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Exclu - Une leçon de management par Del Bosque : "La clé est d'arriver à rendre l'environnement de travail idéal"

Pablo Gallego
Vicente del Bosque, à l'entraînement avec l'Espagne en 2010.
Vicente del Bosque, à l'entraînement avec l'Espagne en 2010. Profimedia
Coupe du monde, Euro, Ligue des champions, Liga, Vicente del Bosque a tout gagné en tant qu'entraîneur. Pour Flashscore News, celui qui a été le sélectionneur de la période dorée de la sélection espagnole nous a fait l'honneur de nous présenter sa méthode de travail, tout en lâchant de belles anecdotes.

Humilité, talent et travail : Vicente del Bosque restera dans la postérité pour ses accomplissements en tant qu’entraîneur de football. Comme joueur, l’Espagnol a marqué de son empreinte le club de sa vie, le Real Madrid, en remportant, entre 1973 et 1984, 9 trophées (5 championnats et 4 Coupes nationales). Il fera partie de la malheureuse équipe qui perdra la finale de la Coupe d’Europe des clubs champions en 1981 face à Liverpool (1-0). 

Néanmoins, c’est bel et bien en tant que coach que le natif de Salamanque va marquer l’histoire du football. Del Bosque remportera quasiment tous les trophées possibles avec le Real Madrid et la sélection espagnole. Coupe du monde (2010), Euro (2012), Ligue des champions (2000, 2002), Liga (2001, 2003), Coupe Intercontinentale (2002), Supercoupe d’Europe (2002) et Supercoupe d’Espagne (2001). Seuls la Coupe du Roi et la Coupe des confédérations lui ont resistées.

Vicente del Bosque, c’est un nom inscrit à jamais dans le panthéon du sport roi. Maître du management, l’Espagnol a géré les vestiaires les plus réputés avec les Galactiques et l’Espagne de tous les records. Partout où il est passé, les joueurs l’ont respecté, apprécié et écouté, ce qui, en partie, lui a permis de soulever autant de titres. Quelles sont les clés pour qu’un entraîneur gère au mieux un vestiaire rempli de stars ? Pour Flashscore News, Del Bosque se livre à nous et explique sa méthode…  

Vicente del Bosque lors du tirage au sort des groupes de la Coupe du monde 2014
Vicente del Bosque lors du tirage au sort des groupes de la Coupe du monde 2014AFP

Question : Se pourrait-il que le nom "Vicente del Bosque" soit synonyme de succès ?

Réponse : "J'ai eu la chance d'être dans un club qui, en tant que joueur et en tant qu'entraîneur, a toujours été au sommet. Nous avons aussi perdu, certes. Mais cela, finalement, fait partie de la vie d'un joueur de football ou d'un entraîneur. On ne gagne pas toujours, on ne réussit pas toujours. Néanmoins, j'ai eu la chance d'être dans un club, comme le Real Madrid, qui, en fin de compte, fait constamment partie de l'élite."

Q : Lorsque le Real Madrid a décidé de lui confier la responsabilité de l'équipe première, en remplacement de John B. Toshack, en novembre 1999, l'équipe venait de perdre le "derbi madrileño" et était onzième de la Liga. Quels ont été les premiers outils mis en place pour tenter de changer la donne ? Bien qu'ils n'aient pas porté leurs fruits directement, puisque, après la victoire 2-3 contre le Rayo Vallecano (qui occupait la première place du championnat à ce moment-là, NDLR), l'équipe n'a ensuite pas gagné pendant quatre matches consécutifs…

R : "Plus qu'un fait, nous avons dû gérer ce que j'appelle la "pauvreté", à une époque dans laquelle l'équipe était en très mauvaise posture. Par ailleurs, à d'autres moments, nous avons dû gérer la "richesse". Par exemple, lorsque nous avons repris l'équipe nationale de Luis Aragonés, nous avions été champions d'Europe en 2008. 

Et, en tant qu'entraîneur, ce que nous essayons de faire dans les moments difficiles – comme dans mon cas, en novembre 1999 – c'est de mettre en place les fondements de ce qui ne nous donnerait, pas de résultats immédiats – même si cela était un objectif –, mais surtout des outils pour voir l'avenir d'un bon œil. 

