L'Euro 2024 constituera-t-il le tournant du mandat de Didier Deschamps ?
En poste depuis le 8 juillet 2012, Deschamps écrit l'histoire des Bleus match après match. Jamais un sélectionneur n'est resté aussi longtemps que lui sur le banc de la sélection. Un record qui ne risque pas d'être battu de sitôt, d'autant qu'un départ n'est absolument pas à l'ordre du jour. "Vous pouvez compter sur moi pour maintenir l'équipe de France au plus haut niveau international", avait-il d'ailleurs déclaré après avoir prolongé.
Une constance plutôt exemplaire lorsqu'on regarde le chemin parcouru, car les très bons résultats subsistent année après année, malgré quelques accrocs. Mais, justement, si échec il y a en Allemagne dans huit mois, Deschamps devra-t-il accepter de céder sa place ? Peut-être au regard de l'évolution de la décennie footballistique…
Un mandat éternel ?
Au XXIᵉ siècle, peu de sélectionneurs peuvent se targuer d'être resté plus longtemps sur un même banc que le vainqueur de la Coupe du monde 2018. En effet, un règne d'11 ans et 3 mois est impressionnant et dans le cas de Didier Deschamps, il devrait encore durer un peu. Peut-être qu'il pourrait aller chercher un record de longévité. D'autres noms depuis un peu plus de vingt ans ont fait mieux.
Dans l'histoire récente donc, Oscar Tabarez est le champion en la matière. Il est resté 15 ans et 8 mois à la tête de l'Uruguay (2006-2021) – ce qui le classe à la 6ᵉ place, tous temps confondus. Deuxième, on retrouve Morten Olsen, lui aussi en poste pendant plus de 15 ans, avec le Danemark (2000-2015). Outre ceux qui ont duré avec des nations mineures comme Saint-Marin (Giampaolo Mazza), Andorre (Koldo Alvarez, toujours en poste), et le Luxembourg (Luc Holtz, également en poste actuellement), seul Joachim Löw a fait mieux récemment : avec l'Allemagne de 2006 à 2021.
Tabarez, Olsen et Löw ont un point commun : leur aventure s'est mal finie et leurs successeurs n'ont pas toujours trouvé le succès escompté. Évidemment, lorsque Deschamps s'en ira, l'héritage sera forcément très lourd. Cependant, espérons que ce dernier soit suffisamment lucide pour laisser sa place au bon moment : lorsqu'il ne pourra plus "maintenir l'équipe de France au plus haut niveau international".
Et si ce moment arrive plus vite que prévu ? C'est une possibilité, surtout quand on met en perspective les différentes critiques qu'il peut recevoir ces dernières années. Il y a notamment répondu par le succès de 2018, mais le football se remet constamment en question, contrairement à son discours qui ne semble pas évoluer. Alors que l'Euro 2024 arrive à grands pas, les Bleus ne sont pas à l'abri d'une déconvenue comme il y a trois ans.
Peut-être que si les Bleus échouent, par exemple, de nouveau en 1/8ᵉ de finale, Deschamps devra accepter de passer le flambeau. Pourtant, dans cette campagne d'éliminatoires, il n'y a rien à redire, sa sélection va tranquillement se qualifier pour son 10ᵉ Euro. Une sacrée performance lorsqu'on sait que certaines nations moins importantes peuvent donner davantage de fil à retordre grâce à de nouvelles et belles générations (Norvège, Géorgie, Ukraine, Turquie, Arménie, Autriche, Hongrie, Serbie, Slovénie, Roumanie).
Mais dans un éco-système footballistique en perpétuelle évolution, Deschamps semble de plus en plus anachronique dans son rapport au jeu et tout ce qui en découle comme la place de plus en plus insistance de la data, même parmi le football de sélection. Ses méthodes et ses discours figés donnent raison aux critiques des plus jeunes observateurs. Jusqu'à maintenant, il s'en est toujours sorti, mais il n'est pas certain que le rendement de ses joueurs puisse le maintenir à flot éternellement, et ce, malgré une superbe génération.
Depuis 2012, comme ce sont ses résultats qui ont fait foi et qui ont indiqué son avenir, le juge de paix sera le parcours des Bleus en Allemagne, mais le football français a tout intérêt à se fier à d'autres baromètres afin de regarder l'avenir avec sérénité.