"(...) L'Olympique Lyonnais a décidé de mettre en œuvre une procédure pouvant aboutir à la rupture du contrat de travail de Fabio Grosso et de ses adjoints, Raffaelle Longo, Francesco Vaccariello, Vittorio Carello, et Mauro Carretta. En attendant l’issue de cette procédure, la préparation et l’encadrement du match à Lens, ce samedi à 17h00, seront assurés par Pierre Sage assisté de Jérémie Bréchet, Jean-François Vulliez et Rémy Vercoutre en qualité d’entraîneur des gardiens", pouvons-nous lire au sein du communiqué publié par le club rhodanien jeudi.
Personne, semble-t-il, ne l'avait vu venir, Pierre Sage, 44 ans et entraîneur adjoint ces dernières années de Karim Mokeddem à l'AS Lyon-Duchère et d'Habib Beye au Red Star, va donc connaître sa première expérience en tant que n°1. Une première qui s'avère tout d'un traquenard au regard de la situation actuelle des Gones.
Mais son discours disséminé ces dernières années dans les sphères intimistes de l'internet footballistique français présage peut-être une belle carrière de technicien.
"Nous devons être dans une logique d’effort lorsque nous n’avons pas le ballon. Un effort mental, un effort physique, etc. Nous devons aimer avoir le ballon et détester ne pas l’avoir."
Cette citation ci-dessus provient de Pierre Sage lui-même dans une interview pour Nosotros l'été dernier. Des mots qui résonnent forcément dans l'esprit de ceux dont la culture tactique est ancrée.
En effet, devoir "aimer avoir le ballon et détester ne pas l’avoir" fait partie des mantras de ceux qui ont façonné l'Ajax au siècle dernier. Jack Reynolds, qui a établi les prémices du "Football Total" et Rinus Michels, qui a apporté au club néerlandais sa première C1 et dont on ne présente plus la philosophie, ont sans cesse chercher à récupérer le ballon le plus vite possible.
Un formateur, mais pas que…
Johan Cruyff en a été l'héritier à la fin des années 1980 et au début des années 1990 avant qu'un certain Pep Guardiola révolutionne de nouveau le monde du ballon rond au tournant des années 2010 – et il continue à le faire. À écouter (et surtout le lire), on comprend que Pierre Sage est un adepte des principes de jeu qui ont mené – au fil de la trame footballistique –, au jeu de position. Une philosophie de jeu qui consiste à manier l'espace et le temps afin de prôner une possession verticale.
"Pour accumuler des avantages dans le jeu, exploiter les différents espaces que nous avons réussis à nous créer en manipulant l’adversaire, afin de nous créer des situations dans le camp adverse en attaquant sans cesse la profondeur. S’il y a une menace constante dans le dos de l’adversaire, même quand nous sommes dans une logique de faire progresser la balle, nous progresserons de fait plus rapidement."
Il convient de se demander alors pourquoi cet homme n'a jamais été mis sur le devant de la scène plus tôt. À cela, nous n'avons pas la réponse, même s'il paraît simple d'en déduire qu'il attendait patiemment son heure. Celle-ci risque d'être délicate alors que son premier match dirigé de Ligue 1 sera un Lens - Lyon. Mais surtout, son discours, dont le trait moderniste ne fait aucun doute, tranche avec la conformité de ce que peut dire un directeur du centre de formation. En effet, Pierre Sage donne tout à fait l'impression d'être prêt pour entraîner en équipe première.
"Il connaît très bien la formation et la méthodologie. Maintenant gérer un groupe pro dans l'urgence contre Lens et Marseille, c'est une autre histoire. Mais je lui fais confiance. Dans sa situation catastrophique, l'OL n'a rien à perdre avec lui", nous confie Borgia, un observateur assidu de l'OL et fin connaisseur du travail de Pierre Sage.
Par le passé, il a été entraîneur des jeunes entre juillet 2019 et décembre 2021. Il fut notamment "entraîneur de la méthodologie". Une belle appellation pour dire qu'il était chargé d'instaurer une identité de jeu chez les nouveaux Gones. Une gouvernance qui a fait ses preuves dans le football, puisque c'est ainsi, notamment, que l'Ajax et le FC Barcelone fonctionne depuis près de 50 ans. Pour Pierre Sage, définir un projet se résume à mettre au point un modèle de jeu : "c'est un idéal".
Néanmoins, il ne suffit pas d'avoir de très belles idées de jeu pour performer à un tel niveau. D'illustres prédécesseurs, comme Arrigo Sacchi par exemple, étaient bien plus que des tacticiens. Mais le nouvel intérimaire lyonnais semble porter en lui des espoirs trop peu portés ces dernières années du côté du Groupama Stadium.
"Il est rassembleur et humble. Cela peut le faire en attendant de meilleurs joueurs. Plus que le résultat immédiat (Lens, qui voudra se racheter, et l'OM, ce ne sera pas de la tarte), il faudra voir le contenu. Pierre Sage a des principes clairs, à l'inverse sans doute de Fabio dont certains disaient que les joueurs ne comprenaient pas toujours ce qu'il voulait. Cela ne devrait pas être le cas", embraye Borgia.
"On verra déjà sa première compo à Lens. Cela devrait changer, elle nous en dira plus sur la direction qu'il souhaite prendre."
À l'image d'un Régis Le Bris à Lorient, qui fut également formateur avant de devenir entraîneur principal, Pierre Sage risque de séduire par son discours dans les jours, semaines et mois à venir. Avec à la clé, peut-être, une réussite sportive salvatrice (et révolutionnaire pour l'OL) ?
