Lamine Yamal, l'étoile de la Roja qui illumine le quartier populaire de Rocafonda
Trois doigts tendus sur une main, un zéro formé entre le pouce et l'index, et quatre autres doigts allongés sur l'autre main : le geste du N°19 de la Roja, l'équipe nationale d'Espagne, est désormais célèbre – et il revêt une signification toute particulière pour les habitants de Rocafonda, un quartier de Mataró, une ville d'environ 130 000 habitants, située en bord de la mer à une trentaine de kilomètres au nord de Barcelone.
L'émotion n'est toujours pas retombée dans le bar El Cordobés, au milieu des barres d'immeubles de Rocafonda, depuis que l'ailier du club de Barcelone, qui fêtera ses 17 ans samedi, a marqué un but sublime contre la France, aidant l'Espagne à se qualifier pour la finale de l'Euro.
Et la fierté est grande d'avoir vu celui qui, enfant, venait souvent avec son père, toujours un ballon dans les pieds, devenir le plus jeune footballeur à marquer dans un Euro : "On savait qu'il allait à tous les coups jouer en équipe première" du Barça, affirme Juan Carlos Serrano, le patron du bar, "mais on ne s'attendait pas à ce que ça aille aussi loin".
Sur le mur en face de lui, soigneusement encadré, le maillot signé de Lamine que son père a tenu à offrir au bar en remerciement du soutien reçu pendant des années, quand il passait avant d'emmener son fils à l'entraînement.
Après la séparation de ses parents, Lamine Yamal n'a jamais oublié Rocafonda, où il rend régulièrement visite à sa grand-mère, arrivée du Maroc, il y a plusieurs dizaines d'années, et qui vit toujours dans le quartier, tout comme sa famille paternelle. Son père, Mounir Nasraoui, est désormais une des figures de Rocafonda et ce jour-là, tous veulent le féliciter et évoquer avec lui, tout juste rentré d'Allemagne, le but merveilleux de son fils.
Le père, "fier et heureux", était dans le stade à ce moment-là, et "comme n'importe quel fan, ce but m'a rendu fou", explique-t-il à des journalistes de l'AFP. Dans quelques jours, il repartira en Allemagne, avec l'espoir de pouvoir serrer son fils dans ses bras pour deux bonnes raisons: pour lui souhaiter un bon anniversaire samedi, et pour célébrer la victoire de l'équipe espagnole dimanche.
"Notre star"
À quelques rues de là, le soleil tape fort sur un terrain de foot en ciment, mais ne dissuade pas les enfants de jouer. C'est là que Lamine Yamal passait des heures à frapper le ballon et dribbler, sur ce même terrain municipal. "Les gens sont très émus avec Lamine Yamal parce qu'il n'est jamais arrivé un truc pareil ici", souligne Mamadou Sow, 32 ans, qui travaille dans la restauration. Pour lui, l'exemple du prodige peut redonner espoir aux jeunes du quartier. "Enfin mon quartier est à la télévision !", sourit-il.
"Le fait d'avoir quelqu'un qui vient d'un quartier modeste, qu'on a vu accomplir son rêve de devenir une star du foot, c'est une manière de dire aux gamins d'ici qu'ils doivent continuer à se battre", abonde Rocío Escandell, présidente de l'Association des habitants de Rocafonda.
"On a toujours eu mauvaise réputation, avec de la délinquance. Qu'une personne aussi importante braque les projecteurs sur ce quartier pour une autre raison, pour nous, c'est super positif", poursuit-elle.
Alors que chacun s'organise pour voir la finale de dimanche, d'aucuns se prennent à rêver que l'effet Lamine perdure et que le quartier ne tombe pas dans l'oubli. Malgré son jeune âge, un graffiti orne depuis plusieurs années l'entrée de l'ancienne boulangerie, juste en face des terrains de foot, autrefois tenue par son oncle. On y voit un Lamine avec le maillot du Barça, faisant son fameux 304.
Le nouveau propriétaire des lieux, Jauad Darraz, est en plein travaux pour en faire un bar : "On change tout le reste, mais pas cette image, ça, ça n'est pas possible, parce que Lamine Yamal est du quartier, on a notre star ici".