Exclu' - Abdoulaye Touré : "La Ligue 1 n'a rien à envier à la Serie A !"
Flashscore France - Abdoulaye, c’est un plaisir pour Flashscore de pouvoir discuter avec vous. Vous avez déjà marqué deux buts cette saison, les deux sur penalty, face à Saint-Etienne et Auxerre. Votre célébration contre les Verts et votre déclaration en zone mixte ont beaucoup fait parler derrière… Moi, personnellement, je trouve qu’on n’a pas assez parlé de l’exécution de votre penalty. Une panenka… C’est quelque chose que vous travaillez à l’entraînement ?
Abdoulaye Touré - En général, après chaque séance, que ce soit dans la semaine ou même avant la veille des matches, j'ai l'habitude de tirer des pénaltys justement pour me mettre en confiance et pour travailler mon geste. Je ne travaille pas forcément la panenka, mais j'essaie de travailler le geste et d'avoir le plus de confiance possible. Après, la panenka, ça vient à l'instinct, et je décide sur le moment si je le fais ou pas. Mais en général, ce n'est pas quelque chose que je prépare.
FF - Comment évaluez-vous vos performances depuis votre arrivée au club il y a un an ? Vous considérez vous l’un des tauliers de ce club ?
AT - On ne va pas se mentir, oui, parce que je fais partie des cadres. On va dire... Je fais partie des plus anciens, et je pense que de l'effectif, je suis celui qui a le plus de matches en Ligue 1. Donc oui, je fais partie à part entière des leaders de l'équipe. Mais après, on ne le vit pas forcément de cette façon-là. Dans l'équipe, il y a beaucoup de qualités. C'est un groupe qui est homogène. Donc forcément, chacun a son mot à dire, que ce soit un plus jeune ou un plus ancien. Et je pense que c'est ce qui fait la force de l'équipe.
FF - Le Havre a changé de coach cet été. Lucas Elsner a laissé sa place à Didier Digard. Comment s’est passé la préparation avec le nouveau coach ? Quelles sont les différences avec l’ancien ? Et, enfin, à quel point le coach Elsner a été important pour vous depuis votre arrivée ?
AT - Pour commencer, la préparation a été un peu en décalé, parce que je suis arrivé sur le tard. J'ai rejoint le groupe au cours de la dernière semaine de préparation. J'ai pu jouer justement le dernier match de préparation.
Avec la nouvelle directive du coach, j'essaie de m'adapter le plus rapidement possible, et de me fonder dans la masse. Il n'y avait vraiment pas de temps à perdre, parce que le championnat arrivait vite. Et puis, quand c'est comme ça, il faut vite prendre le bon wagon, parce quand tu ne fais pas la prépa avec le groupe, il y a forcément des trucs que tu dois rattraper, qui doivent rentrer vite dans ta tête pour être directement à disposition du coach. Et ça a tout de suite matché, parce que le coach, c'est quelqu'un qui veut jouer, qui veut aller de l'avant.
Je pense qu'il a dû le dire dans ses interviews, c'est un coach qui préfère gagner 5-4 que de gagner 1-0. Il a un jeu qui est beaucoup porté vers l'avant. Après, on ne le remarque pas forcément avec notre début de saison, mais comme tout nouveau coach, il vient d'arriver, ça met un peu plus de temps que prévu, mais pour le moment, je dirais que le début de championnat est assez correct. On est là où on doit être, à mon sens. Je pense que sur le dernier match, on aurait pu faire mieux.
Après, à la différence du coach Elsner, comme je l'ai dit, c'est un coach qui est porté vers l'avant, qui veut vraiment avoir une assise offensive. Ça, c'est un nouveau type de management, c'est un nouveau type de préparation et ça demande, comme je l'ai dit, un peu plus de temps. Mais au vu des prestations qu'on a vues jusqu'à maintenant, le groupe a adhéré, et je pense que c'est de bon augure pour la suite.
Si je devais décrire l'importance qu'a eue le coach Elsner par rapport à ma situation, déjà, je tiens à le remercier parce que ce n'était pas donné. Je revenais quand même de deux saisons blanches, je n'avais quasiment pas joué, et de tout de suite me donner la confiance et me relancer, je ne pense pas que tout le monde ait le cran de faire ça. Dès le début, quand je suis arrivé, il m'a montré qu'il me faisait confiance. Et justement, j'ai essayé de le rendre de la meilleure manière possible en enchaînant les bonnes prestations, et je pense que c'est la meilleure chose à faire, quand un coach fait confiance à un joueur, la meilleure façon de le lui rendre, c'est de faire de bonnes prestations sur le terrain.
