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Franz Beckenbauer à l'OM, malgré l'échec sportif, le coup de génie de Bernard Tapie

François Miguel Boudet
Franz Beckenbauer et Bernard Tapie en septembre 1990
Franz Beckenbauer et Bernard Tapie en septembre 1990Profimedia
Auréolé du titre de champion de monde de l'Allemagne nouvellement unifiée comme entraîneur en 1990, Franz Beckenbauer débarque à l'Olympique de Marseille le 6 septembre pour remplacer Gérard Gili alors que le club est leader du championnat. 103 jours plus tard, le Kaiser repart. Sur le terrain, c'est un échec. Sur le plan symbolique, en revanche, c'est un coup de maître de Bernard Tapie

Bernard Tapie a toujours la folie des grandeurs, cela a fait sa fortune et provoqué sa décadence. Arrivé à la tête de l'Olympique de Marseille qui a échappé à la disparition avant de remonter en Division 1 grâce aux Minots en 1986, il sait qui il veut comme entraîneur : Franz Beckenbauer. Nous sommes en 1987, le "Boss" ne doute de rien et même si l'affaire ne se conclut, il a été posé l'hameçon.

Le temps lui sert d'allié. Le Mur de Berlin tombe en 1989, le "Kaiser", symbole des succès de l'Allemagne de l'Ouest en tant que joueur, devient le chef de la Mannschaft réunifiée. En Italie, contre l'Argentine de Diego Maradona, un penalty d'Andreas Brehme offre la Coupe du monde à un pays qui avait besoin d'un tel moment de communion pour débuter une nouvelle ère. 

Vata "condamne" Gili

L'OM renaît de ses cendres depuis que BT est arrivé : Coupe de France en 1987, doublé Coupe-championnat en 1989 et nouveau titre de champion en 1990. La saison suivante est du même acabit : l'équipe domine la Division 1 sous les ordres Gérard Gili avec 7 victoires et 2 nuls.  Mais cela ne suffit pour Tapie. La France est trop petite et il veut remporter la Coupe d'Europe des clubs champions qu'aucune formation hexagonale n'a encore jamais remporté. 

Mais un événement convainc Tapie de frapper fort pour aller chercher cette coupe aux grandes oreilles : la main de Vata à Lisbonne contre Benfica qui prive l'OM d'une première finale. Sa colère après le match est restée dans les mémoires et peut même être jugée prémonitoire par rapport à l'affaire VA/OM en 1993 : "faut pas me la faire trop longtemps. Sur le plan du recrutement et de la manière de manager un club, je pense que ça, j’avais su faire. Manager l’environnement d’une Coupe d’Europe, je n’avais pas compris, je vous promets que j’ai compris. Cela ne se reproduira plus jamais".

La saison 1990-1991 commence avec Gili, l'entraîneur qui a refait gagner l'OM. Mais peu importe. Beckenbauer, c'est le Kaiser, l'un des plus grands joueurs de l'Histoire, charismatique, emblématique. "Je m’en vais en septembre 1990 quand il décide de le prendre comme directeur technique, expliquait Gili le 8 octobre 2021 quelques jours après le décès de Tapie. Je quitte le club parce que la situation a changé, je n’ai plus la possibilité de faire mon travail à l’OM dans les mêmes conditions".

Les planètes s'alignent… de travers

Le business n'est jamais loin. Début juillet 1990, Tapie a racheté Adidas, fleuron allemand en perte de vitesse par rapport à Nike et Reebok. "L'affaire de ma vie", synthétise-t-il... qui lui rapportera plus de problèmes que de satisfactions, au point que l'action publique relative au rachat s'est éteinte 31 ans plus tard suite... au décès de BT. Tapie-Adidas-Beckenbauer : l'association est évidente et elle devient réalité. 

Le Kaiser est charmé par le Boss. Mais l'aïoli ne monte pas pas. Invaincu avec Gili, l'OM perd d'emblée contre Cannes. Si "El Principe" Enzo Francescoli, Franck Sauzée et Didier Deschamps, prété à Bordeaux, sont partis à l'intersaison, l'enfant des Caillols Eric Cantona et Abedi Pelé sont revenus et Dragan "Pixie" Stojkovic est la recrue vedette de l'été. Même s'il a Jean-Pierre Papin devant, Beckenbauer se plaint de la profondeur de son effectif qui ne compte que 17 joueurs de champ, surtout que le Yougoslave est arrivé blessé et ne donnera jamais son plein potentiel, immense, sous les couleurs marseillaises. 

Pour un Bavarois pur sucre, le décalage avec l'ambiance locale est immense. "C’était une période assez dingue, avait-il confié dans une interview accordée à L'Equipe en 2011. Quelques semaines après mon arrivée, il y a eu cette affaire de caisse noire à Toulon. Un jour, on s’entraînait sur un terrain à côté du Vélodrome. La police a fait irruption et a embarqué trois joueurs (Bernard Pardo, Pascal Olmeta et Bernard Casoni, ndlr) qui devaient être entendus. Je n’ai rien compris à ce qui se passait car je ne parlais pas un mot de français. Tout cela était vraiment assez malvenu. (...) Je suis arrivé au milieu d’un marécage. Je suis aussitôt allé voir Tapie et je lui ai dit : "ne m’en veux pas mais je m’en vais". Il m’a répondu que je devais rester jusqu’à la fin de la saison. C’est ce que j’ai fait".

103 jours et Auf Wiedersehen

Ou presque. Car entre une défaite en Coupe d'Europe contre le Lech Poznan (3-2) en octobre et une déroute à Auxerre (4-0) début décembre, il devient de plus en plus évident que deux mâles alpha ne peuvent pas fonctionner de concert. 

"Bernard Tapie se mêlait trop de mon travail au quotidien, notamment sur les questions d'ordre tactique, rappelait-il dans les colonnes de France Football. Je pense que sans lui je serais resté bien plus longtemps, peut-être même de longues années à la tête de l'OM et ce défi m'aurait bien plu. C'est sans doute l'un des seuls regrets de ma carrière". 

Tapie n'avait évidemment pas la même vision, même avec le recul des années : "moi je ne suis pas content de Beckenbauer qui me met un bordel pas possible alors qu'il est le meilleur du monde, s'exclamait-il en 2019. Mais il est le meilleur du monde avec des Allemands ! Et quand je le vois diriger mon équipe, je deviens fou... Et qui avait les couilles de virer le champion du monde au bout de deux mois si c'est pas moi ?". 

Sportivement, le passage du Kaiser ne laisse pas une marque indélébile : 15 petits matches, 8 victoires, 2 nuls, 5 défaites, 28 buts inscrits, 17 encaissés. En revanche, là où BT avait vu juste, c'est que le nom Beckenbauer a mis l'Olympique de Marseille sur la carte du football européen car capable d'attirer un tel grand nom juste après une victoire en Coupe de monde. Le 31 décembre 1990, 103 jours après son arrivée, le Kaiser est remplacé par Raymond Goethals qui mènera l'OM jusqu'à Bari pour disputer sa première finale européenne. 

"Marseille reste, pour moi, un endroit fantastique avec un public fantastique", clamait Beckenbauer en 2011. Ce ne fut pas le beau mariage espéré mais ce fut, pour l'OM, le début d'une aventure qui se terminera sur le toit de l'Europe, le 26 mai 1993. À Munich, comme un clin d'oeil. 

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