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Exclu - Franck Haise : "Au RC Lens, le club et l'équipe sont plus importants que le reste"

Pablo Gallego
"On va aller à Paris avec l'ambition de leur poser des problèmes."
"On va aller à Paris avec l'ambition de leur poser des problèmes."AFP
Nommé à la tête de l'équipe première du RC Lens en 2020 et devenu manager général par la suite en octobre 2022, Franck Haise (51 ans) fait partie de ces personnalités qui font le football français. Après deux saisons admirables depuis leur retour dans l'élite en 2020, les Sang-et-Or réalisent une saison historique (63 points après 30 journées), se rapprochant de leur record de points obtenus en 1998 : 68.

À quelques heures du choc entre le leader de Ligue 1, le Paris Saint-Germain, et son dauphin, le RC Lens, la Ligue 1 est, à huit journées de la fin, toujours autant indécise. Pour Franck Haise, manager général des Sang et Or interrogé par Flashscore News et qui fête ses 52 ans ce samedi 15 avril, rien de quoi être nerveux, bien au contraire. Les Lensois, avec 2 points d'avance sur Marseille (3e) et 5 sur Monaco (4e), sont en excellente posture pour se hisser en Ligue des champions pour la troisième fois de leur histoire - les autres fois, c'était lors des saisons 1998-1999 et 2002-2003. 

AFP

Question : Première question, simple et efficace, à quelques heures du choc face au Paris Saint-Germain au Parc des Princes, quel est votre premier ressenti sur la saison en cours, après 30 journées de Ligue 1 ?

Réponse : Sur nos 30 premières journées, on prouve que le club et que l'équipe continuent de progresser. Pour un entraîneur, et aussi pour un manager, c'est quelque chose de très satisfaisant. On a déjà battu le record de points de l'an passé à huit journées de la fin. On a aussi plus d'équilibre et de solidité dans notre jeu que les autres années. Donc voilà, ce sont des points positifs. Après, 30 journées, c'est une grosse partie, certes, mais ça ne reste qu'une partie du championnat et les bilans, on les fera à la fin de la 38e journée. 

Q : L’année 2023 a commencé pour le RC Lens par une victoire 3 buts à 1 contre votre adversaire de samedi soir. L’an passé, vous avez réussi à arracher un nul là-bas (1-1) à la 88e minute. Cette année, les formes et le contexte (au classement) sont différents. Y a-t-il la place d’aller chercher les trois points à Paris et va-t-on voir une équipe des Sang-et-Or conquérante au Parc ?

R : Pour moi, à chaque match, il y a la place à aller chercher les trois points. Même si on sait que lorsqu'on joue Paris, ça ne sera pas simple. Mais nous, on joue chaque match pour les remporter, en tout cas, on commence les matches dans cette optique-là. Maintenant, contre eux, on va essayer de mettre en place nos principes de jeu, comme on essaye à chaque fois de le faire, quel que soit l'adversaire. Alors bien sûr, nos principes sont aussi des fondements défensifs, comme celui de récupérer le ballon. On sait inévitablement qu'on aura de grandes chances d'avoir moins le ballon que nos adversaires. Mais la possession n'est finalement pas, pour moi, la chose essentielle. Loin de là - même si j'aime que mon équipe ait de la maîtrise. Ce qui reste essentiel, au bout du compte, c'est de se créer des occasions, d'avoir des tirs, de concéder le moins possible, et tout cela n'a rien à voir avec la possession. 

Q : Vous dites que la possession n'est pas la chose essentielle contre Paris. Mais cette saison, au Parc des Princes, on a quand même vu un PSG ramé face aux gros morceaux du championnat… Je pense notamment à la rencontre contre le LOSC (4-3), où il avait pris les choses en main. Je suis certain que vous avez étudié l'adversaire parfaitement et que vous connaissez ses failles. Néanmoins, est-ce que cette équipe lilloise n'est pas, somme toute, un exemple de ce qui est possible de faire là-bas d'un point de vue possession et d'animation ?