Malheureusement, nous avons très mal commencé, et pourtant nous avons fini par devenir champions d'Europe… Je veux dire par là que je suis plus intéressé par cette gestion, par cette "richesse" et cette "pauvreté" qu'un entraîneur doit savoir lire… Et à ces deux grandes facettes, ou grandes tâches, qui incombent à un entraîneur, s'ajoutent celle des relations humaines entre les joueurs, la création d'une atmosphère saine, d'un environnement de travail correct… C'est ce que nous avons toujours tenté de réaliser. Du moins, c'est une chose en laquelle j'ai toujours cru. Je savais que si nous y parvenions, nous serions plus proches de la réussite, comme nous l'avons été."

Q : En Liga, l'équipe est parvenue à se hisser à la cinquième place en fin de saison. À ce jour, c'est la dernière fois que le Real Madrid a été en dehors des places pour la Ligue des champions. Et c'est dans ce contexte que la huitième coupe d'Europe du club est arrivé à Saint-Denis. Votre premier succès… Et ce, en terminant deuxième de votre groupe grâce au goal average particulier devant le Dynamo Kiev, 3ᵉ. Ensuite, vous éliminez le champion en titre à Old Trafford… Puis l'équipe considérée comme la meilleure du monde à l'époque, le Bayern (après les défaites en phase de groupes), et vous donnez une leçon à Valence en finale. Comment l'expliquez-vous, comment avez-vous conditionné vos joueurs et quelles ont été les clés pour remporter cette Coupe d'Europe ?

R : "L'une des clés a été tactique, à partir des quarts de finale jusqu'à la finale. Nous avons changé certaines choses. Bien qu'il n'y ait souvent pas de recette unique… Mais oui, nous avons cherché à renforcer nos latéraux, à donner plus de liberté à Michel Salgado et à Roberto Carlos. Nous avons joué avec trois défenseurs centraux bien expérimentés. Ensuite, nous avions un milieu de terrain devant nous, un joueur comme Fernando Redondo, qui avait besoin d'être seul, de manier et de contrôler le ballon. Finalement, nous nous sommes parfaitement adaptés aux joueurs que nous avions. Nous avons donné de la liberté à Raúl… En bref, je pense que nous avons eu la chance d'avoir un bon groupe et nous les avons progressivement menés vers un objectif commun, en essayant de les influencer dans le bon sens pour que nous devenions une équipe."

Q : Vous avez eu toujours bonne réputation par rapport à votre gestion du vestiaire. Entrons dans le vif du sujet de l'interview. Votre première gestion de star a été celle de Nicolas Anelka. Qu'avez-vous pensé de sa signature et comment avez-vous réussi à gérer un dossier aussi compliqué, jusqu'à le rendre décisif en demi-finale de la Ligue des champions ? Rappelons, qu'à l'époque, il s'agissait de la recrue la plus chère de l'histoire du football.

R : "Effectivement, finalement, il deviendra un homme très important pour nous. Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a traversé des moments de difficultés en rapport à son intégration. C'était un bon gars et une très bonne personne, on l'aimait beaucoup. Mais lui aussi venait d'un autre pays, d'une autre culture et, en bref, nous avons eu un peu de mal à nous adapter… Au point où lui-même pensait que nous étions heureux quand il ne marquait pas de buts… Nous avons d'ailleurs dû lui dire que nous nous moquions que ce soit Morientes qui marque un but, que ce soit Raúl, que ce soit lui ou que ce soit n'importe qui d'autre marque.

L'important pour nous, c'était de former une équipe pour essayer de gagner. Et il a été, comme vous le dites, décisif dans la conquête de cette huitième Coupe d'Europe. Son but à Munich a été très important, sur un centre à droite, de mémoire, de Savio. Avec beaucoup de difficultés. Le fait est que nous avons essayé d'intégrer Nicolas dans le groupe et je pense que lorsqu'il est revenu, il était heureux et à l'aise. Et finalement, on a réussi à gagner la compétition européenne, ce qui était essentiel pour nous. 

