La flexibilité de Carlo Ancelotti au Real Madrid, gage de titres et de records personnels
Après son 36ᵉ sacre, l'heure était à la fête du côté des supporters du Real Madrid samedi soir. Mais pour le club, son staff et ses joueurs, pas le temps de chômer. Si des vidéos ont fuité sur les réseaux sociaux voyant le groupe commémorer juste après la défaite du Barça à Gérone, synonyme de titre empoché, le club espagnol a décidé de reporter à une semaine la célébration du titre à la place de Cibeles, là où il a pour habitude de chanter ses succès avec les fans. Une décision prise, en vue de la manche retour contre le Bayern mercredi à Madrid, que le Real doit remporter s'il veut atteindre la 18ᵉ finale de son histoire.
Le rendez-vous était donc donné ce dimanche aux joueurs à la Ciudad Real Madrid par Carlo Ancelotti à 9h30 du matin pour préparer l'un des matches des plus importants de la saison. Un fait qui démontre la mentalité de travail sans relâche du club qui, malgré un titre de champion, voit toujours plus haut. Questionné samedi après la rencontre face à Cadix sur le temps de jeu donné à Arda Güler, cette saison, Ancelotti lâchait : "j'ai été engagé au Real Madrid pour gagner des matches, pas pour donner des minutes aux jeunes joueurs".
Le message est clair, au Real Madrid, seul la gagne compte, quel que soit le prix à payer. Beaucoup ont critiqué le jeu proposé par les Madrilènes lors de différents matches couperets, mais la réalité est que ces derniers ont toujours su se mettre au diapason de l'adversaire : si ça joue Cadix, le Real presse haut et à la possession ; si ça affronte Manchester City, les joueurs peuvent faire le dos rond et jouer en transition.
Pourquoi Carlo Ancelotti peut positionner tel ou tel joueur à une position qui n'est pas la sienne, ou bien leur demander de jouer de tel ou telle manière ? Car il a entre ses mains des garçons avec un état d'esprit sain. "Ce que je retiens de cette saison ? L'engagement de chacun, expliquait-il aux médias du club après le succès en Liga. Il a été facile de gérer cette équipe parce qu'il y a beaucoup d'engagement, peu d'égos, tout le monde s'entraide et c'est un groupe d'amis. Il y a une bonne ambiance, et cela nous a permis de gagner. Le championnat a été fantastique, avec de la continuité et une belle attitude de la part de nos joueurs".
Carlo Ancelotti ou comment se réinventer à 64 ans
Parce que quand Carlo Ancelotti est obligé de faire avec le départ de Benzema et le choix de sa direction de ne pas signer un attaquant de point en attendant Kylian Mbappé, l'Italien doit se réinventer et innover. Déjà tactiquement, puisque après avoir joué durant deux saisons en 4-3-3, Ancelotti et son staff décident de mettre en place le 4-4-2 losange. Là, lors de la pré-saison, les doutes s'installent autour du club, que ce soit dans la presse ou chez les supporters, n'étant pas certain qu'un joueur comme Vini puisse être attaquant ou que Carvajal aura le rendement qu'il pouvait avoir à 25 ans.
Néanmoins, très vite, on voit la capacité d'adaptation de ces joueurs et notamment de sa nouvelle star, Jude Bellingham. Son intégration express est la preuve que le Real a un vestiaire sain et, surtout, vivifiant. Dès les premiers matches, il sauve son équipe à plusieurs reprises dans le fameux "Belling' Time", permettant aux Madrilènes d'arracher des victoires de "champion" précieuses. Ancelotti semble donc avoir trouvé la formule correcte rapidement.
Mais voilà que les premiers obstacles arrivent pour le natif de Reggiolo, avec les longues blessures de joueurs phares comme Courtois, Militao et Alaba, et d'autres pépins physiques qui touchent quasiment l'entièreté de l'effectif (41 au total). "Les blessures que nous avons eues en début de saison nous ont aidés à comprendre que la façon de les surmonter n'est pas l'individualité, mais le collectif", a rappelé Ancelotti après la victoire samedi contre Cadix (3-0). Une déclaration qui se voit dans les faits : des joueurs comme Brahim, Joselu, Lucas Vázquez ou Modric ont été importants.
