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France-Maroc, le sport entre deux rives (2/3): Abdelatif Benazzi, le géant de l'Atlas

Sébastien Gente
France-Maroc, le sport entre deux rives (2/3): Abdelatif Benazzi, le géant de l'Atlas
France-Maroc, le sport entre deux rives (2/3): Abdelatif Benazzi, le géant de l'AtlasAFP
C'est l'histoire d'un gamin d'Oujda qui est devenu l'un des plus grands joueurs des années 90. Abdelatif Benazzi, a la progression fulgurante, est devenu capitaine du XV de France, et le symbole des liens entre ses deux pays. Comme il le dit lui-même, «Ce France-Maroc c’est comme choisir entre ma mère et mon père»

Abdelatif Benazzi, c'est d'abord l'histoire quelqu'un qui a du faire sa place. À plusieurs reprises. Comme enfant, puisque son physique - déjà hors normes - lui vaut le surnom peu flatteur de "Tabbouz". C'est comme si votre enfant était surnommé "Bouboule". À Oujda, au Maroc, le voilà renfermé de par ces critiques. 

Comme souvent, le sport va venir à la rescousse d'un gamin complexé. À 14 ans, il débute au rugby. Et ne s'arrêtera plus. Pourtant, c'est loin d'être le sport n°1 au Maroc. La fameuse phrase "Le rugby est un sport de voyous joué par des gentlemans" résonne fort dans l'Atlas. C'est sa rencontre avec un certain Reinhard Janik qui va changer sa trajectoire. L'Allemand - aujourd'hui décédé - était un homme atypique, professeur de sport à Oujda, qui a eu une trajectoire étonnante - il découvrira notamment quelques années plus tard un certain Ladji Doucouré - va lui faire découvrir le rugby. Il ne lui faudra que quatre ans pour devenir le meilleur joueur marocain. 

La France, terre d'accueil ?

Ce sport va alors lui faire traverser la Méditerrannée. D'abord pour jouer en deuxième division, à Cahors. C'est dans le Lot que Benazzi découvre le rugby français. Une seule saison à ce niveau, où il sera tout simplement le meilleur marqueur d'essais de la compétition. Et fatalement, tous les clubs de première division vont rapidement lui faire les yeux doux.

C'est le SU Agen, à l'époque un cador du rugby hexagonal, qui rafle la mise et signe le géant de l'Atlas. Ravi d'intégrer un grand club français, Benazzi va déchanter. Six premiers mois affreux, dans un club truffé d'internationaux, où personne ne lui adresse la parole. Il raconte même avoir reçu des lettres anonymes à caractère raciste à ses débuts dans le Lot-Et-Garonne. Comme il le raconte, "Pour moi, la France, c'était liberté égalité fraternité, le pays de l'épanouissement".

Mais au lieu de chercher à comprendre le pourquoi du comment, il va gagner sa place sur le terrain. Et ses exceptionnelles qualités de joueur vont lui permettre d'intégrer le pack agenais, qui sera vice-champion de France cette saison-là. Et de ne plus le quitter pendant 12 saisons. Il ne sera jamais champion de France, mais ne cèdera jamais au sirènes de la concurrence et ne s'en ira qu'en fin de carrière, tenter un dernier challenge en Angleterre, aux Saracens.

Il ne lui aura donc fallu que six mois pour faire taire les doutes et les comportements douteux envers sa personne. Un géant au coeur doux qui fera l'unanimité partout où il passera, et notamment dans le XV de France.

Un vrai roman en Bleu

Pourtant, là encore, cela aurait pu ne jamais arriver. En effet, il avait répondu favorablement à une convocation avec l'équipe nationale marocaine en début de carrière. Heureusement, les règlements internationaux de l'époque ont joué en sa faveur, et il a pu intégrer le XV de France.

Là encore, l'affaire a été compliquée. Pour sa première sélection, il est titulaire en troisième ligne centre, mais ne passera que 13 minutes sur le terrain. Et ce n'est pas à cause d'une blessure. Il va se faire prendre à marcher sur un adversaire au sol - l'époque était différente - et se faire expulser. Pour certains, cela aurait pu sonner la fin d'une carrière internationale. 

Mais pas pour lui. Il y aura 77 autres sélections Et toutes sortes de rebondissements. Parfois heureux, comme quand il va accéder au capitanat en 1996, ce qui va lui permettre de mener le XV de France au Grand Chelem en 1997. Où quand il appartiendra à l'équipe qui va réussir l'impensable en 1999, à Twickenham. Les Bleus vont ce jour-là renverser les invincibles All Blacks de Jonah Lomu pour aller se qualifier en finale. 

Parfois malheureux, avec la finale de cette édition 1999 où les Bleus sont passés à côté de l'évènement face aux Australiens. Où juste après le Grand Chelem susmentionné, quand il va payer les pots cassés de la déroute contre les Sud-Africains et en plus se blesser à un genou, ce qui lui vaudra de cravacher pour revenir en force au Mondial 99.

Et parfois, les deux sentiments se mélangent.

Mandela, le tournant

En 1993, il se rend en Afrique du Sud pour une série de test-matchs avec le XV de France. Si le succès sportif n'est pas au rendez-vous, il va rencontrer alors un certain Nelson Mandela. Et le récit de sa rencontre pourrait arracher des larmes à n'importe qui.

"Dès que j’ai vu Nelson Mandela s’approcher de moi, mon corps s’est mis à trembler. Comme si une onde m’avait traversé. Nous avons échangé un regard, puis une poignée de main. La rencontre a certainement dû être, en réalité, très brève, mais, pour moi, elle a duré tellement longtemps que je ne peux pas oublier son visage et son sourire. Il illuminait ceux qui l’approchaient. Nelson Mandela était un homme épanoui, reposé, serein, ce qui est d’autant plus étonnant quand on sait ce qu’il a enduré. Il était en paix avec lui et avec les autres, et portait cette paix sur son visage. Il l’offrait autour de lui."

Deux ans plus tard, l'Afrique du Sud accueille la Coupe du monde, avec Mandela à la tête de la nation "Arc-en-ciel". Un souvenir tellement amer pour la France. Après une compétition parfaite, les Bleus défient le pays hôte en demi-finale. Une rencontre parmi les plus légendaires de l'histoire du XV de France. 

D'abord parce qu'elle s'est déroulée sous des trombes d'eau, à tel point que la partie aurait pu être reportée. Un match dantesque, sur lequel plane encore aujourd'hui les soupçons les plus incroyables - corruption, intoxication alimentaire provoquée - mais une action en particulier entrée dans la légende.

Sur une chandelle, il récupère le ballon au milieu des Springboks, semble filer à l'essai de la victoire - la France est alors menée de 4 points - mais trébuche sur un coéquipier, tombe. Essai ? Pas essai ? Pas pour l'arbitre de la rencontre, M. Derek Bevan. Mais pour Benazzi, aucun doute, il a marqué. Les déclarations qui vont suivre résument l'immense bonhomme et rugbymen qu'il a été.

"Oui, j'ai aplati sur la ligne. Mais dans le vestiaire, après le match, je dis aux gars que je n'ai pas aplati, pour qu'il n'y ait pas de frustration et que tout le monde se tourne vers le match pour la troisième place contre les Anglais, que l'on avait pas battus depuis six ans."

Il offrira à la fondation Mandela le maillot qu'il portait ce jour là. Un ultime symbole de la carrière du géant de l'Atlas, arrivé en France anonymement, reparti en légende. 

 

Retrouvez les autres chapitres de notre série "France-Maroc, le sport entre deux rives" : 

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