Del Bosque et Nicolas Anelka
Del Bosque et Nicolas AnelkaAFP

Parce qu'il ne faut pas oublier, je crois que tu l'as dit, que nous avons terminé cinquièmes du championnat, ce qui ne nous permettait pas d'accéder à la Ligue des champions l'année suivante. En d'autres termes, nous devions la gagner la Ligue des champions pour nous qualifier.  

Ce fut, en fin de compte, une période difficile pour le club. Les changements d'entraîneurs dans les clubs sont toujours très inconfortables. Même si c'est fait avec une certaine légèreté… ce sont des moments difficiles pour un club. Et encore plus pour un club comme le Real Madrid, qui a toujours essayé d'avoir une stabilité institutionnelle et sportive."

Q : Une fois la huitième Coupe d'Europe remportée, lors de la saison 2000-2001, vous avez dû gérer la transition vers la période des Galactiques, avec l'arrivée d'un nouveau président, Florentino Pérez, et surtout, l'incorporation de Luís Figo, qui était le capitaine du Barça. Comment avez-vous réussi à intégrer le Portugais, à le faire entrer dans votre équipe dans les meilleures conditions, et à tirer le meilleur de lui dès le premier instant ? Sachant le contexte de son transfert et tout ce que ce celui-ci a généré.

R : "Comme toujours, avec la plus grande normalité. Je pense que c'est ainsi que les choses doivent se passer. Luis a eu un courage extraordinaire, le passage de Barcelone à Madrid, l'arrivée d'un nouveau président. Bref, je pense aussi que ce fut une période d'adaptation pour tout le monde et que nous avons eu une bonne réponse de la part de tous les joueurs. Nous avons essayé de traiter tous les joueurs avec la même équité, de manière égale... De leur donner à tous leur place dans l'équipe. 

Et, la vérité, c'est que nous avons eu une réponse magnifique de la part des joueurs que nous avions : Hierro, Raúl, Redondo, Roberto Carlos, Michel Salgado. En résumé, tous ces joueurs ont constitué une base pour que, par la suite, tous ceux qui sont arrivés s'adaptent parfaitement. Je pense que, souvent, la chose la plus importante, c'est que ces joueurs se sont sentis à l'aise au Real Madrid. Ils se sont sentis à l'aise au quotidien, ils se sont sentis à l'aise à l'entraînement, dans le contenu des séances, ils ont été agréables et, en fin de compte, ils ont réussi à avoir des succès… Nous ne pouvons pas oublier qu'au cours de ces quatre années, nous avons toujours atteint les demi-finales de la Coupe d'Europe. Nous avons perdu deux fois et gagné deux fois… en allant jusqu'au bout. Ce que je veux dire, c'est que pendant ces quatre années, nous étions au moins en demi-finale… Et ce n'est pas rien…"

Q : En d'autres termes, toujours parmi les quatre meilleurs en Europe…

R : "Exactement, et en plus, avec une très bonne réponse des joueurs. À part l'agacement occasionnel quand un joueur ne joue pas, ou quand on le sort… Mais bon, ce sont des situations qui se passent sur un banc de touche, mais qui ne veulent rien dire. Souvent, je dis qu'il faut creuser beaucoup pour trouver un joueur qui ne s'est pas comporté comme il aurait dû. Nous avons eu beaucoup de chance…"

Q : Lors de la saison 2001-2002, l'année de la neuvième Ligue des champions, voilà un autre succès… Là, vous avez eu un autre cas à gérer : celui du gardien de but. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à mettre Iker Casillas sur le banc au profit de Cesar, et pensez-vous que c'était une décision juste aujourd'hui ?

R : "Je ne regrette pas ce qui s'est passé. Il s'agit de la gestion d'un vestiaire, d'un effectif qui, à l'époque, nous semblait idéal. Et ce, en reconnaissant les énormes vertus d'Iker Casillas à l'époque, et dans la carrière qu'il a eue au Real Madrid, sans pour autant sous-estimer un gardien comme Cesar, qui était, lui aussi, un grand gardien. C'est également ce qui s'est passé en équipe nationale, où trois gardiens auraient pu être titularisés : Iker Casillas, Víctor Valdés et Pepe Reina. Mais nous avons pu compter sur la sécurité d'Iker pendant de nombreuses années. Nous avons également essayé, à la fin, d'assurer une transition en douceur, afin que personne ne se sente mal à l'aise (au Real Madrid, NDLR). Mais c'est tout. À l'époque, nous avons tout fait en pensant aux joueurs et aux intérêts du club et de l'équipe."

