4-1 et cela a été très important pour la confiance des joueurs. Je suis donc certain que nous aurons de bonnes sensations contre la Croatie, qui est à mon avis l'une des meilleures équipes de l'Euro.
Q : L'Espagne est dans une bonne période, après avoir remporté la Ligue des nations aux tirs au but contre la Croatie, elle arrive avec des joueurs confirmés, peut-être les meilleurs à leur poste, comme Rodri à Manchester City ou Carvajal au Real Madrid, et aussi avec d'autres joueurs qui sont remis en question, mais qui ont de belles statistiques en sélection, comme Morata et Ferran Torres. Pensez-vous que le supporter espagnol moyen n'apprécie pas le potentiel de cette Espagne ?
R. Nous sommes comme ça, nous nous plaignons toujours de tout. Si Morata et Ferran n'étaient pas là, il y en aurait d'autres et ils seraient également critiqués. Nous ne devons pas prêter attention à cela. Je me souviens aussi qu'en 2008, nous avons été beaucoup critiqués avant le Championnat d'Europe. Nous étions les pires et 20 jours plus tard, nous étions tous dans la rue pour faire la fête. Je pense que c'est le football, il faut laisser l'équipe nationale travailler. Il est vrai qu'une seule équipe va gagner, mais ce n'est pas parce qu'une seule est championne que les autres ont échoué. Nous verrons comment ce tournoi évolue, mais j'ai pleinement confiance en tous ceux qui sont ici. Certains ont été mis de côté, il n'y a pas de place pour tous, mais il faut leur donner confiance. Je suis convaincu que si c'était le cas, si nous gagnions le Championnat d'Europe, personne ne se souviendrait de l'état actuel de certains joueurs.
Q : Je voulais aussi vous poser une question sur votre poste, celui d'arrière gauche. C'est vrai que nous avons deux grands joueurs, Grimaldo, qui a fait une grande saison à Leverkusen, et Cucurella. Mais ce poste semble maudit, car Alejandro Balde et José Luis Gaya sont tous deux blessés. Comment voyez-vous le poste de latéral gauche en équipe nationale ?
R : Au moins, nous savons que c'est un poste très exigeant, car les latéraux doivent beaucoup courir sur le terrain. Pour ceux qui sont absents, je leur souhaite un prompt rétablissement, parce qu'au bout du compte, c'est très pénible de ne pas pouvoir jouer dans un tournoi comme celui-ci. Je suis Grimaldo depuis longtemps et je l'aime bien parce qu'il sait tout faire offensivement. Et Cucurella a beaucoup progressé à Chelsea. Pour moi, nous avons deux grands joueurs au poste d'arrière gauche, malgré les absences. Avec eux, nous ne pouvons pas nous tromper.
Q : Pour en revenir aux clubs, comment avez-vous vécu le retour du Deportivo de La Corogne dans le football professionnel ?
R : C'était très attendu, c'est une grande joie. En vérité, j'ai beaucoup d'amis à La Corogne. Je pense que c'est une ville qui aime beaucoup le football. J'attendais ce moment. Petit à petit, ils se sont remis de ces années d'absence du football professionnel et, heureusement, ils sont de retour. D'un point de vue personnel, je suis très heureux, car j'ai passé sept années merveilleuses à La Corogne. Et bien sûr, je souhaite toujours que le Deportivo réussisse.
Q : Villarreal est une autre équipe avec laquelle vous travaillez depuis longtemps. L'année a été un peu abrupte, sans victoire en Liga malgré le sprint final et avec ce match retour contre Marseille en Europe...
R. Je vous parle de loin parce que je n'étais pas là pour suivre ça de près. Selon moi, c'était une saison en dents de scie, avec beaucoup de hauts et de bas. Mais pour autant que je puisse en juger, la saison a été sauvée avec dignité. Parfois, il est bon de pouvoir rectifier les choses à temps. Je pense qu'ils ont réussi à surmonter les difficultés rencontrées au cours de cette longue saison. Villarreal fait partie de l'élite depuis de nombreuses années et travaille très bien sur un projet qui dure et a récemment remporté l'Europa League. J'espère que l'année prochaine, ils travailleront pour revenir en Europe.
Q : Vous avez passé une saison à l'Atlético de Madrid, comment évaluez-vous leur année ?
R : J'ai beaucoup d'affection pour toutes les équipes dans lesquelles je suis passé. L'Atlético essaie toujours de se battre avec le Barça et le Real Madrid et c'est compliqué, car ce sont deux monstres du football espagnol. Je pense qu'avec "El Cholo", l'équipe a fait de très bonnes saisons et qu'elle se battra bientôt à nouveau pour la Ligue des champions, ce qui est, je pense, son objectif.
Q : Enfin, j'aimerais vous poser une question sur le Benfica, qui a terminé deuxième derrière le Sporting au Portugal…
R : Je n'y suis resté qu'un an, mais pendant cette période, j'ai pu me rendre compte de l'ampleur d'un grand club comme le Benfica, au Portugal et en Europe. Je suis un fan du Benfica, surtout après mon passage à Lisbonne, où j'ai adoré faire partie d'une si grande équipe. Depuis mon départ, j'ai toujours suivi le club. Et quand ils ont réussi, comme la saison dernière, j'ai toujours été très heureux.