Ancelotti est obligé de faire tourner et d'utiliser plus qu'à son habitude la quasi-totalité de ses joueurs. Conséquences directes ? L'implication de tout un groupe vers un même objectif : celui de tout rafler. Le Real prend une belle avance en championnat sur le Barça, avant de rompre le coude-à-coude avec Girona à la mi-saison. En Coupe, les Madrilènes flanchent, étant fatigués du voyage en Arabie saoudite pour la Supercoupe d'Espagne – qu'ils remportent. Et en Champions League, comme à leur habitude, les Merengues montent crescendo, jusqu'à ce match clé face au tenant du titre, Manchester City.
Cette double confrontation prouvera – encore - à quel point Ancelotti a su s'adapter à ses joueurs et eux-mêmes à lui. Après 10 jours de préparation, il décide de surprendre tout le monde lors du match aller en innovant tactiquement une nouvelle fois. Place à un 4-2-3-1... avec Vini en pointe et Rodrygo à gauche ! Une décision qui fonctionne, prenant par surprise Pep Guardiola. Le Real en marque trois à City à l'aller et, au retour, avec la même disposition tactique, décide de faire le dos rond pendant 120 minutes.
Savoir mettre ses joueurs dans les meilleures conditions
Si Carlo Ancelotti a pu tirer parti au mieux de ses joueurs, c'est parce qu'il a su les mettre dans les meilleures conditions. Un exemple flagrant est la progression de Vinícius Júnior tout au long de la saison. Le Brésilien a démarré celle-ci entre les blessures et avec l'objectif de devoir s'adapter au poste de numéro 9. Mais à base de travail, confiance et conseils, ce dernier a développé de nouvelles caractéristiques. Huit mois plus tard, le numéro 7 du Real Madrid est devenu celui qui porte les siens dans les soirées Ligue des champions, comme lors des deux matches face au Bayern Munich, marquant des buts décisifs et faisait la différence à chaque prise de balle.
Des performances qui démontrent qu'il est le meilleur joueur au monde à l'heure actuelle et qui le place en tant que grand favori pour le Ballon d'or. Qui l'eût cru quand l'Italien a décidé de le repositionner un peu plus dans l'axe en début de saison ? Dans la même veine, Aurélien Tchouaméni est l'exemple type qui prouve que l'harmonie du vestiaire, la bonne entente entre chacun et cet état d'esprit de sacrifier pour l'autre prime avant toute chose. Quand Ancelotti a été obligé de le placer en défense centrale, le Français a rechigné quelques heures, avant d'accepter avec professionnalisme. Aujourd'hui, l'ancien de Monaco peut se targuer de pouvoir jouer dans une position qui n'est pas la sienne.
"Nous avons eu beaucoup de problèmes en termes de blessures. Tout le monde parle de Courtois, Alaba et Militão, mais nous avons également perdu Vini Jr, Tchouameni, Camavinga, expliquait l'Italien hier soir après le billet obtenu pour la finale. Nous ne nous sommes jamais plaints et l'équipe a transformé ces problèmes en une opportunité de montrer la valeur réelle de ce groupe. L'ambiance qui règne est extraordinaire. Nous sommes très heureux de ce que nous avons pu réaliser jusqu'à présent. Avant Wembley, il y a assez de jours devant nous pour bien nous préparer."
Le Real Madrid disputera à Wembley le 1ᵉʳ juin prochain sa 18ᵉ finale en Ligue des champions contre le BVB. Une finale atteinte qui doit mettre en exergue, avant tout, le travail de Carlo Ancelotti. Avec le titre de champion d'Espagne remporté le week-end dernier, l'Italien est devenu le deuxième entraîneur de l'histoire avec le plus grand palmarès (12 trophées). Devant lui, la légende Miguel Muñoz et ses 14 titres. Après être devenu le coach ayant remporté le plus de Ligue des champions, ou encore le seul ayant gagné les cinq championnats, l'homme de 64 ans aimerait devenir le coach au plus beau palmarès de l'histoire du Real Madrid. Son contrat s'achevant en 2026, il a le temps d'aller chercher ce énième record en carrière. Une motivation en plus pour aller chercher la 15ᵉ à Londres !