Un historique récent largement en faveur des Bleus
La phase de groupe cauchemardesque de l’Euro 2008 semble bien lointaine pour l’équipe de France, sortie la tête basse du tournoi avec un bilan d’un nul et 2 défaites, un petit but marqué pour 6 encaissés. Depuis une claque contre les Pays-Bas (1-4), suivie par un nouveau revers contre l’Italie précipitant leur chute (0-2), les Bleus ont bien changé, disputant quatre finales pour deux titres (Coupe du monde 2018, Ligue des nations 2021). Didier Deschamps est arrivé et a remporté 100 de ses 154 premières rencontres sur le banc français, dont 7 de ses 8 duels face aux Oranje, signant 4 clean sheets au passage. Deux succès imposants, à chaque fois 4-0 au Stade de France (31 août 2017, 24 mars 2023), restent notamment en mémoire. Le 1ᵉʳ étant marqué par le 1ᵉʳ but d’un certain Kylian Mbappé en sélection, à 18 ans et 254 jours.
Les deux équipes se retrouvent donc à Leipzig pour la 9ᵉ fois depuis l’arrivée sur le banc de l’ancien capitaine français, seule l’Allemagne (10) ayant plus souvent affronté les Français sur la période. Bleus et Oranje disputeront aussi un 4ᵉ duel à l’Euro, alors que la France cherchera à y décrocher son 1ᵉʳ succès après une qualification aux tirs de but en quart de finale de l’édition 1996 (0-0, 5-4 t.a.b) et des revers en poule (2-3 en 2000, 1-4 en 2008). Si un bras de fer est attendu et qu’un résultat nul est loin d’être improbable (23 % de chances selon la Live Win Probability d’Opta), seuls 4 des 30 derniers affrontements toutes compétitions confondues ont abouti à un score de parité.
Un jeu néerlandais vertical pour trouver Gakpo
En tournois majeurs (Coupe du monde + Euro), les Pays-Bas affichent une belle forme puisqu’ils n’ont perdu qu’un de leurs 17 derniers matches (12 victoires et 4 nuls), en 8ᵉ de finale contre la Tchéquie en 2021 (0-2). Une série précédée d’ailleurs par 4 revers consécutifs (3 matches à l’Euro 2012 et la finale de la CDM 2010). La victoire acquise sur le fil face à la Pologne lors de la 1ʳᵉ journée (2-1) n’a donc pas de quoi inquiéter les Néerlandais, qui ont les armes nécessaires pour déstabiliser la France.
Les Oranje peuvent s’appuyer sur un Cody Gakpo en forme étincelante. L’attaquant de Liverpool, l’une des révélations de la dernière Coupe du monde, a marqué lors de chacune de ses 4 titularisations en phase de groupes d’une grande compétition. Buteur face à la Pologne, il est aussi devenu à cette occasion le 3ᵉ Européen à trouver la faille sur 4 matches de rang en phase de groupe de tournois majeurs au 21ᵉ siècle, après Cristiano Ronaldo et Álvaro Morata.
Toutes compétitions confondues, Gakpo est également impliqué sur 6 réalisations lors de ses 8 derniers matches avec les Pays-Bas (4 buts, 2 assists). Lors de la 1ʳᵉ journée de l’EURO 2024, il est le joueur ayant remporté le plus de duels (15), tandis que seul Harry Kane (6) a obtenu plus de fautes que lui (4) et qu’aucun joueur n’a tenté plus de tirs (5).
Et si Cody Gakpo est aussi précieux, c’est sans doute parce qu’il est servi dans de bonnes conditions. Sur les 82 passes cassant au moins une ligne de son équipe face à la Pologne – plus haut total pour une équipe lors de la J1 – 17 d’entre elles ont été à destination de son attaquant de 25 ans, 2ᵉ plus haut total sur ce début de compétition (21 pour Bukayo Saka). Au moment de sa sortie face à la Pologne, un autre élément fort est entré en jeu pour insuffler du sang frais à l’attaque batave et encore marquer en sortant du banc : Wout Weghorst.
Weghorst, supersub en or
Il n’a fallu que 2’18 à l’avant-centre de 1,97 m pour tromper Wojciech Szczesny et offrir la victoire à son équipe sur son 1ᵉʳ ballon (2-1), devenant le remplaçant néerlandais le plus rapide à marquer dans la compétition. 3 de ses 4 réalisations en tournois majeurs ont d’ailleurs été inscrites après être entré en jeu – c’est le meilleur bilan du genre pour un Néerlandais dans ces compétitions. Sur la Coupe du monde 2022 et l’Euro 2024, il ne lui faut que 10 ballons et 23 minutes en moyenne pour marquer, ratios les plus faibles parmi les joueurs ayant inscrit plus d’un but dans ces 2 compétitions.