R : Attention, je n'ai pas dit qu'on ne voulait pas avoir le ballon (rires). Ce que je veux dire, c'est que notre possession doit servir à faire mal à l'adversaire. Et on peut le faire d'une manière comme les faire courir, parce que c'est aussi le meilleur moyen de défendre. Mais il faut aussi qu'on ait le ballon pour terminer nos actions et, potentiellement, chercher à marquer des buts. Bien sûr que notre idée n'est pas de jouer que sur des transitions, mais il faudra être capable de faire un ensemble de choses de très bonne manière avec ballon, sans ballon, après récupération ou même après perte.  

Q : Le RC Lens, cette saison, face au Top 5, ce sont 15 points sur 15 possibles (4-1 contre Monaco à l’extérieur, 2-1 contre Rennes à domicile, 1-0 contre l’OM à l’extérieur, 3-1 contre Paris, et 1-0 contre Rennes chez eux). Quelle est la formule pour faire tomber les grands ? Est-ce que votre équipe joue de manière plus décomplexée et libérée contre les gros que face aux plus petits, comme face à Strasbourg vendredi dernier (2-1), pour prendre un exemple ?

R : Pour reprendre l'exemple de Strasbourg... bien sûr qu'ils jouent le maintien, c'est factuel. Mais c'est une équipe, avec un effectif proche à celui de la saison dernière - au passage, très bon -, qui a fini devant nous l'an passé… Effectivement, ils ont une saison qui est délicate, mais c'est loin d'être une petite équipe. Elle a beaucoup de qualités et elle ne nous a pas tant posés des problèmes offensifs, car ils n'ont pas eu énormément d'occasions, mais ils nous ont posé des problèmes dans le jeu. Parce qu'on a manqué beaucoup de justesse, notamment sur notre entame de match où sur le plan technique, nous n'avons pas été à la hauteur. Ça s'est heureusement amélioré au fur et à mesurer. Vous rappelez les bons résultats contre les équipes du haut de tableau… et oui, on est capable aussi de proposer d'autres armes que l'on a face à des équipes qui cherchent certainement plus à posséder, à s'ouvrir et à créer. Je ne vais pas dire que c'est plus facile, parce que ce n'est pas la vérité (rires). Mais en tout cas ça donne des matches qui peuvent être potentiellement plus ouverts. 

Q : Vous avez traversé une période compliquée entre janvier et février avec spécifiquement une série de quatre matches sans victoire entre Troyes et Lyon. Certaines équipes vous étudient et savent comment vous jouer, c'est une certitude. Et là, vous avez réussi à vous relancer dignement, avec quatre belles victoires face à Clermont, Angers, Rennes et Strasbourg, après, notamment, un changement de système (vous êtes passés à une défense à 4 contre Clermont et Angers). Quel a été le déclic pour repartir de l’avant ? 

R : Même si on a eu une période en dents de scie, effectivement, avec deux nuls et deux défaites, ce qui a été la seule mini-série négative, finalement. D'ailleurs, cette série ne m'inquiétait pas outre mesure parce que les contenus, les statistiques et les Athletics Data étaient toujours d'un bon niveau. Face à cela, on est resté tous assez calmes, en prenant pour exemple qu'il n'y avait pas eu une seule équipe du championnat qui n'avait pas eu de trou, plus ou moins important. Même dans les équipes de tête. Je l'avais d'ailleurs montré peu de temps avant notre série aux joueurs en disant "voilà, on vient de faire deux nuls et deux défaites en quatre matches, mais toutes les équipes - Paris, Rennes, Lille, Monaco et Marseille - ont connu ça à un moment donné dans la saison". Ce qui compte, c'était de rester calme, de continuer à bien travailler, à garder confiance en nous et de regarder le plus objectivement possible ce qui se joue, en se posant la question si nous étions loin ou non du niveau. Et je trouvais que nous n'étions pas loin. On manquait d'efficacité offensive, les occasions que les adversaires avaient, on prenait toujours un but. Mais sur les contenus, j'étais plutôt rassuré. Il fallait donc garder le cap et puis continuer à avancer. 

