Malgré des résultats convenables, pourquoi la situation d'Allegri est-elle discutable ?

Revenu sur le banc de la Juventus, il y a presque trois maintenant, Allegri avait eu comme mission de remettre la Vieille Dame en haut du football italien. À l'époque, elle est championne en titre, mais est destituée par l'Inter d'Antonio Conte. Ainsi, Andrea Pirlo fait les frais d'une direction impitoyable. 

En rappelant Allegri, l'idée est de reprendre l'histoire qui s'était arrêtée en juin 2019, alors que les dirigeants bianconeri avaient voulu un changement d'ère. 

Depuis, la Juve n'a toujours rien gagné et pire encore, elle a quitté la scène européenne en 2023. Par ailleurs, statistiquement, ce second mandat d'Allegri est logiquement moins bon que le premier - 56 % de victoires contre 70 % entre 2014 et 2019.

Toutefois, il convient de reconnaître que les résultats se sont améliorés et cette saison 2023-2024 semble parti pour être bien meilleure que les deux précédentes. Sauf qu'au regard de la tendance actuelle en Europe – avec les nombreux changements d'entraîneurs à venir –, ne serait-il pas le moment ou jamais pour opérer un virage à 180 degrés ?

"À l’heure actuelle, les dirigeants n’ont pas le choix que de montrer du soutien pour Allegri car en ce moment la période de la Juventus est compliquée, le Scudetto s’est éloigné et conserver cette 2ᵉ place doit être pris en compte", indique cependant Tony Bianchi, supporter et observateur averti du club turinois – qui couvre l'actualité de la Serie A pour Temps Additionnel.

Un fond de jeu quasi inexistant

Certes, avec 57 points acquis après 26 journées, la Juventus comptabilise un bilan plus qu'acceptable. D'autant que le club le plus titré d'Italie n'avait plus atteint un tel total à ce stade du championnat depuis 2020 - saison de leur dernier titre. Toutefois, contrairement à il y a quatre ans – alors qu'ils possédaient six points de plus –, les Bianconeri ne risquent pas de finir en tête au regard du rythme imposé par l'Inter. 

Lorsqu'on observe en surface, factuellement, il n'y a pas grand-chose à redire, Allegri semble bien partie pour ramener son club en Ligue des champions. Là est peut-être le plus important pour une institution d'une telle envergure. 

Sauf que le jeu déployé sur le terrain ne répond certainement pas aux attentes. Il est même difficile à croire que la Juve puisse rivaliser la saison prochaine avec un projet de jeu aussi peu abouti et ambitieux.

"Le projet de jeu d’Allegri, voire l’entraîneur lui-même, a toujours été un débat en Italie. Certains l'aiment, aveuglés par son passé glorieux à la Juventus. D’autres ont plus de recul et préfèrent se montrer dubitatif au vu de ce qui est proposé (sur le terrain). Il y a un débat au sein duquel certains soutiennent qu'Allegri a besoin d’avoir des joueurs plus expérimentés sur le terrain pour démontrer ses compétences et d'autres pensent que c’est Allegri qui est totalement dépassé footballistiquement et qu'il est incapable d’apporter ce que le projet Next Gen attend de lui", ajoute Tony.

Un constat que partage Elvin De Fazio, journaliste L'Équipe et spécialiste du football italien. "Le jeu peu attractif de cette Juve est fortement critiqué. Elle n'arrive pas vraiment à trouver une identité de jeu, mais surtout, elle ne gagne plus de trophées depuis le retour d'Allegri et c'est très mal vécu dans un club qui est habitué à gagner. On sent que la confusion tactique n'aide pas cette équipe avec des éléments comme Chiesa ou encore Locatelli qui peinent à performer et à se sentir à l'aise dans le 3-5-2. Malgré les difficultés, Allegri n'a jamais voulu changer son système de jeu, ce qui est là aussi fortement critiqué. Cette Juve là peine à se montrer dangereuse offensivement, à créer et est en difficulté lorsqu'elle doit construire."

Le collectif d'Allegri est malgré tout fidèle à ses vieux principes, qui symbolisent à merveille l'histoire de la Vieille Dame. À savoir une assise défensive très solide qui permet d'être efficace dans sa surface. À l'inverse, de l'autre côté du terrain, les statistiques avancées le prouvent, seul le réalisme sauve les meubles ainsi que des individualités comme Dušan Vlahović. Le 2ᵉ de Serie A recule au 5ᵉ rang lorsqu'il s'agit de classer le championnat par les xG (45,30).

Désormais se pose la question de l'avenir d'Allegri, ainsi que de la Juve. Et à ce propos, nos deux observateurs estiment que les prochains mois seront cruciaux. "⁠À la fin de la saison, il y aura une grosse interrogation pour le futur d’Allegri à qui il va lui rester 1 an de contrat. Son salaire pèse énormément sur les comptes et son jeu ne met pas tout le monde d’accord", indique Tony.

"Clairement cet été, une décision drastique devra être prise : avec le très probable retour de la Ligue des champions dans le Piémont, une évaluation sera faite. Contrairement à l'été dernier, il ne restera plus qu'une année de contrat au technicien italien. Au-delà de tout ça, je pense qu'Allegri devra aussi s'interroger lui-même : 'puis-je encore apporter quelque chose à cette Juve en pleine reconstruction ?'", ajoute Elvin.

Il n'empêche qu'il est impossible de prédire si de grands changements se préparent. Mais si cela arrive, nul doute que de nombreux entraîneurs toqueront à la porte des Bianconeri pour lancer une nouvelle ère. Pourquoi pas Thiago Motta ou Vicenzo Italiano comme aimerait Tony…

D'ici-là, il faut que la Juve retrouve la Ligue des champions l'année prochaine et ça passe par une victoire face au Napoli ce dimanche.