Willy Sagnol, l'éloge de l'insouciance
Une défaite après un match échevelé contre la Turquie (3-1), un match nul largement mérité contre les Tchèques (1-1) puis une victoire contre un Portugal remanié, mais pas moins redoutable (2-0) et les Croisés se sont invités à la table des grands.
Un miracle pour ce pays de 3,7 millions d'habitants, le plus mal classé selon la FIFA (74ᵉ) au début de la compétition, mais qui n'a rien volé. C'est sans doute là la principale satisfaction de Willy Sagnol, vice-champion du monde 2006 avec la France. "Ce que nous voulions faire, c'est rendre fière la Géorgie et je pense que c'est ce que nous avons fait", avait-il modestement expliqué après avoir fait chuter Cristiano Ronaldo and co.
Mais il a fait bien plus que cela en écrivant l'histoire, et pas que du football, dans cette ancienne république soviétique. "Beaucoup nous ont dit que c'était la folie au pays. Ils suivent ça à travers les réseaux sociaux", avait-il raconté récemment dans un entretien à L'Équipe. Mais lui veut garder la tête froide.
Intensité, vitesse, technique
"Je suis surtout dans ma compétition. Elle n'est pas finie. (...) On réalise le chemin parcouru petit à petit. Je n'ai pas encore beaucoup de mots pour décrire les émotions et la performance. Je reste focus sur la suite", avait-il aussi confié au quotidien sportif. Et le chemin parcouru depuis son arrivée en février 2021 est aussi immense que tortueux.
Resté plus de quatre ans sans poste après des expériences contrastées comme coach avec les sélections françaises de jeunes (U20 puis Espoirs), à Bordeaux ou comme adjoint de Carlo Ancelotti au Bayern, il a tâtonné au début, perdant sept de ses neufs premières rencontres sur le match.
Des victoires successives au Kosovo (2-1) et contre la Suède (2-0) en clôture des éliminatoires pour le Mondial du Qatar ont été les premiers signes encourageants, le confortant dans une défense à trois qui n'était pas son option préférentielle au départ. Comme tout entraîneur, il vous dira que le schéma ne veut pas dire grand-chose, ce qui compte c'est l'animation.
Et ses principes de jeu à base de courses à haute intensité, de transitions rapides vers l'avant, mâtinés d'une belle maîtrise technique pour savoir aussi parfois garder le ballon, conviennent à merveille à un collectif qui va au-delà des têtes de gondoles que sont Khvicha Kvaratskhelia, Georges Mikautadze, ou l'une des révélations du tournoi, le gardien de Valence Giorgi Mamardashvili.
"Être entraîneur et heureux"
Celui qui s'était promis "d'être à la fois entraîneur et heureux" pendant le confinement dû à l'épidémie de Covid, veut garder une ligne claire, au moment d'affronter dimanche (21h00) l'ogre espagnol, sans doute la meilleure équipe du premier tour.
Pendant la phase de poules, il avait dit à certains de ses joueurs : "Souvenez-vous, quand vous aviez 16, 17, 18 ans, vous jouiez sans pression. Faites exactement la même chose". Contre l'Espagne, il n'en sera pas autrement.
"Vous ne pouvez pas dire à vos joueurs, tous les jours pendant six semaines, de jouer libérés, de prendre des risques, de ne pas calculer et juste avant la phase à élimination directe leur tenir un discours différent", a-t-il assuré en conférence de presse d'avant-match.
"Je donne beaucoup d'importance à notre stratégie défensive et à la discipline. Mais (mes joueurs) savent qu'une fois qu'ils ont le ballon, ils peuvent faire tout ce qu'ils veulent", a-t-il ajouté.
"Le football c'est pas des mathématiques, c'est pas une partie d'échec. Il faut aussi jouer avec ses sentiments, avec son expérience et, de ce point de vue, cela se marie très bien avec la culture géorgienne qui est pleine d'émotions", a-t-il aussi estimé.
Dimanche, si la Géorgie retrouve cette spontanéité dans le jeu, alors peut-être, tout redeviendra possible.