Q : Et, finalement, le Real Madrid remporte le neuvième coupe d'Europe grâce à Iker Casillas, avec ses parades en fin de match…

R : "Oui, tout à fait. Il a cette réputation de grand gardien, qui est extraordinaire, mais il a aussi cette pointe de chance que tous les grands joueurs doivent avoir. C'est mieux qu'il ait de la chance, d'ailleurs… que de dire : "ce type est très bon, mais il n'a pas de chance". Iker a été un excellent gardien, mais il a aussi cette part de chance qui fait la différence. C'est pour cela qu'il a été au club durant tant d'années."

Q : Et grâce à Zidane, bien entendu… A-t-il été facile d'entraîner Zinedine Zidane ? Rappelons qu'il a eu des premiers mois difficiles au Real Madrid, sûrement dû à une question d'adaptation…

R : "Il avait d'énormes capacités, c'était un très grand joueur. Nous voulions lui trouver un endroit où il se sentirait le mieux possible et où il serait le plus efficace pour l'équipe. Je pense que nous y sommes parvenus… Et quand je te disais tout à l'heure, au début, que nous avons toujours pensé que les joueurs devaient se sentir à l'aise au Real Madrid. L'idée, c'était qu'après 6, 7, 8 saisons au Real, ils se disent : "le club m'a bien accueilli, nous avons gagné, mais aussi, je me suis senti à l'aise là où j'ai joué, je me suis senti à l'aise en allant m'entraîner tous les jours à la Ciudad Deportiva…" Je pense que ce sont des choses que les joueurs n'oublient pas et que l'entraîneur doit prendre en compte. Selon moi, hein…"

Q : Été 2002. Après plusieurs mois de négociations avec l'Inter, le Real Madrid et Florentino Perez parviennent à obtenir le transfert du si désiré Ronaldo. Le Brésilien va marquer la saison de son empreinte, en étant l'un des meilleurs joueurs de son équipe et en terminant meilleur buteur du championnat. Il remporte également le titre de champion face à une Real Sociedad très forte sous la direction de Denoueix. Mais vous avez dû gérer un autre cas : celui des attaquants. Comment cela s'est-il passé, racontez-nous votre relation avec Ronaldo ? Je me souviens de votre accolade après son but contre Valence en Liga… Et, aussi, le fait de faire comprendre à Morientes, qui avait été très important jusqu'à présent, qu'il allait devoir être remplaçant ?

R : "D'abord, le détail de l'accolade, c'est parce que l'après-midi même, j'avais perdu ma mère, en somme... C'était une chose personnelle. Mais quand je parle de Ronaldo, la première chose qui me vient à l'esprit, c'est que c'est une personne heureuse. Je pense que c'est l'un des joueurs les plus heureux que j'aie jamais eus à mes ordres. Et, finalement, qui étions-nous en tant qu'entraîneurs pour perturber son bonheur ?

Nous avons toujours été là pour lui, comme pour tous les joueurs. Nous avons toujours veillé à ce qu'ils se sentent à l'aise. Et je pense qu'il a été l'un des joueurs qui s'est senti le plus à l'aise et qui nous a aidés à remporter le championnat cette année-là. Si je me souviens bien, je crois que la Real Sociedad avait perdu un match à Vigo, lors de l'avant-dernière journée. Et nous avions battu l'Atlético de Madrid, 1-4 au Manzanares. Il avait marqué trois buts… Quoi qu'il en soit, c'est un joueur spécial, gentil, agréable et heureux. 

