Hélas, le monde du tennis semble avoir une nouvelle fois oublié Peng Shuai
Le circuit WTA a fini par céder. Pourtant, en décembre 2021, le patron du tennis féminin, Steve Simon, était clair et sans équivoques. Il annonçait la suspension immédiate de tous les tournois organisés en Chine et à Hong Kong. En cause, l'affaire Peng Shuai.
Rappel des faits : Peng Shuai est une joueuse professionnelle de tennis, Chinoise, dont le principal fait d'armes est une demi-finale lors de l'US Open 2014, en plus de deux titres en simple et de deux triomphes en Grand Chelem en double. Mais ce n'est - malheureusement - pas pour cela qu'elle est devenue tristement célèbre.
En novembre 2021, elle a accusé de viol un ancien vice-premier ministre du gouvernement chinois pour des faits remontant au milieu des années 2010. Dès lors, elle a purement et simplement disparu. La décision de Steve Simon est intervenue un mois plus tard, et le patron montrait une force saluée de partout. Pour lui, les joueuses n'allaient clairement pas être en sécurité dans un pays où l'une des leurs avait disparu en un clin d'oeil.
C'est un véritable bras de fer qu'à lancé le CIO de la WTA. En février 2022, Peng Shuai est réapparue dans une interview pour l'Équipe, qui ressemblait à une mauvaise mise en scène. Jamais laissée seule, elle nie avoir porté des accusations d'agression sexuelle, et en profite pour annonce la fin de sa carrière de joueuse professionnelle.
L'iun des interviewers avait émis des doutes sur la liberté de parole de la Chinoise, et avançait que les officiels chinois "espéraient" que l'interview montrerait qu'il n'y avait aucune affaire Peng Shuai. Raté, Steve Simon en remettait une couche en expliquant que cette interview ne l'avait pas convaincu, et qu'il maintenait sa position.
Et après ? Plus rien, des appels sur les réseaux sociaux, certes, mais plus d'apparition de la joueuse. Et la WTA a porté le coup de grâce en avril dernier, en annonçant retourner en Chine dès la fin de la saison. Et pas qu'un peu. Trois WTA 250 plus un autre à Hong Kong, un WTA 500, un WTA 1000 à Shanghaï, l'Élite Trophy et surtout les WTA Finals. Ou comment passer de rien à tout.
"La position que nous avons adopté était appropriée et nous la maintenons. Mais 16 mois plus tard, nous sommes convaincus que nos demandes ne seront pas satisfaites. Continuer avec la même stratégie n'a pas de sens." Les mots de Steve Simon au moment de l'annonce du retour en Chine sonnent comme un terrible aveu d'échec. La WTA a perdu la guerre, mais pas n'importe laquelle, celle de l'argent.
Un avis partagé par le directeur du tournoi d'Ostrava, Tomas Petera, qui n'a pas manqué de déclarer "Je pense que les dirigeants n’avaient pas le choix. C'est une question d'argent et la WTA n'en a pas, alors ils ont décidé de revenir, même s'ils ont l'air idiots au vu des événements qui se sont produits."
Ben sûr, le boss de la WTA a dû se dédouaner, déclarant laconiquement via un communiqué un "Nous avons été rassurés par le fait que Peng Shuai est en sécurité et nous savons où elle se trouve." Très bien. Mais où se trouve-t-elle, alors ?
Les joueuses, elles, se sont rapidement résignées. Très peu de voies s'étaient élevées au coeur de l'affaire, et les conférences de presse qui ont suivies n'ont rien auguré de nouveau. Pour Caroline Garcia, "l’ATP et l’ITF étaient déjà en train de revenir en arrière et le tennis féminin suit. Dans le passé, nous avons organisé d'énormes tournois là-bas et je pense que c'est un changement important pour nous dans notre calendrier. J'ai hâte d'y être."
Quant à la n°1 mondiale, Iga Swiatek, elle ne s'est clairement pas mouillée. "J’espère simplement que la WTA prend la bonne décision. J’espère que nous, en tant que joueurs, pourrons être en sécurité, quel que soit le pays d’où nous venons. Je n’ai aucune influence émotionnelle car je ne suis même jamais allé en Chine. C'est difficile pour moi de dire quoi que ce soit."
L'argent, toujours. Les joueuses ne vont pas prendre le risque d'une déclaration tapageuse qui ferait perdre de l'argent au circuit WTA. Car selon le New York Times, la Chine avait investi en 2019 500 millions de dollars pour l'organisation des tournois sus-cités jusqu'en 2028. Le Covid avait bien évidemment freiné tout cela, mais une telle somme pour un circuit en difficulté par rapport à l'ATP a visiblement changé la donne.
Car les débats financiers qui occupent l'espace médiatique, ils sont quasi-exclusivement autour de la parité homme - femmes dans l'attribution du Prize Money. C'est le cas en Grand Chelem, mais pas dans tous les tournois du circuit. Au Masters 1000 de Rome, par exemple, le vainqueur masculin touche le double de la lauréate.
Ironiquement, la WTA est bien plus critiquée pour cet état de fait que pour sa gestion de l'affaire Peng Shuai. Car cette dernière est en train de tomber aux oubliettes. Depuis avril et la décision de revenir en Chine, quasiment plus personne n'en parle. Le sujet est devenu taboo, et si l'on lit entre les lignes, on comprend que la reprise du partenariat Chine - WTA reste fragile, et qu'il ne faudrait pas faire quoi que ce soit qui puisse le compromettre.
Nul doute que les tournois chinois seront des succès populaires, qui permettront de remplir les caisses de la WTA. Mais peut-être que le retour en Chine permettra de remettre le problème sur la table, et de répondre à la question que quelques uns se posent encore aujourd'hui : où est Peng Shuai ?