Digard : "Quand on se sent à sa place, c'est qu'on est fait pour ça"
Votre carrière d'entraîneur démarre fort, mais celle de joueur avait fini péniblement...
"Je me suis découvert en arrêtant de jouer. J'avais tout eu, mais sans être heureux. Faire le bilan m'a permis de cerner mes priorités. J'avais besoin de bonheurs simples, loin de la machine à laver qu'est le foot. Au début de ma carrière, mon fils aîné (20 ans aujourd'hui, ndlr) voyageait avec moi. C'était égoïste. Je me suis séparé, sans reproduire ça avec ses cadets. Mais à 30 ans passés, blessé, seul à l'étranger, je n'en pouvais plus. Je savais que j'arrêterais tôt, comme j'arrêterai tôt d'entraîner. Je m'investis trop, ça me coûte."
Comment êtes-vous revenu au football ?
"Fred Gioria (son adjoint, ndlr) insistait pour que j'y réfléchisse. La tactique, la vie de groupe me passionnent. Mais j'avais mon équilibre. Quand Julien Fournier (ex-DG niçois, ndlr) m'a proposé de revenir en 2019, j'en ai parlé à ma famille, qui a dit oui sans hésiter. Ma femme et mes enfants savent que je suis fait pour ça. Mais l'approche diffère. Joueur, je les avais écartés, maintenant, ils sont impliqués et viennent au stade. Même si je suis critiqué, insulté, on rentre ensemble à la maison et tout va bien."
Comment vivez-vous votre nouvelle médiatisation ?
"Je n'ai pas eu besoin d'adaptation. Je ne me suis jamais demandé ce que les autres penseraient, si les joueurs ou le staff adhéreraient. Quand on se sent à sa place, c'est qu'on est fait pour ça. La vague actuelle est folle mais je la vis très bien. Pourquoi me priver de voir les gens contents, de voir mes enfants rentrer fiers de l'école ? Il y aura des jours compliqués mais je ferai face sans problème."
Quelle est votre philosophie ?
"Jeu et contenu sont au centre, ils offrent des certitudes. Ensuite, l'association contenu-résultat donne confiance. Il faut créer le maximum d'automatismes, de répétitions modulables en fonction des systèmes et des adversaires. La stratégie est expliquée aux joueurs, on échange. Parfois, il faut durcir le ton, faire comprendre que personne ne nous attendra. Je veux aussi réussir sans reproduire ce que je n'ai pas aimé quand j'étais joueur, comme revenir trop tôt de blessure. Sinon, les joueurs finiront dans un sale état."
Cette équipe vous ressemble-t-elle ?
"On évoque ma jeunesse dans ma relation avec eux mais ce n'est pas une question d'âge. Si je suis là dans dix ans, j'aurai évolué mais mon fonctionnement sera identique. Pour mes joueurs, je veux l'excellence. Moi, j'ai été attendu très haut. Je n'ai pas réussi, peut-être à cause des blessures, mais je n'ai pas de regret. Il existe aussi une différence, qui me convient, entre l'image qu'avait le grand public de moi, et celle qu'avaient mes entraîneurs. Le public mettait en avant mon abnégation, mes entraîneurs plutôt ma disponibilité, ma vision du jeu, ma qualité de passe. Aujourd'hui, le public se reconnaît dans l'équipe et son état d'esprit. C'est bien. Mais je la trouve surtout courageuse dans le jeu, offensive, unie. Je n'aurais pas aimé affronter ces joueurs."
C'est le sprint final, la pression s'intensifie...
"Plus l'enjeu et la pression montent, plus ça me plaît. Le groupe doit montrer du caractère et le staff doit l'aider à rester à haut niveau. Le droit à l'erreur est faible pour dépasser nos concurrents. Au début, j'étais détaché du classement. Là, on a raté le coche. Si la prestation d'Angers (1-1, ndlr) se répète, ce sera une lacune."
Où votre recherche d'excellence vous mènera-t-elle ?
"Après mon premier passage en pro (décembre 2020, adjoint d'Adrian Ursea, ndlr), j'ai eu l'ambition d'entraîner en L1. Aujourd'hui, j'ai tout ce qui me rend heureux: la compétition et une vie normale avec mes enfants. L'objectif ultime, c'est que le club et moi allions ensemble à l'excellence. Ce n'est pas de la trouver ailleurs. Le club grandit, passe des paliers, a des objectifs très élevés. Je suis dans la même dynamique: ne fixer aucune limite, rester ouvert d'esprit."
Propos recueillis par Christophe BELLEUDI