Quant à Morientes, nous n'avons jamais été contre lui… Il a toujours compris la situation et je l'apprécie beaucoup. Aujourd'hui, quand je le vois devant les caméras ou à la radio, que je l'entends, je me dis : "le meilleur garçon de tous, c'est Fernando Morientes". J'ai beaucoup de sympathie pour lui. De plus, il a été un garçon très respectueux avec nous, dans tous les domaines."

Q : Cette année-là, vous avez atteint la demi-finale de la Ligue des champions contre la Juve et le Real Madrid a été éliminé lors d'un match au cours duquel Zidane, Figo et Raul sont revenus de blessure. Mais la perte la plus importante a été celle de Claude Makélélé. Comment définiriez-vous le rôle et l'importance du Français et pensez-vous que l'histoire aurait pu être différente avec lui à Turin ?

R : "Ce que nous savons que certaines choses ne peuvent pas être prouvées, que nous ne pouvons pas les changer et que nous devons les accepter telles qu'elles sont arrivées. Mais oui, pour nous, et surtout pour l'équipe, Claude était un joueur essentiel. Il était ce coéquipier que vous voulez toujours avoir à vos côtés, qui vous donne un coup de main dans les moments difficiles. Il était bon à la transition. Il distribuait le jeu à Figo ou à Roberto Carlos avec facilité. En bref, il récupérait le ballon et était la première rampe de lancement, de manière à ce que personne ne soit gêné… Figo n'était pas gêné, Roberto Carlos n'était pas gêné, Zidane n'était pas gêné… Et c'était un homme que les défenseurs appréciaient beaucoup, parce qu'il était toujours attentif à tout ce qui se passait sur le terrain. Pour moi, c'était un leader silencieux."

Q : Dans le football, il n'y a pas que la gestion humaine qui compte… Beaucoup ont critiqué vos connaissances tactiques tout au long de votre carrière… Cependant, quand j'analyse un peu, je vois un entraîneur capable de s'adapter à ses joueurs, son groupe et aux moments. À Madrid, vous gagnez le huitième coupe d'Europe avec une défense à trois, puis vous passez à un 4-4-2 ensuite… En équipe nationale, l'exemple qui me vient à l'esprit est la décision de titulariser Pedro contre l'Allemagne, par exemple… Qu'avez-vous à répondre aux plus sceptiques vous concernant ?

R : "Eh bien… Lorsqu'un entraîneur gagne, il reçoit toutes les louanges du monde. C'est-à-dire que quels que soient les critiques, il aura toujours raison. On a eu un match contre le Portugal où nous avons eu beaucoup de mal et nous avons décidé de mettre un avant-centre comme Llorente, qui n'a joué que quelques minutes. Il a joué une demi-heure, mais, pour nous, c'est comme s'il avait été un joueur en plus qui nous a permis de gagner ce trophée, tellement il a eu un gros impact dans ce match. 

Et pour Pedro, il y avait Lahm en face, le latéral droit du Bayern Munich, qui était un danger pour nous, et qu'est-ce qu'on a fait ? Eh bien, au lieu de lui mettre quelqu'un qu'il allait contrôler facilement, nous avons décidé de lui mettre un joueur qui allait le gêner plus qu'autre chose. Je pense que ce genre de choses, quand vous gagnez, ça vous donne raison. Mais le plus important, c'est ce que nous avons fait et ce que nous pensions être le mieux pour l'équipe."

Q : A-t-il été facile de gérer cette génération de joueurs avec laquelle vous avez marqué l'histoire du football espagnol ? 

R : "Oui, tout d'abord parce qu'ils venaient de remporter l'Euro 2008. Nous avons bien traité l'ancien entraîneur, que ce soient les joueurs et nous-mêmes et, progressivement, ils se sont adaptés à nous et nous avons passé huit ans avec de bons résultats. Néanmoins, je me souviens du très bon comportement qu'ils ont eu tout au long des huit années. Nous avons joué 114 matches, et dans tous ces matches, un seul joueur a été expulsé, Gerard Piqué, dans une action qui n'avait aucune signification et qui était plus une action d'impuissance qu'un mauvais comportement. Et c'est l'une des choses dont on peut se satisfaire, qu'ils aient également montré qu'ils étaient d'excellents sportifs."