Si devant, tout a l’air en place, le point faible des futurs adversaires de la France se trouve sans doute derrière, notamment sur corner défensif, où les Oranje ont encaissé leurs 3 derniers buts. C’est autant que sur l’ensemble de leurs 83 précédents. Mais en face, les Bleus s’illustrent essentiellement dans le jeu, puisqu’ils n’ont inscrit qu’une de leurs 19 dernières réalisations sur coups de pied arrêtés.
L’attaque n’est pas le secteur de jeu qui s’est le plus distingué lors du 1ᵉʳ match des Français face à l’Autriche (1-0), malgré 35 ballons touchés dans la surface adverse, un record pour la France sur un match de 90 minutes à l’Euro depuis qu’Opta analyse la compétition (1980). Agressés par le pressing adverse, les Bleus ont obtenu 18 fautes, seule l’Angleterre (19) en a totalisé davantage sur la 1ʳᵉ journée dans le tournoi. Ils ont aussi remporté 64 duels, meilleur total devant… les Pays-Bas (56), présentant un taux de réussite dans l’exercice de 57 %, le 3ᵉ plus élevé juste derrière celui des Anglais et des Néerlandais (58 % chacun).
Un Kanté retrouvé, au jeu éparpillé
La France s’est appuyée pour cela sur un grand N’Golo Kanté, qui a signé son retour en tournoi majeur avec la manière et un abatage qui ne s’est pas limité au milieu de terrain. Plus globalement, sur ses 3 matches en équipe de France depuis son retour début juin, il a couvert une zone de jeu plus importante que lors de ses 2 années précédentes en équipe de France (2020-2022), où son activité se concentrait davantage dans l’entrejeu, touchant des ballons sur des espaces plus éclatés (voir graphique ci-dessous).
Preuve de son implication grandissante et d’un leadership de plus en plus assumé, celui qui est devenu le 2ᵉ joueur à jouer avec la France en tournois majeurs tout en évoluant pour un club hors d’Europe (Al-Ittihad) après André-Pierre Gignac à l’Euro 2016 (Tigres), a également porté le brassard de capitaine en fin de match contre l’Autriche pour la 1ʳᵉ fois de sa carrière. Il est devenu le 13ᵉ joueur à découvrir ce rôle sous Didier Deschamps.
Maignan, au bon souvenir des Pays-Bas
Pour tenter de remporter ses 2 premiers matches d’un Euro pour la 4ᵉ fois de son histoire, l’équipe de France devra aussi s’appuyer sur un gardien performant. Un succès serait d’autant plus de bon augure que les Bleus ont toujours atteint la finale du tournoi en l’entamant par 2 succès. Pour sa 1ʳᵉ grande compétition dans la cage française, Mike Maignan confirme que sa blessure de fin de saison est bien derrière lui. Face à l’Autriche, il a davantage brillé par son jeu au pied que par ses arrêts (3), réussissant 28 passes, plus haut total pour un gardien de la France à l’Euro ou en Coupe du monde depuis qu'Opta analyse ces compétitions (1980).
Au cours de ses 17 premières sélections, Maignan a encaissé 9 buts, soit 0.5 par match, 2ᵉ plus faible ratio derrière Mickaël Landreau (0.3) parmi les gardiens à au moins 10 sélections avec les Bleus. Le portier de l’AC Milan s’apprête à retrouver les Pays-Bas avec le bon souvenir du 24 mars 2023, où il avait été le dernier à faire face à un penalty pour la France, sortant vainqueur de son duel face à Memphis Depay. La fin d’une série de 15 penalties et tirs au but non stoppés pour les gardiens français.
L’équipe de France nettement favorite
Selon la Live Win Probability d’Opta à la veille du coup d’envoi, les Bleus ont 52 % de chances de sortir vainqueurs de cette rencontre, soit bien plus que leurs adversaires (24 %). Une tendance qui se confirme pour le dénouement de cette phase de groupes, avec une probabilité de 56 % de terminer en tête du groupe D et même 91 % de prendre l’une des 2 premières places.
Les hommes de Didier Deschamps – qui vise une 8ᵉ victoire à l’Euro (seul Joachim Löw à 12 fait mieux parmi les sélectionneurs) – sont même les favoris pour le titre avec une probabilité de 19 %, tandis que les Néerlandais (7 %) ne sont que 6ᵉˢ de ces prédictions. Nul doute que l’écart entre les deux nations devrait être moindre ce vendredi à Leipzig, où les Oranje tenteront d’assommer des Bleus marqués (leur capitaine et vice-capitaine en savent quelque chose) mais toujours bien en vie.
Un deuxième gros test se présente donc face aux Tricolores sur la route d’un 3ᵉ sacre, 40 ans après le premier. L’histoire serait belle, le 14 juillet à Berlin, dans un stade où les larmes de leurs aînés malheureux en 2006 ne sont pas encore totalement séchées.