FF - Vous parlez du coach qui vous a relancé, mais il y a aussi Mathieu Bodmer, le directeur sportif, parce que c'est lui qui vient vous chercher. Quels ont été les mots de sa part pour vous convaincre de rejoindre Le Havre ?
AT - Ça s'est fait avec Mathieu, mais ça s'est fait aussi avec Mohamed Elkaraz, l'adjoint de Mathieu, justement. Mais il n'y a pas forcément eu de discours. Mathieu, je pense que c'est ce qui fait sa force, c'est qu'il a été joueur, donc il n'a pas forcément besoin de dire mille et une choses. Des fois, certaines personnes n'ont pas forcément besoin de parler, juste en un regard, vous comprenez. Avec Mathieu, ça a été très simple et très fluide, le discours est passé directement, et jusqu'à maintenant, on peut voir que ça a très bien marché. Effectivement.
"Je tiens à remercier le coach Elsner, parce que ce n'était pas donné"
FF - Parlons des objectifs du Havre cette saison, vous avez six points en quatre journées, on peut considérer que c'est un bon début, même si le dernier match, le Havre aurait pu mériter mieux. Vous vous êtes fixé quoi en un terme comme objectif ?
AT - Mon discours va être à l'image du club et de ses ambitions. On sait très bien que c'est un club qui a un petit budget, on a pu le voir aussi pendant le mercato, ça n'a pas vraiment bougé. L'objectif, ce serait de faire au moins mieux que la saison passée, de stabiliser le club en Ligue 1, de montrer qu'on a quand même les capacités de rester dans cette première division. Après, on verra par la suite, mais déjà, comme j'ai dit, être bien installé dans le championnat, montrer que le Havre mérite sa place en Ligue 1, et après si on peut gratter un peu plus, pourquoi pas...
FF - Comment s'est passée votre intégration au Havre ? Quelles ont été les premières impressions en rejoignant le club et la ville ?
AT - J'ai été agréablement surpris parce que j'ai été très bien accueilli, que ce soit par les habitants de la ville, par les supporters ou par les coéquipiers. Après, on ne va pas se mentir, j'y suis pour beaucoup, parce que quand tu arrives dans un nouveau club et que tu t'imposes, en faisant de bonnes prestations, automatiquement tout va dans le bon sens. Comme je l'ai dit, c'est un échange de bons procédés. Franchement, je m'y plais bien ici parce que c'est un club qui est sain, un club familial, ça bosse bien, il y a des personnes de qualité, que ce soit les joueurs, la direction ou même les supporters du Havre. Quoi demander de plus ? Quand tout se passe bien en dehors, forcément sur le terrain, ça se répercute et il n'y a qu'à faire de bonnes prestations.
FF - Ce n'est pas votre premier club de Ligue 1, vous avez aussi joué à Nantes. Quels sont les moments forts qui vous ont marqué dans ce club ?
AT - Des moments forts, il y en a eu, parce que c'est quand même ma ville, c'est le club phare de ma ville, c'est là que j'ai grandi, c'est aussi ce club-là qui m'a permis de sortir de l'ombre et de connaître le haut niveau de la Ligue 1. Forcément, c'est un truc qui est ancré en moi, ça ne bouge pas. Après, il y a beaucoup de bons souvenirs, il y en a des moins beaux aussi, mais ce sont les aléas d'une carrière. Il y a des hauts et des bas, mais comme je dis, je ne retiens que le positif, même si j'aurais aimé que ma situation se termine d'une meilleure manière.
FF - Vous avez joué également à l'étranger, qu'avez-vous appris de cette expérience en dehors de la France ? Est-ce que cela a même pu peut-être influencer dans votre style de jeu au fil du temps ?
AT - Bien sûr. Après, sans forcément parler de mes expériences à l'étranger, quand j'étais à Nantes, j'étais entre guillemets un jeune gamin. Aujourd'hui, j'ai 30 ans. Entre mes débuts à Nantes et aujourd'hui, il y a du temps qui est passé, donc forcément, j'ai pris de l'expérience. C'est sûr qu'avec mes passages à l'étranger, ça accélère un peu plus le processus. J'ai connu quand même pas mal de coaches jusqu'à maintenant. J'ai connu de grands joueurs. J'ai joué contre de grands joueurs. Forcément, tout ce qui est bon à prendre, on le prend et c'est ce qui nous fait avancer. Ça nous permet justement de prendre de l'expérience. Aujourd'hui, à ma petite échelle, pourquoi pas redonner les choses que j'ai apprises au plus jeune.
FF - Vous avez évoqué le fait que vous avez côtoyé plusieurs grands joueurs. Lequel vous a le plus marqué ? À l'entraînement et en match ?