Le groupe Espagne 2010 lors d'un entraînement en Afrique du Sud
Le groupe Espagne 2010 lors d'un entraînement en Afrique du SudAFP

Q : On parle toujours de vous, mais finalement, vous avez travaillé avec une personne tout aussi importante : Toni Grande. Que pouvez-vous me dire de lui ?

R : "Que c'est un homme loyal, fidèle, très "madridista" et que nous avons eu très peu de différents en termes de comportement. Ensuite, nous avons parfois été en désaccord sur des questions spécifiques au terrain de jeu. Finalement, s'il y a deux ou trois responsables dans un endroit et qu'ils sont toujours d'accord. C'est une mauvaise chose. C'est bien qu'il y ait des divergences. Maintenant, quand on prenait une décision, c'était tous les deux."

Q : Beaucoup de gens, y compris vous, parlent souvent de l'importance de l'intégration de Busquets dans votre équipe en 2010. Mais je vois une autre pièce fondamentale, qui n'était pas là en 2008 : Xabi Alonso. Que pouvez-vous me dire sur ce joueur, quels sont les atouts qu'il a apportés à votre équipe ?

R : "Nous avions une grande confiance en ces deux joueurs, Sergio (Busquets) et Xabi (Alonso). Parce que nous avions le sentiment, comme nous l'avions déjà dit plus haut avec Claude Makélélé, qu'ils étaient des joueurs d'équipe. Et ce, dans une zone vitale pour tout le monde : le milieu de terrain. C'est là que tout se joue, tant sur le plan défensif, qu'offensif. Pour l'anecdote, il y a eu un moment dans notre parcours où Xabi Alonso était celui qui marquait le plus de buts. Je veux dire par là qu'il n'était pas un joueur statique, il était très dynamique et avait aussi une grande intelligence du jeu. Si nous avions une conviction à ce moment-là, c'était que Xabi Alonso et Sergio Busquets devaient jouer."

Q : Êtes-vous surpris par le succès qu'il est en train de rencontrer avec le Bayer Leverkusen ?

R : "Premièrement, je suis très heureux pour tous ceux qui sont maintenant entraîneurs. Xavi Hernández aussi, par exemple. Ils sont dans de bonnes équipes. Xavi a été champion de Liga l'année dernière avec le Barça. Xabi Alonso, maintenant, a quasiment le titre de la Bundesliga à porter de main. Et, de toute manière, tous ceux qui ont été de bons joueurs ne sont pas nécessairement être de bons entraîneurs. Dans leur cas, je pense qu'ils ont une très bonne connaissance du jeu et de ce qu'ils doivent faire en tant que coach."

Q : Le thème principal de l'interview est le management de l'humain pour réussir… Mais finalement, le football est aussi une question de moments : vous avez parlé de l'importance d'Iker contre le Bayer Leverkusen en 2002... Que pouvez-vous me dire de cet arrêt contre Robben en 2010 ?

R : "Ou le penalty qu'il a arrêté contre le Paraguay, contre Cardozo. Que se serait-il passé si le Paraguay avait marqué ce but ? Peut-être que nous aurions gagné plus facilement. Je dis toujours que nous avions de très bons joueurs, que nous avions un système de jeu adapté aux exigences de cette équipe. Mais nous avons aussi eu de la chance…"

Q : Mais quand cela arrive si souvent… Avec Iker Casillas, il se passait toujours quelque chose… La question est de savoir si c'est vraiment de la chance, vous ne pensez pas ?

R : "Voyons voir. J'ai dit que leurs qualités étaient indéniables. Mais ce n'est pas non plus une mauvaise chose que d'avoir un peu de chance, n'est-ce pas ?"