Q : Il y a une chose qui nous impressionne avec votre équipe, votre tactique et votre animation en tant qu’observateur. Vous êtes reconnus pour être une équipe qui joue au ballon, un football offensif, ne pas vouloir subir et être acteur du jeu. Du coup, on pourrait se dire, ok, forcément, il y a des inconvénients à vouloir jouer comme ça. Notamment défensivement, vous devriez vous exposer plus. Et pourtant, quand on regarde les chiffres, vous êtes la meilleure défense de Ligue 1 (21 buts encaissés jusqu’ici). Quelle a été la clé, d’un point de vue tactique, pour réussir à trouver un équilibre entre ce football offensif et cette faculté d’encaisser peu de buts ?

R : Plusieurs éléments sont à prendre en compte. Déjà, le fait que notre défense à trois se connaît parfaitement bien. C'est-à-dire que ses joueurs, qui sont ceux qui jouent le plus, avec un quatrième qui est Massadio Haïdara, sont là depuis plusieurs saisons et jouent ensemble a minima depuis deux saisons. Parfois plus, pour certains. Ensuite, il a le fait de bien se connaître et de travailler beaucoup, ce qui permet de gagner en solidité. Évidemment, il y a deux arrivées qu'on ne peut pas oublier dans cette qualité défensive et cet équilibre. Ce sont celles de Salis Abdul Samed, qui est un élément important de notre équilibre et du travail devant la défense centrale, et il y a aussi Brice Samba qui est arrivé et qui a donné beaucoup de confiance. Donc forcement, il y a les individualités, il y a le travail collectif et puis, il y a le fait d'avoir trouvé un meilleur équilibre et, je pense, une meilleure lecture des situations. Il y a des moments où on peut presser très haut, des moments où on doit vite reformer et être très dense à partir d'un bloc qui doit être un peu plus médian - même si on cherche toujours à défendre en avançant -, des moments où on trouve le bon équilibre lorsqu'on est en possession et qu'on peut anticiper certaines transitions... donc voilà. Forcément, c'est un travail qui est de longue haleine, qui nous permet aujourd'hui, c'est vrai, de pratiquer un football qui est plutôt offensif, mais aussi, en même temps, d'être la meilleure défense. Et ça, ce n'est pas anodin. 

Q : Vous parlez d'arrivées et je voudrais revenir sur celles de Fulgini et Thomasson au mercato hivernal. On sent qu’il y a eu un saut qualitatif dans l’équipe. Fulgini a une excellente qualité technique et Thomasson a cette faculté de répéter les efforts. Ils s’inscrivent parfaitement dans votre tactique, votre stratégie et votre vision de jeu. Avant eux, l’été dernier, des joueurs importants sont partis comme Clauss, Doucouré, Ganago, mais vous avez également recruté, notamment Loïs Openda, Brice Samba, Salis Abdul Samed, entre autres. Et malgré les changements, les nouveaux visages qui peuvent arriver, vous êtes de plus en plus bons. Le recrutement semble donc réfléchi, le projet sportif est bien tracé. On sait que vous avez votre mot à dire étant manager général… On a l’impression, vu de l’extérieur, que le RC Lens se trompe peu, voir jamais…  