AT - u niveau des qualités intrinsèques, je vais dire Emre Mor. Parce que de le voir à l'entraînement, c'était incroyable. C'était facile. C'est un génie avec la balle au pied. Franchement, c'est du très très très haut niveau.
FF - Quels sont les entraîneurs qui ont le plus influencé votre carrière jusqu'à présent ?
Je vais en retenir deux. Je vais dire Ranieri. Parce que c'est celui qui m'a le plus fait confiance. Et justement, je ressens un peu cette confiance-là avec le coach Digard. Ce ne sont pas des coaches qui parlent beaucoup. Mais quand ils parlent, c'est assez juste et c'est clair. C'est fort, tu ressens le message direct. Il n'y a pas forcément besoin de le dire pour savoir qui compte sur toi. Sur ce point-là, je pense que Ranieri, c'est vraiment le top. Après, je ne vais pas refaire son CV. On sait qui c'est.
Enfin, je dirais aussi Sergio Conceiçao. Je pense que son arrivée a fait un grand chamboulement au FC Nantes dans le bon sens. Et je pense qu'aujourd'hui, si le club est à ce niveau-là, et si le club est bien stable au niveau professionnel, je pense qu'il en est pour beaucoup. Ce qui est bien aussi avec Sergio, c'est qu'il a été joueur. Il arrive à retransmettre cette énergie-là aux joueurs. Et justement, quand t'as été joueur, c'est plus facile. Il pouvait être un peu dur sur certains moments, mais en aucun cas, c'était pour nuire au groupe.
"À la base, le football, c'est un jeu !"
FF - En tant que footballeur, comment vous vous définissez ? Et est-ce que vous pensez pouvoir encore progresser malgré le fait que vous ayez la trentaine ?
AT - Je me définirais comme un joueur assez polyvalent dans le milieu de terrain. Parce qu'on sait que ça dépend des systèmes. Tu peux jouer à trois, tu peux jouer à deux. Ce sont des systèmes que j'ai connus dans ma carrière. Et dans ces systèmes-là, j'ai joué les trois postes. Que ce soit en tant que récupérateur, que ce soit en relayeur, ou que ce soit en box-to-box. Ce sont des postes qui me correspondent beaucoup.
Après, si je devais parler de mes qualités intrinsèques, je dirais que je suis quelqu'un de généreux. J'aime bien me donner pour mon équipe. Parce que pour moi, c'est le plus important quand tu es sur le terrain, de faire des efforts pour les autres. C'est la chose la plus importante à mes yeux.
Par contre, ça demande d'être lucide avec le ballon. Et ça, c'est aussi une chose sur laquelle je dois travailler. Parce que je sais que des fois, il y a des déchets qui sont forcément évitables. Après, en fonction de ce que le coach me demande, et du système dans lequel on joue, comme je l'ai dit, je m'adapte. Aujourd'hui, je suis dans un système où je suis un peu plus bas, donc loin du but adverse. Mais je suis quelqu'un qui aime bien à la base me projeter, me retrouver face au but. Je pense que ça doit venir de mon enfance. J'ai beaucoup joué dans les postes de devant. J'aimais bien m'y retrouver pour marquer des buts.
FF - Comment percevez-vous le niveau de la Ligue 1 actuellement ?
AT - Quand j'ai quitté la France pour aller en Italie, ça m'a frappé. J'ai vu le niveau en Italie, qui est un championnat assez reconnu mondialement. Je me suis dit qu'on parlait beaucoup des autres championnats, mais pas asses du nôtre. Je pense que la Ligue 1 est très sous-cotée. Quand j'ai vu le niveau, que ce soit en Italie ou en Turquie, ça m'a frappé aux yeux. Le championnat français n'a rien à envier au championnat italien à mes yeux. Il y a beaucoup de bonnes équipes. On le voit aujourd'hui, il n'y a pas de petites équipes. Tout le monde peut battre tout le monde.
FF - Comment gérez-vous la pression liée à votre carrière de footballeur professionnel ?
AT- Honnêtement, je ne me mets aucune pression. Je me dis qu'à la base, le foot, pour moi, c'est un jeu. Quand je rentre sur le terrain, j'essaie de prendre le maximum de plaisir. Après, il y a des week-ends où ça fonctionne et des week-ends où ça ne fonctionne pas. Mais je ne suis pas quelqu'un qui va me morfondre si jamais ça se passe bien.
J'essaie de switcher le plus rapidement possible, même s'il y a des moments où ça met un peu plus de temps. Il y a des week-ends où, quand tu perds la défaite, ça met un peu plus de temps à passer. Mais ce sont les aléas du haut niveau. Tu es obligé de vite switcher et de passer à autre chose.
