Gianni Infantino, l'homme qui rêvait de refonder le football
"Restaurer l'image de la FIFA" et "rendre le football vraiment mondial" : l'ambition de cet homme de 52 ans est bien résumée dans ces deux phrases, répétées dans plusieurs de ses discours ces dernières années, où il se présente aussi comme le garant de l'équité et de la justice dans le sport le plus populaire de la planète.
Sans les scandales qui ont précipité en 2015 la fin de son prédécesseur Sepp Blatter, peu d'experts auraient pensé à ce juriste sans passé sportif pour prendre les rênes de l'instance zurichoise.
Mais alors que Blatter a sombré dans les scandales de la FIFA, l'"éternel numéro 2" s'est hissé au sommet, étant élu président de la FIFA au second tour en 2016 parmi cinq candidats. En 2019, il a été réélu sans contestation, comme il le sera encore ce jeudi.
Soupçons de collusion
En guise d'héritage, il laissera en sa faveur la limitation de la présidence à trois mandats, une réforme du système des transferts, l'instauration d'un congé maternité pour les footballeuses, ainsi qu'une forte augmentation des revenus de l'institution, qui sont ensuite redistribués solidairement entre les 211 fédérations nationales.
"Nous avons pu le faire parce que dans la nouvelle FIFA, l'argent ne s'évapore plus, il va aux bonnes personnes", se félicitait-il en décembre lors du 72e congrès de la FIFA à Doha.
Cette image d'intégrité a été ternie lorsqu'une procédure a été ouverte contre lui en juillet 2020 pour "incitation à l'abus d'autorité", "violation du secret de fonction" et "entrave à l'exercice de poursuites pénales".
La justice suisse lui reproche trois réunions secrètes en 2016 et 2017 avec Michael Lauber, alors chef du Ministère public de la Confédération. Ces réunions ont alimenté les soupçons de collusion entre l'accusation et la FIFA, partie civile dans la plupart des procédures engagées contre d'anciens responsables du football, dont Blatter et Platini.
La défense d'Infantino a récusé avec succès le procureur chargé de l'enquête, mais deux autres juges se sont saisis de l'affaire, classant jeudi l'un des dossiers, celui faisant référence à une "gestion déloyale" présumée lors d'un vol en avion privé effectué en 2017 par le dirigeant.
L'heure de l'union a-t-elle sonné ?
Ce polyglotte, installé en partie à Doha avec son épouse libanaise et ses cinq enfants, ne manque pas d'idées pour développer le sport le plus populaire au monde.
Mais dans un univers footballistique aux équilibres complexes entre ligues, fédérations riches et pauvres, clubs, confédérations, joueurs et supporters, beaucoup lui reprochent de manquer de tact ou de vouloir passer en force.
Il a réussi à faire passer le nombre de participants à la Coupe du monde de 32 à 48 équipes, non pas à partir de 2022 comme il le souhaitait, mais à partir de l'édition 2026 qui sera organisée par les États-Unis, le Mexique et le Canada, et le football féminin connaît sous son mandat une période faste.
En revanche, il n'a pas réussi à introduire une Coupe du monde des clubs à 24 équipes à partir de 2021, présentée comme particulièrement lucrative et qui n'a pas convaincu l'UEFA.
Finalement, la FIFA a annoncé en décembre qu'elle se tiendrait à partir de 2025, tous les quatre ans et avec 32 équipes ? Le tout sans consulter ni les ligues ni les clubs.
C'est le même procédé qui l'a conduit à envisager une Coupe du monde tous les deux ans, au lieu de quatre actuellement, mais il a dû renoncer face à la forte opposition des deux principales confédérations (UEFA et CONMEBOL) et d'autres acteurs du football, qui craignaient une saturation d'un calendrier déjà surchargé.
Infantino s'est alors voulu plus ouvert au dialogue : "Nous savons qu'il est important de parler", a-t-il déclaré à Doha, promettant un "respect total" des acteurs du football s'il restait à la tête de la FIFA.