R : On se trompe comme tout le monde (rires) ! Et de toute façon, même sans se tromper, lorsqu'on a un effectif de 20 ou 22 joueurs, on sait pertinemment qu'on a tout pour aller dans le bon sens. Et ce même s'il y a de très bons joueurs qui sont arrivés, mais qui ne jouent pas, car on sait qu'il y en a d'autres qui sont encore meilleurs et que la concurrence est là. Ça fait partie de la vie d'un effectif de ne pas avoir de place pour tout le monde. Mais ce qui est sûr, c'est que la cellule de recrutement, avec laquelle je travaille depuis le début de façon très proche, fait un super boulot. Ça c'est certain. On sait très bien les profils qu'on souhaite, à la fois profil de joueur, mais on attache aussi de l'importance au profil humain quand on fait notre recrutement. Ne pas se tromper sur le joueur, c'est important. Mais ne pas se tromper sur l'homme, ça l'est tout autant. Il faut des compétiteurs et là, il faut des joueurs de caractère. Et j'ai des joueurs de caractère, sinon, on ne serait pas là où on est. Mais il faut également qu'ils soient intelligents et ils doivent bien entendre que le collectif reste au-dessus de tout. 

Q : Vous pouvez m'en citer un de joueur de caractère ? 

R : Je peux vous en citer 50 ! Brice Samba, Jonathan Gradit, Facundo Medina, Kevin Danso, Salis Abdul Samed, Flo Sotoca, Loïs Openda, Angelo Fulgini... enfin, voilà ! Ce sont des joueurs de caractère... Jimmy Cabot, également, qui est en reprise après sa blessure. Voilà, j'en ai beaucoup des joueurs de caractère, mais ils savent qu'à Lens, c'est ce que je défends chaque jour avec mon staff, c'est le club et l'équipe qui sont le plus important que tout le reste. 

Un groupe avec des joueurs de caractère
Un groupe avec des joueurs de caractèreRC Lens

Q : Vous parliez de recrue, tout à l'heure. Lois Openda, vous êtes allés le chercher pour 9-10 M d’euros à Bruges. 29 matches, 15 buts… Sacré crack, non ? Il satisfait aux exigences ?

R : Objectivement, 30 matches, 15 buts, ça veut dire beaucoup de choses pour une première saison en Ligue 1. Pour un joueur qui est très jeune et qui arrive dans un nouveau club. Il a progressé, mais il a encore beaucoup de marge. Donc je suis très satisfait, mais je suis en même temps très exigeant, car je connais ses qualités... On est derrière lui, je suis derrière lui parce qu'il ne doit pas et il ne va pas s'arrêter là. 

Q : Pour conclure, après 30 journées de Ligue 1, Lens compte 63 points. On sait que le record du Racing date de 1998 avec 68 points… et 1998 fait écho au titre de champion de France… je ne vais pas vous demander si vous "rêvez" de remporter la Ligue 1 cette saison, car je sais que vous n’êtes pas un rêveur. Seuls les faits comptent pour vous. Pensée cartésienne… Mais justement, lorsque l’on réfléchit d’un point de vue rationnel, le RC Lens est un candidat pour le titre. On ne peut pas se voiler la face. Au regard de la forme, de celle des adversaires, etc. Tout peut arriver, certes. Mais malgré tout… le titre de Ligue 1, vous y pensez ? 

R : Oui, c'est vrai (rires)... Je ne suis pas rêveur. Pour revenir à Paris, factuellement, ils sont premiers depuis la 1e journée. Ils ont 6 points d'avance aujourd'hui sur nous. Et on ne sait pas ce qu'il en sera dans trois jours... Si ça sera 6, 9 ou 3. Je n'en sais rien, mais en tout cas, Paris n'a plus que le championnat à jouer cette année. Ils sont devant depuis le début. Ils ont un calendrier qui est, par rapport au reste des équipes du haut de tableau, le plus abordable. Je vois donc difficilement un autre champion que Paris. Mais ce qui ne va pas nous empêcher d'aller à Paris avec l'ambition de leur poser des problèmes. 

Q : Très bien. Du coup, on vous souhaite au moins - ou au mieux - la Ligue des champions pour la saison prochaine (rires). 

R : (rires) On aura surtout ce que l'on mérite !

Bollaert en ébullition la semaine passée contre Strasbourg
Bollaert en ébullition la semaine passée contre StrasbourgAFP
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