Il faut avoir toute ta tête et être en pleine possession de ses moyens pour essayer de faire le mieux possible tout en étant zen et tout en ayant en tête que le foot, c'est avant tout un jeu. Mais si tu te mets la pression, que tu te dis qu'il faut absolument que tu gagnes, que tu ne mets pas tous les ingrédients de ton côté, forcément, quand tu commences le match qui suit, tu n'as pas toute ta tête, tu n'es pas en pleine possession de tes moyens et tu ne peux pas donner la meilleure performance de toi-même.
Moi, j'arrive à avoir ce recul-là et me dire que chaque match est avant tout un jeu et c'est comme ça que j'aborde les matches. Après, de ce que j'ai pu entendre et de ce que j'ai pu lire aussi, quand tu es un grand champion, tu as quelque chose en plus mentalement qui te fait dire que tu es différent des autres. Quand tu es comme les autres, tu n'arrives pas à sortir ton épingle du jeu au moment où ton équipe a besoin de toi. Tu n'arrives pas à faire la différence. Et je pense que c'est ce qui fait la différence avec les grands champions et les joueurs normaux.
FF - Avec la Guinée, vous avez disputé les Jeux cet été en France. Vous avez notamment affronté les Bleus. Qu’est-ce que cela a représenté pour vous ?
À la base, chaque match que je débute, je n'arrive pas à me dire que j'ai la pression. Et justement, ce jour-là, j'ai eu une sensation en moi, je pense que ça doit être de la pression (rires).
Mais la première fois que ça m'a pris, c'était lors du premier match de la CAN. Pourtant, je ne jouais pas, j'étais blessé. Mais le fait de me dire que c'est la CAN, que c'est quelque chose que, à la base, je regardais avec mes frères et sœurs chez moi, aujourd'hui, de participer - même si ce match-là, je ne l'ai pas joué -, de de me dire que je suis potentiellement éligible à représenter mon pays et que mes frères et sœurs, que toute ma famille me regarde... ce jour-là, j'ai ressenti une pression que je n'avais jamais ressentie de ma vie.
J'ai connu les équipes de France jeunes, mais jouer pour la Guinée, c'est quelque chose à part. Après, je pense que chaque personne qui représente sa nation, il pourra te dire la même chose. Jouer pour son pays, je pense qu'il n'y a pas mieux. Le plus beau dans tout ça, c'est de voir la joie que tu peux procurer. Pour ma part, la joie qu'on peut procurer en Guinée. Au retour de la CAN, on est appelé en Guinée pour aller justement remettre le drapeau officiel au président. On arrive à Conakry, et, de l'aéroport au palais présidentiel, dans une route qui met à peu près, si je ne dis pas de bêtises, à tout casser une demi-heure, on a mis à peu près 4 heures ! Alors qu'on est allé en quart de finale. Je ne m'imagine même pas une demie. Alors je ne te parle pas si on la gagne un jour.
La ferveur en Afrique, c'est tellement différent. Dans les pays africains, il y a tellement la misère, des gens traversent des choses qui sont vraiment très difficiles. Il faut le voir pour le croire. Je pense qu'au moment où l'équipe joue, c'est leur petit bonheur. Le pays s'arrête et tu représentes toutes ces personnes-là... c'est quelque chose d'unique.
FF - Quels sont vos passe-temps en dehors du football pour vous détendre ?
AT - Je suis quelqu'un de très casanier. Je suis quelqu'un qui aime bien regarder les séries. Je suis sur Ozark en ce moment.
FF - Et pour finir, que pouvons-nous vous souhaiter personnellement et collectivement ?
AT - Personnellement, la bonne santé. Parce que, forcément, quand tu as une bonne santé, tu peux enchaîner les matches, tu peux être heureux et faire ce que tu aimes sur le terrain. Ensuite, je ne me fixe pas d'objectif concernant les buts. Parce que, pour moi, se fixer des objectifs, c'est se mettre une limite. Je ne me mets pas de limite. Pour moi, si je peux en mettre 4, j'en mets 4. Si je peux en mettre 10, j'en mets 10. Si je peux en mettre 20, j'en mets 20. Tout en travaillant pour le collectif. Comme je l'ai dit, c'est pour le plus important. C'est comme ça que je fonctionne. Collectivement, comme je l'ai dit, il faut qu'on installe le club en première division. Au niveau du classement, si on peut faire mieux que l'année dernière, c'est tout benef.
FF - La Coupe de France, vous allez tenter le coup, non ?
AT - On verra, match après match. Chaque coupe est à négocier. Si le meilleur moyen de s'exprimer, c'est en Coupe de France, ce sera par la Coupe de France. Mais il ne faut pas oublier que le championnat reste important.