Q : C'est vrai… Effectivement… Est-ce que le match contre l'Italie en finale de l'Euro 2012 a-t-il été le meilleur match de votre équipe ? Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais il y a un match amical à Saint-Denis contre la France en mars, avant la Coupe du monde 2010... Villa et Ramos marquent… C'était un match amical, certes, mais ce jour-là, on a pu constater que l'Espagne allait être vraiment très dure à jouer en Afrique du Sud…

R : "Oui, oui, c'est vrai. C'est totalement vrai. Et puis, il y avait un véritable enjeu dans ce match et nous avons fait face à une grande équipe (l'Espagne avait brisé une malédiction vieille de 42 ans en battant la France 2-0, elle accumulait cinq défaites consécutives en terres françaises, NDLR)

Ce qui se passe, c'est qu'aux yeux des gens, quand on gagne un titre, ce qui nous est arrivé contre l'Italie, c'est plus facile à retenir. Mais bon, je crois que le plus important, c'est que face à l'Italie, nous ayons contrôlé le match. En outre, nous ne pouvions pas nous vanter d'avoir marqué beaucoup de buts dans la compétition, mais ce jour-là, contre l'Italie, nous en avons marqué quatre. Nous ne pouvons pas non plus nous vanter de pratiquer un football offensif, mais oui d'avoir contrôlé le jeu. Le contrôle était à nous. Et pas seulement parce que nous avions la possession du ballon, mais parce que nous avions le contrôle défensif et offensif durant l'ensemble du match."

Q : Après avoir tout gagné, vient la Coupe du monde 2014 au Brésil, puis, l'Euro 2016 en France... Avec du recul, vous êtes-vous trompés cette année-là ? Avez-vous dû respecter jusqu'au dernier moment ceux qui ont donné tant de gloire à l'Espagne ? Souvenons-nous qu'en 2014, des joueurs comme Koke, Isco, Thiago Alcántara apparaissent…

R : "Nous ne savons jamais où se situe l'avant et l'après des joueurs. Aujourd'hui, le Real Madrid fait face à un avant et un après de Kroos et Modric. Bien sûr, toutes les opinions sont valables. Mais la réalité est que les performances de Kroos et Modric, en ce moment, sont stupéfiantes.

À l'époque, nous avions des joueurs qui jouaient régulièrement dans leurs clubs et de la meilleure façon possible. Qui étions-nous pour dire qu'ils n'étaient pas prêts à venir en équipe nationale ? Il est vrai que ces jeunes sont arrivés à ce moment-là, mais la réalité est qu'ils ont ensuite eu l'occasion de s'intégrer progressivement à l'équipe nationale. Ces transitions sont finalement très difficiles à gérer. Quand nous avons terminé notre parcours en France et que nous en sommes mal sortis, la conclusion était que nous avions été très figés sur nos idées… Peut-être que c'est un défaut. Mais à l'époque, nous pensions que c'était la meilleure chose à faire pour l'équipe."

Q : Passons à l'actualité. Que pensez-vous de la possible signature de Kylian Mbappé au Real Madrid, et pensez-vous qu'il est capable de marquer une époque en Espagne ?

R : "C'est un grand joueur. Mais il arrive dans une équipe, le Real Madrid actuel, qui joue très bien. Il va sûrement améliorer ce qui est en place, mais attention. Le Real Madrid a un très bon effectif. Il ne faut pas sous-estimer ceux qui sont là. Il arrivera dans une équipe bien établie, prête à l'emploi et, oui, il est certain qu'il apportera sa petite touche en plus."

Q : On dit que Carlo Ancelotti vous ressemble… Pensez-vous qu'il soit le meilleur entraîneur pour gérer l'arrivée du Français à Madrid, dans un vestiaire où se côtoient Bellingham, Vinicius Jr., Rodrygo et d'autres talents ?

R : "Vu de l'extérieur, j'ai l'impression qu'ils ont un groupe de joueurs sain, un bon groupe. Ils s'entendent tous bien, ce qui est très important. Et, bien sûr, la manière dont Carlo gère l'équipe, je pense que c'est l'idéal, et il le fait très bien…

Je suis favorable à ce gène, à la gestion d'un vestiaire comme ceci… Je ne dis pas que c'est la seule manière de gérer un vestiaire. Ce qui est fondamental, c'est qu'elle arrive à rendre l'environnement de travail idéal. C'est ce dont nous parlions tout à l'heure. Sans cela, il est difficile de gagner."

Pablo Gallego - Senior News Editor
Pablo Gallego - Senior News EditorFlashscore News France
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